Jean Calvin : une position bourgeoise anti-féodale

Ce que dit Jean Calvin permet l’avènement de l’individu, en tant que forme sociale nécessaire pour le capitalisme. Il faut bien faire ici à ne pas réduire les positions de Jean Calvin à la base culturelle pour le développement des capitalistes, ce qui en ferait une religion des capitalistes pour les capitalistes.

En réalité, la théologie de Jean Calvin est le reflet des besoins du capitalisme en tant que mode de production. Or, quels étaient ces besoins ? Ils ne consistaient pas seulement en l’apparition d’une nouvelle couche sociale ayant des pratiques adéquates : il faut également la couche sociale qui est son pendant dialectique.

Au capitaliste s’oppose, en effet, le travailleur libre. Sans travailleur libre, le capitaliste ne peut pas exister. Aussi le calvinisme s’adresse-t-il tant à l’un qu’à l’autre, en tant que reflet des exigences du mode de production capitaliste apparaissant.

Pareillement, la bourgeoisie ne pouvait pas se développer isolément du reste de la société : elle était imbriquée dans un ensemble. Il fallait une révolution des mentalités, de toutes les mentalités. Le calvinisme ne peut s’explique que dans ce cadre.

Institution chrétienne, de Jean Calvin
Institution chrétienne, de Jean Calvin

Il est tout à fait erroné de faire la même chose que le sociologue allemand Max Weber et de voir en le calvinisme (ou le protestantisme) le point de départ de la bourgeoisie, au lieu de voir en celui-ci l’aboutissement d’un mode de vie adapté aux exigences du mode de production capitaliste.

Le calvinisme a ainsi permis une révolution culturelle dont il est lui-même issu ; il représente un saut qualitatif dans un processus qui est l’acte de naissance de la bourgeoisie, plus précisément son installation sociale, assumée et revendiquée.

Le calvinisme vise à permettre des comportements adéquats, dont la base n’est pas l’austérité comme le pense Max Weber qui confond le calvinisme avec des mœurs puritaines qui se sont développées deux cent ans plus tard.

Le calvinisme porte la tension dans son activité, l’attention aux actes effectués, bref de la méthode. Rien que de très français ici, et cela correspond à une bourgeoisie organisée ayant un besoin de rationalisme, tant de sa propre part que de celle de l’organisation économique et des gens employés.

C’est le sens du calvinisme comme appel à l’entendement pour faire triompher une morale supérieure au nom de la spiritualité. C’est là son rôle historiquement progressiste.

Jean Calvin appelle à l’activité individuelle par rapport à la morale, non plus son acceptation passive. C’est une position bourgeoise anti-féodale. Il explique de ce fait :

« Le jugement commun recevra volontiers que quand on défend le mal on commande le bien qui est contraire. Car c’est une chose vulgaire, que quand on condamne les vices, on recommande les vertus.

Mais nous demandons quelque chose davantage, que les hommes n’entendent communément en confessant cela.

Car par la vertu contraire au vice, ils entendent seulement s’abstenir de vice: mais nous passons outre, à savoir en exposant que c’est faire le contraire du mal.

Ce qui s’entendra mieux par exemple.

Car en ce précepte, Tu ne tueras point : le sens commun des hommes ne considère autre chose, sinon qu’il se faut abstenir de tout outrage et de toute cupidité de nuire: mais je dis qu’il y faut entendre plus, à savoir que nous aidions à conserver la vie de notre prochain, par tous moyens qu’il nous sera possible.

Et afin qu’il ne semble que je parle sans raison, je veux approuver mon dire. Le Seigneur nous défend de blesser et outrager notre prochain, pource qu’il veut que sa vie nous soit chère et précieuse : il requiert donc semblablement les offices de charité, par lesquels elle peut être conservée. Ainsi, on peut apercevoir comment la fin du précepte nous enseigne ce qui nous y est commandé ou défendu de faire. »

C’est pour cela que Jean Calvin oppose l’Ancien Testament au Nouveau Testament, en disant que l’Ancienpassait par la loi, le Nouveau par la chair du Christ. Il ne faut pas que l’obéissance, il faut la volonté, l’engouement, la participation.

C’est cet aspect qui permet de visualiser les perspectives économiques qu’il ouvre.

>Retour au sommaire du dossier