par Níkos Zachariádis
Cet article a été publié pour la première fois dans l’organe du Bureau d’Informations des Partis Communistes et Ouvriers « Pour une Paix durable pour la Démocratie Populaire » N°15 du 1er aout 1949
N’importe quel habitant de la Grèce sait bien que s’il n’y avait pas l’aide ouverte et multiple des impérialistes anglais et américains, le monarcho-fascisme n’aurait pu tenir, ne fût-ce que quelques mois. Nos principales difficultés proviennent de ce que l’impérialisme anglo-américain s’obstine à rester en Grèce : ce pays lui offre une position stratégique d’une importance primordiale dont il veut faire une importante tète de pont contre les pays de démocratie populaire et l’Union soviétique.
On connaît depuis longtemps déjà les intentions de Churchill à ce sujet. Mais l’année dernière, lorsque le monarcho-fascisme essuya son échec militaire à Grammos-Vitsi et qu’il vit s’écrouler ses plans stratégiques pour 1948.
Les positions de l’impérialisme étranger en Grèce se trouvèrent ébranlées.
Le mouvement populaire révolutionnaire et l’Armée démocratique ont élargi et fortifié leurs positions dans le Péloponnèse, en Roumélie, en Thessalie, dans les îles de Samos et d’Eubée.
Le régime monarcho-fasciste s’est trouvé dans une situation critique. Dans leurs rapports, les généraux Papagos, Vendiris, Tsakalotos et autres ont reconnu franchement que le moral de l’armée avait fléchi. Des centaines de soldats et d’officiers ont été passés par les armes. Le roi Paul fut lui-même obligé de parler d’une crise morale dans l’armée.
La situation économique de la clique d’Athènes n’était pas meilleure et la crise politique sapait de plus en plus profondément les bases du monarcho-fascisme.
A l’étranger comme à l’intérieur du pays, des gens que l’on était loin de considérer comme nos amis, ont commencé à comprendre que la seule issue pour les réactionnaires était de résoudre pacifiquement les problèmes et de conclure un accord. La trahison de la clique Tito est venue juste au moment où la crise du monarcho-fascisme atteignait son point culminant.
Elle a créé de nouvelles et sérieuses difficultés à notre mouvement démocratique populaire :
en effet elle a renforcé les impérialistes anglo-américains dans leur décision de garder la Grèce à tout prix, justement pour tirer le plus grand Profit de la clique Tito et élargir leur place d’armes dans les Balkans. En même temps, le passage de la clique Tito dans le camp de l’impérialisme a relevé le moral déprimé du monarcho-fascisme.
Depuis la première occupation, jamais le mouvement démocratique populaire de notre pays n’avait eu d’ennemi aussi perfide et abject que la clique Tito. Le chauvinisme grand-serbe de la clique Tito s’est manifesté à l’égard du mouvement de résistance de la Grèce dès 1943, quand la direction du P. C. yougoslave a déclaré que le peuple de la Macédoine égéenne ne ne pourrait trouver l’indépendance que dans le cadre de la Yougoslavie.
D’où il découlait que le devoir primordial des patriotes macédoniens était de lutter contre le P. C. grec et l’EAM et de collaborer avec les agents de Tito.
Telle est d’ailleurs la directive qu’appliqua depuis lors l’émissaire de Tito en Macédoine égéenne, Tempo (Voukmanovitch).C’est cette même directive qu’a suivie leur principal agent Gotché et que suit aujourd’hui la bande Gotché-Keramidjief.
Durant toutes ces années, la clique Tito a envoyé dans les rangs du Parti communiste de Grèce et de l’EAM des milliers d’agents pour qu’ils minent le P. C. grec de l’intérieur et brisent l’unité du mouvement de libération nationale. Nous pouvons constater que la réaction grecque et l’impérialisme anglo-américain ne pouvaient trouver de meilleur allié que la clique Tito.
Un détail caractéristique à ce sujet vaut la peine d’être cité: quand les Anglais ont débarqué en Grèce en octobre 1944, Tempo, qui était à la tète d’un mouvement provocateur contre le Parti Communiste de Grèce, a déclaré aux communistes de la Macédoine égéenne qu’il avait demandé à Tito deux divisions pour occuper Salonique.
C’était encore avant les événements de décembre 1944 ; les Anglais n’étaient pas sûrs de se maintenir en Grèce et, préférant que Salonique soit prise par Tito plutôt que de tomber dans les mains de l’ELAS, ils parachutèrent des armes sur l’aérodrome des Chroupista, d’où elles étaient transportées à Vapsori, aux agents de Tito : Tempo, Gotché et Péios, pour servir contre l’E.L.A.S.
