La circulation du capital a un aspect particulier qu’il y a lieu de comprendre pour saisir le processus général de surproduction.
En effet, le capitaliste peut renforcer son propre appareil productif au moyen du surtravail. Il y a alors un argent virtuel qui apparaît : virtuel, car il n’est pas présent, mais réel dans la mesure où il apparaîtra dans le prochain cycle, avec des marchandises plus nombreuses ou de meilleure qualité.
Ici, le surtravail a permis non pas de produire directement davantage de marchandises, mais de développer les moyens de production, et donc effectivement la production de marchandises, mais lors du prochain cycle.
C’est là d’ailleurs un point essentiel pour le « démarrage » de l’accumulation du capital, le passage de la reproduction simple à la reproduction élargie.
Mais c’est également un point essentiel pour comprendre comment historiquement le capital a pu utiliser la social-démocratie : en acceptant les syndicats institutionnels, le capital a renforcé sa modernisation, sa productivité.
Il ne faut pas perdre de vue que le capital n’est pas présent que dans les marchandises produites, il existe dans la production elle-même, dans l’usine, dans l’atelier. Il a besoin d’investir en quelque sorte en « lui-même », dans le processus de production.
Karl Marx souligne d’ailleurs ici que :
« Plus est grand le capital productif déjà en fonction dans un pays (y compris la force de travail qui lui est incorporée, génératrice de surproduit), plus sont développés la force productive du travail et par conséquent aussi les moyens techniques d’une extension rapide de la production de moyens de production – plus est grande, par conséquent, la masse du surproduit, tant en valeur qu’en masse de valeurs d’usage par lesquelles il est représenté. »
Et Karl Marx de mentionner le capital productif virtuel additionnel et le capital-argent virtuel additionnel. Alors intervient souvent ici le capital financier, qui prend une importance centrale.
Pourquoi cela ? Parce que le capital entend réaliser les possibilités de production accordées par davantage de capital productif virtuel additionnel et le capital-argent virtuel additionnel. Il a cependant souvent besoin d’un coup de pouce pour avancer en ce sens, par exemple en faisant appel à du capital à la bourse, ou bien en demandant un crédit à une banque.
Mais dans ce processus, il y a alors des capitalistes qui achètent sans vendre, d’autres qui vendent sans acheter. Il n’y a aucune harmonie, chaque capitaliste agissant selon ses propres besoins et ses propres perspectives.
Le fait que le capital fasse circuler l’argent selon ses propres besoins a donc un prix : la surproduction de capital et la surproduction de marchandises.
Dans une note du Capital (livre II), Karl Marx résume la chose de la manière suivante :
« Contradiction dans le mode de production capitaliste : les ouvriers, en tant qu’acheteurs de marchandises, sont importants pour le marché.
Mais à les considérer comme vendeurs de leur marchandise – la force de travail – la société capitaliste tend à les réduire au minimum du prix.
Autre contradiction : les époques où la production capitaliste met en œuvre toutes ses virtualités se révèlent régulièrement comme des époques de surproduction, parce que les virtualités de production ne peuvent jamais être utilisées suffisamment pour qu’il y ait non seulement production, mais encore réalisation d’une plus grande somme de valeur.
Au contraire, la vente des marchandises, la réalisation du capital-marchandise et, par conséquent aussi de la plus-value, est limitée non par les besoins de consommation de la société en général, mais par les besoins de consommation d’une société dont la grande majorité est toujours pauvre et condamnée à toujours le rester. »
Qu’est-ce que cela veut dire ? Tout simplement que la production n’est pas planifiée pour répondre à une consommation qui elle-même aurait comme fondement financier ce qui a été gagné dans la production.
Dans le capitalisme, la production est au contraire chaotique, les capitalistes plaçant leur capital selon leurs propres besoins, ce qui aboutit à une circulation du capital incohérente.
A cela s’ajoute que par la propriété privée des moyens de production, la consommation est restreinte, toujours plus restreinte, à une minorité.
Ainsi, les améliorations effectuées par le capitaliste de son propre appareil productif peuvent s’avérer vaines : c’est la surproduction de marchandises.
Ainsi, les améliorations effectuées par le capitaliste de son propre capital-argent, par la thésaurisation, la mise de côté d’argent, peuvent s’avérer vaines : c’est la surproduction de capital.
Tant la la surproduction de marchandises que la surproduction de capital se déroulent dans des cycles, à des moments donnés, cycles s’entrecroisant, s’enchevêtrant, s’emmêlant sans que jamais le capital ne puisse trouver une solution équilibrée.
C’est un élément essentiel de la crise générale du capitalisme.