La faillite de l’universalisme capitaliste, porte d’entrée pour la révolution mondiale

Si l’on regarde les cycles d’accumulation du capital, on peut voir qu’il y a une succession de poussées d’accumulation, puis stagnation, voire recul. Dans les moments d’élargissement, le mode de production capitaliste participe d’une élévation des forces productives qui entraîne une amélioration de la vie quotidienne.

Cette amélioration s’exprime par une meilleure coordination des choses, un approfondissement des liaisons entre les êtres humains. Karl Marx et Friedrich Engels sont aussi le produit de l’époque de la machine à vapeur qui a permis le développement du train, de la même manière que Lénine est également celui de l’aéronautique, dont il était un grand amateur.

Ces moyens de transport ont engendré un accroissement important des liaisons, des connexions pour l’Humanité, tout en permettant une vie meilleure, plus simple. La complexité engendre la simplicité. Mais on pourrait citer les moyens de communication, comme le poste TSF, le télégraphe, la téléphonie, et plus tard internet, ce grand bond en avant vers l’universalisation de l’Humanité.

La contradiction que représente le mode de production capitaliste réside dans le fait bien connu depuis la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne que l’élévation des forces productives ne tombe pas du ciel, tel un fruit mûr, mais qu’elle est conditionnée par les besoins du capital.

Ainsi s’il y a bien approfondissement des liaisons, de l’interrelation entre les êtres humains, cela se fait dans un cadre capitaliste, sur un mode bourgeois. Ici, on peut toucher du doigt le basculement de la bourgeoisie mondiale dans un style de vie « nouveau » assumé dans les années 1970-1980 avec la généralisation à l’ensemble du globe de la voiture comme mode de mobilité principale.

Le mode de production capitaliste a besoin du marché mondial pour s’élargir, mais en même temps il le fait sur la base d’une bourgeoisie née sur le terrain national et de l’idéologie contractualiste et individualiste. Il y a bien une « mondialisation » mais elle est tronquée, déformée.

Karl Marx et Friedrich Engels nous précisent adéquatement cela dans le Manifeste Communiste. Ils disent la chose suivante :

« Par l’exploitation du marché mondial, la bourgeoisie donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays (…).

Par le rapide perfectionnement des instruments de production et l’amélioration infinie des moyens de communication, la bourgeoisie entraîne dans le courant de la civilisation jusqu’aux nations les plus barbares. Le bon marché de ses produits est la grosse artillerie qui bat en brèche toutes les murailles de Chine et contraint à la capitulation les barbares les plus opiniâtrement hostiles aux étrangers.

Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production ; elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c’est-à-dire à devenir bourgeoises.

En un mot, elle se façonne un monde à son image. »

La « civilisation de la voiture » représente en ce sens cette contradiction : lorsque le capitalisme atteint le stade de la subsomption réelle, c’est-à-dire qu’il est en mesure d’orienter de bout en bout les objectifs de la science et la technologie, sa perspective « mondiale », universelle ne peut que se réaliser en appuyant sur le particulier, l’individuel.

Mais c’est vrai aussi pour le mode de vie pavillonnaire, la consommation de viande, voir de fast-food, les séries, les réseaux sociaux, etc. Des tas de phénomènes qui sont généralisés à l’ensemble des pays du globe, mais se fondent sur une approche de la réalité qui est nécessairement mutilée, découpée en séries.

Autrement dit, l’universalisme capitaliste ne peut exister qu’en généralisant des modes de consommation en série individuelle fondée sur l’éphémère. Il y a généralisation de consommations standardisées, dans lesquelles entre le particulier et le général, c’est le particulier qui l’emporte sur la base de sa généralisation et non l’inverse. On peut avoir une photographie qui permet bien de voir la différence entre le capitalisme et le socialisme : le capitalisme particularise le général quand le socialisme généralise le particulier, l’un fait primer le particulier, l’autre fait primer le général.

L’alimentation végétale est un bon exemple de ce phénomène. Les monopoles de la viande s’empressent de proposer des alternatives végétales comme une niche alimentaire pour mieux continuer à développer leurs produits d’origine animale. L’alimentation végétale se voit élever au rang de consommation générale, tout en restant une particularité. Au point de vue de la connexion universelle des choses, il est pourtant évident que l’alimentation végétale est un cap à franchir, car elle est l’expression d’un rapport améliorée à la matière vivante, qu’elle réalise la connexion pacifique entre les espèces.

C’est l’affranchissement universel de l’exploitation et de la destruction d’une partie de la matière vivante, ce qui représente un grand pas en avant pour l’Humanité et sa reproduction comme espèce vivante en harmonie avec la Biosphère.
Mais le capitalisme est incapable de généraliser le particulier : il porte bien l’universel, mais reste bloqué par ses objectifs immédiats, celui d’obtenir un taux de profit élevé, entreprises par entreprises.

Dans ce cadre, il est impossible pour ce mode de production de se passer des produits d’origine animale à tous les échelons de la production, tant il est apparu comme la marchandise « magique » pour contrer justement la chute tendancielle du taux de profit.

Cette caractéristique du mode de production capitaliste est en réalité sa force et en même temps sa faiblesse. Sa force, car il apparaît comme un mode de production relativement plastique, en mesure de répondre aux besoins individuels, ayant l’apparence de développer les facultés individuelles des masses mondiales. Sa faiblesse, car son élargissement universel se heurte tôt ou tard à son propre mur, celui du « retour » au particulier pour se relancer.

Ce « retour » au particulier, c’est évidemment la guerre de repartage impérialiste.

Le commerce mondial pacifique se retourne en bellicisme et agressivités douanières, les organismes internationaux deviennent des chambres d’enregistrement des conflits entre grands puissances, le cosmopolitisme bourgeois devient chauvinisme et nationalisme.

La hausse générale des forces de production au service du quotidien se transforme en engloutissement des richesses dans le militarisme et la mort.

Bref, la civilisation universelle voit sa course arrêtée par les besoins des monopoles de se repartager le monde. Des monopoles qui ont, dans la période d’élargissement de leurs capitaux, participé à cette universalisation en deviennent l’obstacle. On retrouve là les périodes 1880-1914, 1920-1939 ou bien encore 1989-2020. Les masses mondiales qui ont bénéficié d’une plus grande interconnexion se doivent alors de généraliser ce processus pour l’arracher à la tendance à la guerre impérialiste, ce brusque retour au particularisme assassin.

C’est la révolution. L’humanité doit être réunifiée, dans une seule République mondiale, sans qu’une partie – comme le tiers-monde actuel qui forme la majorité de la population mondiale – ne soit exploitée. Dans la production elle-même, il ne doit plus y avoir le capitalisme, cette forme du passé caractérisée par l’exploitation de l’Homme par l’Homme.

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