Le Parti Communiste Français paya très cher son incompréhension du barrage à droite prédominant depuis 1938. Il connut une déchirure interne provoquée par l’annonce de l’accord germano-soviétique, mais qui témoigne d’un problème de fond dans son positionnement.
Pour preuve, il y a le départ de 22 des 74 parlementaires communistes, qui mettront en place par la suite un nouveau groupe parlementaire, l’Union populaire française. Une démarche scissionniste d’une telle ampleur ne peut naître qu’à partir d’un véritable manque de solidité.
Les tendances droitières s’agitaient d’ailleurs toujours plus massivement dans le Parti, et cela alors que la France entrait en guerre contre l’Allemagne nazie, aux côtés du Royaume-Uni.
Vint alors le remaniement dans le gouvernement le 13 septembre 1939. Édouard Daladier, déjà président du Conseil, s’appropria les postes de ministre des Affaires étrangères, ainsi que de ministre de la Guerre et de la Défense nationale.
Il décida ensuite d’interdire le Parti Communiste Français, le 26 septembre 1939.
« Article premier. Est interdite, sous quelque forme qu’elle se présente, toute activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale.
Art. 2. Sont dissous de plein droit le parti communiste (SFIC), toute association, toute organisation ou tout groupement de fait qui s’y rattachent et tous ceux qui, affiliés ou non à ce parti, se conforment dans l’exercice de leur activité, à des mots d’ordre relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale.
Art. 3. Sont interdites la publication, la circulation, la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de l’offre, de la vente ou de l’exposition des écrits, périodiques ou non, des dessins et, d’une façon générale, de tout matériel de diffusion tendant à propager les mots d’ordre de la Troisième internationale ou des organismes qui s’y rattachent.
Art. 4. Sans préjudice de l’application du décret du 29 juillet 1939 relatif à la sureté extérieure de l’État, les infractions au présent décret sont punies d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100 à 5 000 fr. Les peines prévues à l’article 42 du code pénal pourront être prononcées par le tribunal. »
La répression va durer plusieurs jours, car le Parti Communiste Français rassemble alors 250 000 adhérents, gère 317 municipalités (soit le double d’avant 1935) et dispose de 2 718 élus.
Ses organismes générés sont très nombreux ; rien que l’ARAC (Association républicaine des Anciens combattants), c’était déjà 93 permanences locales à Paris, 191 dans sa banlieue.
La police perquisitionne les lieux les uns après les autres, procédant à la saisie des documents, emportant le matériel, scellant les locaux, le tout avec une rigueur de métronome, suivant un plan bien établi.
Dès le départ, en quelques jours seulement, sont brisées les principales organisations du Parti comme des principaux organismes générés, ainsi que de L’Humanité.
Puis au fur et à mesure, la répression démantèle l’ensemble des organisations générées, qu’ils relèvent du sport ou de la musique, de l’enfance ou de la culture.
D’autres organismes générés sont épurés ou bien voient leurs gestionnaires totalement renouvelés : on parle ici des bibliothèques, des coopératives, des colonies de vacances.
Du côté des députés restant, ceux-ci formèrent un groupe « ouvrier et paysan », mais début octobre 1935 la répression s’abat sur eux également.
Les municipalités communistes sont évidemment dissoutes, tous les élus déchus de leurs mandats.
Quant à la CGT, elle participe à la saignée : les dirigeants communistes sont exclus dès le départ, puis chaque syndicat doit rejeter ouvertement l’accord germano-soviétique, sous peine d’être dissous, ce qui sera le sort de beaucoup par différentes vagues, notamment un peu plus d’une centaine dans le département de la Seine.
Le processus est exactement le même dans la Fédération sportive et gymnique du travail, avec l’exclusion des dirigeants communistes et la dissolution de 48 clubs et de 21 comités régionaux.
Le Parti Communiste Français est alors un pantin désarticulé. Il n’a pas prévu une telle répression, il est resté un mois sans presse ni propagande, attendant passivement que les choses se débloquent, une illusion fatale.
Il n’a donc pas les moyens de faire face à la répression, alors qu’en plus les défections sont nombreuses, et que la mobilisation faite par l’armée désorganise encore plus ce qui tente de se maintenir avec les multiples départs au front, puisque la guerre avec l’Allemagne est déclarée.
Le décret-loi du 18 novembre 1939 permet l’internement administratif des « individus dangereux pour la défense nationale ». Le camp de vacances de l’union syndicale des ouvriers métallurgistes à à Baillet-en-France à vingt kilomètres de Paris est ainsi par exemple utilisé pour l’internement de 282 communistes.
En mars 1940, Paul Reynaud devient président du Conseil avec le soutien des socialistes et le ministre socialiste de la justice Albert Sérol instaure la peine de mort pour les activités communistes.
Le Parti Communiste Français est alors battu. Maurice Thorez, qui a été mobilisé et a accepté son affectation, est appelé à déserter par l’Internationale Communiste, qui l’amène clandestinement en URSS.
Il y restera pendant toute la seconde guerre mondiale, coupée des réalités du Parti Communiste Français se maintenant dans la clandestinité.
Celui-ci se reconstitue en effet, difficilement, à partir du petit appareil clandestin qui existait, avec ses planques, ses caches, ses imprimeries. Une nouvelle génération de cadres va émerger, menant la Résistance armée.
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isolé et interdit (1938-1939)