Déjà sous l’occupation hitlérienne, Cotché et Péios formaient des groupes de Macédoniens et collaboraient avec Tempo. On peut considérer comme établi aujourd’hui que par la suite l’Anglais Evans, ancien représentant de la mission militaire britannique en Macédoine, a particulièrement insisté pour que soit élargi le réseau de ces groupes, dont Gotché, Péios et Keramidjief, se servaient pour diviser le mouvement de libération populaire en Grèce.
En décembre 1944, rêvant d’arracher Salonique à la Grèce démocratique populaire, Tito n’a rien entrepris, en dépit de ses phrases trompeuses, pour nous aider à combattre les Anglais.
La seule chose qu’il ait faite a été d’intensifier la campagne de calomnies contre le Parti Communiste de Grèce, auprès de la population de la Macédoine égéeene en premier lieu. Tito a organisé une vague d’émigration de Macédoniens vers la Yougoslavie. Ainsi, d’une part, il privait la Macédoine égéenne de la population macédonienne ce vers quoi les monarcho-fascistes grecs tendent depuis des années pour changer la composition ethnique de la Macédoine égéenne.
D’autre part, les titistes s’efforcent de recruter parmi les réfugiés des agents qu’ils réexpédient en Grèce, après une instruction préalable, pour nuire au P.C. grec, à I’E.A.M. et à notre mouvement populaire révolutionnaire.
Le Parti Communiste de Grèce et le mouvement révolutionnaire grec se trouvent, au moins depuis 1943, entre deux feux: d’une part, les impérialistes étrangers et les monarcho-fascistes; d’autre part, la clique Tito et son organisme d’exécution, la bande de Gotché-Keramidjief, qui disposait et dispose dans la Macédoine égéenne de centaines d’agents d’espionnage yougoslaves. En 1944, sur un ordre venu de Skoplie, Gotché est passé en Yougoslavie avec son détachement.
A l’heure actuelle, Catché et Keramidjief ont leur état-major à Skoplie.
En son temps, le Comité central du Parti Communiste de Grèce s’est à plusieurs reprises adressé au C. C. du P. C. yougoslave en dénonçant à l’aide de documents concrets et irréfutables les agissements contre-révolutionnaires de ces agents et en demandant que l’on mette un terme à leur activité. Le C. C. du P. C. yougoslave n’a absolument rien fait pour mettre fin à cette activité provocatrice.
Aujourd’hui, il est démontré de façon irréfutable que Christos Vlachos, qui assassina Yannis Zevgos, membre du Bureau politique du P. C. grec, à Salonique en 947, était un agent de l’espionnage yougoslave, et recevait ses instructions de Skoplie.
Il est venu à Salonique sur l’ordre de l’espionnage yougoslave, il s’est mis au service du général Zervas, agent de l’Intelligence Service et assassina Zevgos.
Cinq officiers monarcho-fascistes, prisonniers de guerre, parmi lesquels se trouvaient des bourreaux du peuple, se sont enfuis avec l’aide des agents de Rankovitch d’un camp de prisonniers et se sont réfugiés en Yougoslavie. Le Comité central du Parti communiste yougoslave a déclaré ne savoir absolument rien de cela.
Cependant, nous avions indiqué la date et le lieu précis où les officiers monarcho-fascistes avaient franchi la frontière; les officiers et soldats gardes-frontières nous ont déclaré que ces monarcho-fascistes étaient passés en Yougoslavie.
Nous avons arrêté des dizaines d’agents de l’espionnage yougoslave. En décembre 1948, à Prespa, nous avons arrêté deux agents yougoslaves: Gounaris Menus et Caillas Masos. Ces agents nous ont donné des renseignements précis: le nom des officiers de l’espionnage yougoslave qui les avaient envoyés et la mission concrète qui leur avait été confiée.
Le Parti Communiste de Grèce dispose d’une foule d’autres preuves indéniables de l’activité traîtresse et scissionniste de la clique Tito à l’égard du mouvement révolutionnaire en Grèce.
La bande nationaliste des chefs traîtres yougoslaves a toujours été le plus mortel ennemi du Parti communiste et du peuple grecs. Les derniers événements montrent une fois de plus que la clique Tito aidait et aide de plus en plus ouvertement la réaction grecque et internationale contre le peuple grec. Dans le communiqué du commandement suprême de l’Armée démocratique en date du 6 juillet 1949, il est indiqué que le 5 juillet, les troupes monarcho-fascistes ont utilisé le territoire yougoslave pour contourner les unités de l’Armée démocratique dans la région de Keinaktchalan.
Le même jour, l’agence télégraphique « Grèce libre », se fondant sur un document officiel : le rapport du commandant du 516e bataillon monarcho-fasciste, le lieutenant-colonel Petropoulos, adressé au général Grigoropoulos, commandant du 3e corps d’armée, a annoncé que le 4 juillet 1949, c’est-à-dire la veille du jour où les monarcho-fascistes ont utilisé le territoire yougoslave, une rencontre avait eu lieu entre les officiers de la Yougoslavie et de la Grèce monarcho-fasciste dans la région de Popovolossi à Kaimaktchalan.
