Karl Kautsky est né à Prague le 16 octobre 1854. Sa famille appartient alors au milieu du théâtre ; sa mère est actrice et écrivain, son père peint dans les théâtres. Installée d’abord à Prague, ensuite à Vienne 1875, Karl Kautsky étudia à l’université de cette ville, jusqu’en 1878, dans les domaines de l’histoire, de la philosophie, de l’économie.
Influencé lors de ce parcours par un enseignant à la maison appartenant au hussitisme, il devint un démocrate radical, avant que la Commune de Paris ait un impact significatif sur lui, l’amenant au socialisme.
La lecture du Capital lui a semblé ardue, l’œuvre difficilement compréhensible et c’est l’Anti-Dühring qui l’amena dans les rangs sociaux-démocrates. Membre du Parti Social-démocrate d’Autriche, il en devint rapidement un journaliste et un conférencier.
Dans ce cadre, un de ses ouvrages sur la question de la croissance de la population attira l’attention de Karl Höchberg. Ce dernier, un Juif végétarien issu d’une riche famille, était devenu un mécène pour le jeune mouvement ouvrier allemand. Mettant l’accent sur la question de la faisabilité des mesures socialistes, il participait depuis la Suisse à la diffusion en Allemagne d’une presse d’esprit socialiste, alors que la loi allemande tentait au même moment d’interdire la social-démocratie allemande.
Karl Kautsky alla ainsi à Zurich, devenant un contributeur scientifique, rencontrant l’ensemble des dirigeants sociaux-démocrates, ainsi que Karl Marx et Friedrich Engels. Il fut très proche de ce dernier, lui rendant visite deux fois de manière très prolongée à Londres, y habitant entre 1885 et 1890.
Au cours de ce parcours, Karl Kautsky fonda a en 1883, la Neue Zeit, la Nouvelle époque. Ce journal mensuel puis hebdomadaire, publié à Stuttgart, n’était pas moins que l’organe scientifique de la social-démocratie allemande. En tant que rédacteur en chef, Karl Kautsky en fit le bastion du marxisme, diffusant sa pensée, l’étudiant minutieusement, prolongeant sa réflexion.
La Neue Zeit parlait autant de politique, par des articles ou des tracts, qu’elle abordait les thèmes scientifiques par de longues études.
Karl Kautsky publia également les enseignements économiques de Karl Marx, qui à côté de l’Anti-Dühring de Friedrich Engels et du programme social-démocrate d’Erfurt de 1891 rédigé justement par Karl Kautsky, formaient le noyau dur de la formation des cadres du socialisme.
En 1892, Karl Kautsky publia, en tant qu’idéologue du Parti, une explication des fondements du programme d’Erfurt de la social-démocratie. Son ouvrage se divisait en cinq parties formant la base idéologique de la social-démocratie, sa base stratégique, témoignant de son approche.
Le premier chapitre est l’effondrement des petites entreprises. Les commerçants, les artisans, les marchands voient leur situation péricliter avec le développement du mode de production capitaliste.
Ne restent alors que deux classes, la classe ouvrière et la classe des capitalistes, chacune étant présentée dans un chapitre. Le prolétariat devient toujours plus important numériquement et sa part toujours plus importante dans la société.
Il dépend du travail salarié, alors qu’une partie forme l’armée de réserve, avec le chômage.
La bourgeoisie, quant à elle, est en quête de profit, mais la baisse tendancielle du taux de celui-ci précipitant la réduction toujours plus importante du nombre de capitalistes.
Les grands groupes capitalistes s’imposent toujours plus, parallèlement à la surproduction de marchandises et au gâchis.
C’est là ni plus ni moins qu’un résumé de ce que Karl Marx explique dans Le Capital. Karl Kautsky représente ici l’orthodoxie la plus nette.
Les quatrième et cinquième chapitres apportent eux les solutions politiques originales, propres à la social-démocratie, c’est-à-dire conformes au marxisme sur le plan théorique et en cherchant une voie dans la pratique.
Le chapitre sur « l’État du futur » expose la réalisation des exigences du marxisme. Il s’attarde à rejeter le principe des coopératives, forme déjà dépassée en raison du développement des forces productives, avec de grandes entreprises.
La socialisation est ainsi inévitable, alors qu’à l’arrière-plan le programme aborde la question de la guerre mondiale qui apparaîtra comme conséquence logique de la concurrence des nations capitalistes, à moins qu’une révolution ou la faillite d’un ou plusieurs États ne se produit.
La révolution n’est pas considérée comme devant être nécessairement sanglante, car la bourgeoisie est considérée comme basculant dans la faillite. L’État est considéré comme une forme se développant avec le mode de production capitaliste, mais sa nature spécifiquement liée à celui-ci n’est pas soulignée : l’État moderne est même présenté comme la forme adaptée au développement du socialisme.
L’État moderne se voit, de fait, dans l’obligation de régler les problèmes du capitalisme et il ne peut le faire qu’en assumant lui-même les monopoles.
Karl Kautsky rejette pourtant le « socialisme d’État », car il ne suffit pas que l’État nationalise pour que cela soit le socialisme. Pour cela, il faut que le prolétariat dirige cet État.
La question de la nature de la prise du pouvoir est, pour ainsi dire, secondaire, car de toutes manières le prolétariat se renforce et ne peut que prendre le dessus.
Karl Kautsky pose cette réalité en les termes suivants :
« Une persistance dans la civilisation capitaliste est impossible ; c’est soit l’avancée au socialisme, soit le recul dans la barbarie. »
A ce titre, Karl Kautsky insiste sur la question de la nationalisation des grandes entreprises : les commerçants et les paysans ne seront pas les cibles de celle-ci.
Une fois, en effet, les principales forces productives nationalisées, les petites entreprises seront aspirées par la tendance au progrès.
Le chapitre sur « la lute des classes » aborde la question des couches sociales. Les classes possédantes n’ont rien à gagner au socialisme, par définition ; cela est valable pour les gens qui se placent entièrement à leur service, de manière obséquieuse.
Le lumpenproletariat s’assimile au mieux à la petite-bourgeoisie, ne cherchant qu’à se maintenir hors de la misère, à tout prix et avec un opportunisme le plus vil, formant une partie toujours plus importante de la société.
Les travailleurs salariés, au début de leur existence sociale historiquement, connaissaient de telles conditions ; ils étaient proches du lumpenproletariat. Cependant, avec le développement des forces productives, ils formèrent la classe ouvrière, avec un esprit de solidarité et de discipline.
Arrive alors la lutte, notamment avec le syndicat, et dans les travailleurs les plus combatifs se recrutent les éléments de la social-démocratie, qui suit les objectifs du Manifeste communiste.
Si les paysans et les petits-bourgeois sont aisément anti-parlementaires, anti-Etat, car ils ne peuvent pas concurrencer la bourgeoisie avec ses cadres politiques, tel n’est pas le cas du prolétariat.
La social-démocratie forme, en pratique, la structure politique permettant à la majorité de la société de triompher dans le cadre démocratique, arrachant le pouvoir à la bourgeoisie qui s’imaginait être la seule à pouvoir gérer l’État.
La social-démocratie est la fusion du socialisme en tant que théorie et du mouvement ouvrier. Il ne s’agit plus de revendications morales, mais d’une approche scientifique.
Cet aspect est international, de par le caractère international de la classe ouvrière.