L’année 1947 fut celle où les partisans d’Eugen Varga furent contrés ; l’année 1948 fut celle de l’analyse du vargisme, Eugen Varga étant condamné comme relevant de « l’idéologie bourgeoise-réformiste ».
En janvier et en février 1948, Dvorkine dénonça Eventov, le disciple d’Eugen Varga, dans Bolchevik et dans la revue du Gosplan, demandant qu’il soit exclu de l’Institut, ce que Gatovski demanda également, en mars, dans Bolchevik. Dans la revue Bolchevik, en février 1948 fut publiée la critique du livre de Vishnev, L’industrie des pays capitalistes durant la seconde guerre mondiale, publiée en mai 1947.
En mars 1948, c’est l’ouvrage collectif sous la direction de Trakhtenberg, L’économie de guerre des pays capitalistes et la transition à l’économie de paix, qui fut dénoncé, ses auteurs étant considérés comme « prisonniers de la méthodologie bourgeoise » (les auteurs en question étant Trakhtenberg, Vishnev, Bokshitsky, Roitburg, Santalov, Eventov, Lif, Gorfinkel, Bessonov, Rubinstein, Shpirt).
L’Institut d’économie organisa les 29 et 30 mars 1948 des discussions, où les 18 participant se prononcèrent contre le « groupe de Varga ». Les partisans d’Eugen Varga capitulèrent alors : Rubinstein, Saltanov, Trachtenberg, Rojtburd, Mendelson reconnurent s’être trompés.
En mai 1948, c’est l’ouvrage de Lemine, La politique étrangère de la Grande-Bretagne de Versailles à Locarno, publié en avril 1947, qui fut critiqué ; en juin 1948, ce fut au tour de l’ouvrage de Lan, Les États-Unis de la première guerre mondiale à la seconde, publié en mai 1947.
Le même mois, Schneyerson livra un rapport sur le capitalisme à l’Institut d’économie, avec une critique en règle des positions d’Eugen Varga ; il attaqua ensuite, dans la revue Économie planifiée, en juillet et août 1948, deux articles d’Eugen Varga de 1946 qui ramenait la crise générale du capitalisme à avant octobre 1917 et niait les contradictions inter-impérialistes des alliés pendant la seconde guerre mondiale.
En octobre 1948, dans la revue Problèmes d’économie, de l’Institut, ce furent Frei et Loukachev qui firent face à la critique pour leurs ouvrages, respectivement Les questions de la politique d’échange international des États étrangers (1946) et La lutte impérialiste pour les matières premières et leurs sources (1947).
En novembre-décembre 1948, dans la revue Économie planifiée, Myznikov résuma les positions d’Eugen Varga dans un article intitulé Les déformations du marxisme-léninisme dans les travaux de l’Académicien E. S. Varga, en expliquant qu’il s’agit d’une nouvelle variante de la théorie de Rudolf Hilferding affirmant que le capitalisme s’organiserait, se planifierait, etc. Sa position sur l’État comme « neutre » était réformiste et celle sur une transition pacifique au socialisme était opportuniste.
La critique formalisée fut menée le 5 octobre 1948 : le conseil scientifique élargi de l’Institut d’économie se réunit et critiqua Eugen Varga, qui n’hésita pas de son côté à rétorquer en remettant en question le principe de l’affrontement inter-impérialiste.
En octobre 1948, Konstantin Ostrovitianov résuma la position de la ligne rouge de la manière suivante :
« Le camarade Varga, qui a conduit cette direction anti-marxiste, et certains de partisans, n’ont jusqu’à présent toujours pas vu leurs erreurs… Un positionnement aussi opposé au Parti concernant la critique amène à de nouvelles erreurs théoriques et politiques. »
Konstantin Ostrovitianov, à la tête du nouvel Institut, avait tenu un discours vigoureux lors de la conférence annuelle mise en place, et dénonça les articles et ouvrages écrits par Eugen Varga, Eventov, Bokshitsky, Vishnev, Shpirt.
L’Institut d’économie fait en 1948 pas moins de cinq sessions au sujet du capitalisme contemporain, les positions d’Eugen Varga y étant systématiquement dénoncées. Pas moins que l’ensemble du personnel s’occupant des statistiques concernant les pays capitalistes fut changé.
La critique du Parti reprochait les points suivants à l’école d’Eugen Varga :
– effacement des contradictions de classe du capitalisme contemporain,
– affirmations anti-marxistes sur la nature de l’État dans les pays capitalistes,
– approche technico-économique étroite de l’étude de l’économie des pays étrangers,
– objectivisme bourgeois,
– attitude apolitique,
– absence de critique vis-à-vis des données statistiques bourgeoises,
– admiration des institutions bourgeoises de science et de technique,
– ignorance de la lutte entre les deux systèmes, socialiste et capitaliste,
– distorsion, rejet de la théorie de Lénine et Staline sur l’impérialisme et la crise générale du capitalisme.