A cette rencontre assistaient également des officiers britanniques et américains. L’agence Tanyoug n’a pas démenti le fait. Le représentant du ministère des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, interrogé à ce sujet, n’a pas nié non plus. Dans le discours qu’il a prononcé à Pola (Istrie), le 10 juillet 1949, Tito n’a pas démenti non plus cette rencontre.
Tout comme l’agence Tanyoug, il a seulement essayé de démentir qu’un accord était intervenu sur l’utilisation du territoire yougoslave par les monarcho-fascistes C’est ainsi qu’on présentait les choses à Belgrade quand, le 21 juillet 1949, la commission balkanique de l’O.N.U. à Athènes a publié un communiqué dont l’unique but était de masquer la collaboration de la clique Tito et des monarcho-fascistes, collaboration dénoncée par le commandement suprême de l’Armée démocratique de Grèce et la radio de la Grèce libre le 6 juillet 1949.
Ce communiqué de la commission balkanique de l’O.N.U. est remarquable à plus d’un titre car, premièrement, la commission reconnaît pour la première fois de son histoire que les monarcho-fascistes ont violé de nombreuses fois la frontière yougoslave dans la région de Kaimaktchalan, tout en affirmant cependant que cela n’a pas été le fait d’unités d’infanterie, mais de l’artillerie et de l’aviation.
Deuxièmement, le communiqué de la commission balkanique a reconnu qu’une rencontre avait eu lieu avec des officiers yougoslaves dans la région de Kaimaktchalan. Après les révélations faites devant l’humanité progressiste et le peuple yougoslave sur la trahison de la clique Tito à l’égard de la lutte libératrice du peuple grec, les dirigeants yougoslaves ont été obligés de mobiliser un provocateur de plus.
Après Tito et Djilas, Kardelj a, lui aussi, fait une déclaration sur la question grecque, le 24 juillet 1949, à l’agence Tanyoug.
Kardelj nie tout l’accord avec Tsaldaris, les pourparlers dans la région de Kalmaktchalan, l’utilisation du territoire yougoslave par les monarcho-fascistes, et il termine en affirmant jésuitiquement que le gouvernement de Belgrade « continue à sympathiser » avec le mouvement du peuple grec, mais qu’il ne peut lui « imposer son aide par la force » et que, dans cette affaire, les coupables ce sont les « agents du Bureau d’information qui ont calomnié Tito ».
Nous n’avons jamais douté de la Sympathie du peuple yougoslave. Quant aux coupables, le « Times » se charge de les désigner quand il affirme que par sa déclaration de Pola, Tito a donné par avance aux Américains les garantis indispensables à l’octroi des dollars dont il a besoin. Pour masquer leur trahison, les traîtres abjects Tito, Djilas, Kardelj et Cie crient maintenant que le moral des démocrates grecs baisse et qu’ils perdent confiance en la victoire. En réalité, la clique de Tito fait tout ce qu’elle peut pour saper le moral des démocrates grecs. La trahison de Tito et son long travail de sape contre le mouvement démocratique populaire de Grèce nous créent de sérieuses difficultés.
Tito hait à mort le mouvement de libération populaire grec et il le combat furieusement. Mais, comme ses alliés monarcho-fascistes et leurs martres communs, il se trompe en espérant qu’ils réussiront à nous briser. Dans toute la Grèce, en Roumélie, en Thessalie, dans le Péloponnèse, en Epire, en Macédoine, en Thrace, dans les îles, l’Armée démocratique grecque continue avec un courage inébranlable à combattre l’ennemi, tout en surmontant d’immenses difficultés. Dans les villes se développe un vaste mouvement gréviste qui englobe des dizaines de milliers d’ouvriers et d’employés.
Les centaines de milliers de paysans qui meurent dans les villes où les monarcho-fascistes les ont déportés de force, haïssent de toute leur âme le gouvernement d’Athènes. La réaction grecque traverse une crise économique, politique et morale dont elle ne pourra sortir.
L’Armée démocratique de Grèce affrontera résolument le monarcho-fascisme dans les grandes batailles qui se préparent à Gramtnos et à Vitsi. Nous autres, nous-combattons parce que nous voulons la paix, la démocratie et l’indépendance de la Grèce. La réaction veut la guerre. Elle veut nous écraser par tous les moyens et, dans ce but, elle utilise la clique Tito. Grâce à l’aide et à la solidarité de l’humanité progressiste y compris le peuple yougoslave le peuple de Grèce vaincra dans la guerre comme dans la paix et conquerra la démocratie populaire et l’indépendance nationale.