Vladimir Vernadsky alla d’abord à l’université Naples, espérant apprendre auprès du professeur Scacchi, un grand spécialiste des cristaux. Mais celui-ci était devenu sénile et il n’y avait plus d’étude de la cristallographie non plus. Il quitta l’Italie pour l’Allemagne, rejoignant Paul Groth, la principale figure allemande en ce domaine, qui a contribué au rapport entre la composition chimique et la structure du cristal et inventé différents instruments de mesure.
Il fit connaissance de Hans Driesch, le principal représentant du darwinisme en Allemagne et un partisan du vitalisme.
Vladimir Vernadsky était alors quelqu’un de très promoteur. Non seulement Paul Groth voulut le conserver encore à Munich, mais l’immense savant russe Vassili Dokoutchaïev le pressa de choisir un sujet de thèse et de revenir en Russie, le nommant également Commission du sol de la société économique libre, devant faire une large étude des champs de la Poltava en Ukraine.
Finalement, il s’installa à Paris en février 1889, au moment se construisait la tour Eiffel pour la grande exposition internationale, où Vassili Dokoutchaïev fut invité à installer une exposition, Vladimir Vernadsky servant d’agent intermédiaire.
Il travailla surtout avec le professeur Henri Louis Le Chatelier des Mines (dont le père avait été inspecteur général des mines et superviseur de nombreuses constructions ferroviaires) et le professeur Ferdinand André Fouqué, professeur d’histoire naturelle du Collège de France.
Le Chatelier diffusait la conception du mathématicien américain J.W. Gibbs, transposée notamment à la chimie ; il était un spécialiste des silicates et du polymorphisme, c’est-à-dire la capacité d’éléments chimiques à apparaître dans différents cristaux. Ferdinand André Fouqué œuvrait lui à produire des minéraux synthétiques.
Vladimir Vernadsky fréquenta également la famille Golshtein, un couple de réfugiés organisant des soirées pour toute l’intelligentsia russe libérale présente à Paris. Et c’est sur le polymorphisme comme caractéristique générale de la matière qu’il fit une première conférence à l’université de Moscou, devant pratiquement toute la faculté, recevant deux vagues d’applaudissements, la seconde étant sur la synthèse des minéraux.
Il devint alors en janvier 1891 conférencier de l’université de Moscou pour la minéralogie et la cristallographie.
Cependant, Vladimir Vernadsky faisait face à une contradiction insoluble désormais, puisque son libéralisme était antagonique des institutions universitaires tsaristes. En 1890, l’immense D.I. Mendéleiev lui-même avait démissionné après s’être fait réprimandé par le ministre de l’éducation pour avoir remis une pétition d’étudiants.
L’université manquait de moyens, tout était bloqué par une bureaucratie terrible ; sur le plan des connaissances, ce qui relevait de la minéralogie avait 40 ans de retard. Le nouveau tsar, Nicolas II, prolongeait la mise à l’écart des universités au profit des écoles commerciales et techniques.
En décembre 1891, Vladimir Vernadsky fut nommé secrétaire de la commission spéciale du comité moscovite pour la littérature, une structure de libéraux souvent frappée par le gouvernement, visant à fournir de l’aide aux enfants dans les zones marquées par la terrible famine frappant alors le pays. En 1892 il est élu dans une zemstvo, une assemblée locale, de la province de Tambov et promeut les opportunités d’éducation pour les paysans jusqu’en 1907, où il est battu par la réaction, puis de 1910 à 1913.
Les zemstvo, au tout début du 20e siècle, employaient 50 000 personnes diplômées (agronomes, ingénieurs, enseignants, etc.), soit plus de la moitié des diplômés dans les secteur économique.
Vladimir Vernadsky fit dans ce cadre un procès, qu’il gagna, contre un très haut responsable de l’Église orthodoxe, Konstantin Pobedonostsev, par ailleurs proche conseiller du tsar, afin que le village de Morshansk, là où il avait sa propriété terrienne, puisse ouvrir une école séculière le dimanche.
Il passa sa thèse en 1896, publiant Les fondements de la cristallographie en 1903, alors que le dernier véritable professeur universitaire de minéralogie était décédé en 1887.
La même année Vladimir Vernadsky mit en place un laboratoire de minéralogie à l’université de Moscou, avec une équipe de 10-15 personnes.
Il fit également partie des 22 personnes fondant en juillet 1903, sur les bords du lac Constance, en Suisse, à l’abri des forces tsaristes, l’Union de la Libération, une coalition anti-autocratique, son propre appartement devenant l’un des foyers de discussion et d’organisation. En octobre 1905, il fut l’un des fondateurs du Parti Constitutionnel-Démocrate, dont il est immédiatement membre du comité central.
En 1903, il publia Sur la vision scientifique du monde ; il fut élu membre du gouvernement local de Tambov de 1890 à 1913, membre du conseil de la faculté de l’université de Moscou, élu membre du Conseil d’État de 1906 à 1911 en tant que représentant des universités et de l’Académie impériale des sciences.
En 1911, la répression frappa durement l’université de Moscou, trois responsables par ailleurs professeurs en étant exclu, ce qui provoqua un véritable soulèvement du personnel. 28 % de celui-ci démissionna, dont 44 % de ceux de la faculté de sciences naturelles.
C’en était fini des universités comme bastion des intellectuels libéraux.
Il faut noter ici le coup de main donné par Vladimir Vernadsky à N.M Fedorovsky (1886-1956). Celui-ci était un bolchevik depuis 1904 et avait participé à la révolution de 1905, notamment en jouant un rôle dans la propagande vers les marins de la flotte de la Baltique. Il avait rejoint l’université de Moscou en 1908, pour en être exclu lors de répression de 1911.
N.M Fedorovsky chercha, pour survivre, à vendre sa collection de roches à l’entreprise Ilin ; cette dernière ne fut pas intéressée, mais lui demanda d’aller chercher des roches pour elle dans l’Oural. C’est à cette occasion qu’il rencontra Vladimir Vernadsky qui fut impressionné par son travail. Il lui fit la demande de le rejoindre, ce que N.M Fedorovsky accepta ; puis, en échange de sa rupture avec l’entreprise, Vladimir Vernadsky lui fit réintégrer l’université de Moscou.
N.M Fedorovsky publia en 1914 Les granites dans la nature et dans la technologie, jouant un rôle important en 1917 à Nijni-Novgorod, devenant ensuite un administrateur chargé des mines dans le Conseil Suprême de l’Economie Nationale, pour prendre ensuite la tête de l’Institut minéralogique de l’Académie des sciences de l’URSS.
Vladimir Vernadsky devint membre adjoint de l’Académie impériale des sciences et directeur du musée minéralogique de Saint-Pétersbourg en 1906 ; de 1908 à 1914, la grande activité de Vladimir Vernadsky fut la recherche des éléments rares (comme le césium, le rubidium, le scandium, l’indium).