La décentralisation dans la logique managériale en Union Soviétique avec Nikita Khrouchtchev

L’échec du passage à une population soviétique majoritairement urbaine avait provoqué une restauration du capitalisme se généralisant à l’ensemble de la société, de manière silencieuse.

Le « dégel » orchestré par Nikita Khrouchtchev est le produit de l’échec à dépasser la contradiction villes/campagnes, fournissant un espace invisible aux forces capitalistes.

Il reflète en fait la tentative de développer l’économie sans passer par la planification, en s’appuyant sur les initiatives individuelles en rétablissant le profit par l’intermédiaire de la décentralisation et de l’autonomie.

Le point culminant de cette tendance fut la publication par la Pravda, le 9 septembre 1962, de l’article d’Evseï Liberman intitulé « Le Plan, le profit, la prime ». Il y prône l’intéressement des entreprises aux résultats de la production.

Cet intéressement doit être calculé de manière spécifique pour chaque entreprise, en étudiant sa réalité et non pas en se fondant sur ses résultats jusque-là ; chaque cas serait spécifique et la démarche resterait socialiste puisque les entreprises, mêmes prises en compte individuellement, doivent tout de même produire ce qu’on leur demande, même s’il y a intéressement.

« Il est nécessaire de trouver une solution assez simple et en même temps justifiée à l’une des tâches les plus importantes définies dans le programme du PCUS : construire un système de planification et d’évaluation du travail des entreprises afin qu’elles s’intéressent de manière vitale à la plus haute objectifs, dans l’introduction de nouvelles technologies et l’amélioration de la qualité des produits, en un mot, dans la plus grande efficacité de production (…).

Comment confier aux entreprises la tâche de faire des plans, si maintenant tous leurs plans sont en règle générale bien inférieurs à leurs capacités réelles? 

Cela peut être fait si les entreprises sont le plus moralement et financièrement intéressées par la pleine utilisation des réserves, non seulement dans la mise en œuvre, mais aussi dans l’élaboration même des plans (…).

Le principe est, premièrement, que plus la rentabilité est élevée, plus l’incitation est grande.

Par exemple, avec une augmentation de la rentabilité de 5,1% jusqu’à 61%, soit 12 fois, l’incitation pour l’entreprise passe de 2,1 kopecks à 5,3 kopecks, soit 2,5 fois.

Cela garantit aux entreprises une forte incitation matérielle à accroître leur rentabilité.

Mais dans le même temps, le montant des revenus allant au budget de l’État augmente beaucoup plus rapidement : de 3 kopecks à 54,7 kopecks, respectivement, pour chaque rouble des fonds, soit 18 fois.

Cela garantit une croissance encore plus rapide de la richesse sociale et en même temps une protection contre des contributions trop élevées à l’entreprise.

Il n’y a pas de danger pour les recettes budgétaires: au contraire, il y a lieu de s’attendre à une augmentation significative des recettes publiques sous l’influence d’un fort intérêt matériel des entreprises pour l’augmentation générale des bénéfices. »

Et la rédaction de la Pravda d’ajouter après l’article :

« Des questions importantes et fondamentales sont soulevées dans l’article publié aujourd’hui par le docteur en économie E. Lieberman.

Le comité de rédaction de la Pravda, attachant une grande importance à ces questions, invite les économistes, les travailleurs de l’industrie, les organismes de planification et économiques à se prononcer sur les propositions concrètes de l’auteur de l’article. »

Cette logique managériale impliquait la mise en place d’une nouvelle idéologie, qui au lieu de la centralisation et de la planification, s’appuie sur la décentralisation et la gestion.

=>Retour au dossier Nikita Khrouchtchev et le révisionnisme par le «dégel»
dans l’URSS désormais majoritairement urbaine