La 31 estampe des Trente-six vues du mont Fuji, intitulée Le pont de Nihonbashi à Edo, ne nous montre pas tant l’intense activité sur le pont, qui relie les cinq routes majeures partant d’Edo alors, que les entrepôts et les barques de transport. Il y a ici une puissante mise en perspective.
Le fait de tronquer la représentation de ceux qui passent sur le pont – en fait le pont du Japon – a une immense portée symbolique, puisque c’est pratiquement le manifeste du capitalisme développé prenant le dessus sur le caractère relativement peu élaboré des commerçants et artisans. L’ordre capitaliste sort de la cohue initiale.
Le village de Sekiya sur la Sumida a une approche plus simple, on peut dire plus traditionnelle du point de vue européen, on se rapproche d’ailleurs littéralement du principe de la bande dessinée, avec le mouvement symbolisé. On notera que, encore et toujours, il n’y a rien au centre, en reconnaissance de la nécessité du développement inégal, de l’absence de symétrie « pure » relevant du formalisme.
La présence marquée des couleurs accorde une grande valeur à cette oeuvre, dont la dimension naturelle est très ample. Le drapé des habits des deux cavaliers au premier plan tranche avec la simplicité générale, et est très inspirant, très gracieux.
La baie de Noboto nous présente des torii, ces portails indiquant un sanctuaire du shintoïsme, la religion impériale. Le mont Fuji est vu à travers l’un d’eux, alors que les villageois – on voit le village au loin – pêche des crustacés.
On a ici un portrait typique d’une situation typique, avec naturellement un côté pittoresque de par les torii, côté à relativiser car on est ici dans l’émergence seulement de la nation japonaise : l’oeuvre relève de l’affirmation bourgeoise du cadre national. Sur le plan de la dynamique, on a un mouvement directionnel appuyé de manière mutiple, puis relativisé mais en même temps renforcé. L’oeuvre est quasiment du perspectivisme.
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