L’impérialisme colonial britannique en Inde, comme celui des autres nations de cette époque, a été mené initialement par une Compagnie commerciale, c’est-à-dire un monopole de marchands capitalistes agissant dans le cadre d’un contrat avec l’État britannique : l’East India Company, fondée en 1600.

Cette Compagnie, inspirée des premières associations de marchands formées dans la féodalité méditerranéenne, arabe puis latine, fut même un modèle du genre, inspirant la fondation de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales (Vereenigde Oostindische Compagnie) en 1602, en attendant les Compagnies françaises fondées par Colbert, en tant que Compagnie du levant et Compagnie des Indes, quelques décennies plus tard.
L’East India Company peut compter sur les forces armées britanniques pour étendre son influence auprès des royaumes féodaux d’Inde, jouant sur leurs contradictions internes, notamment religieuses, et sur les allégeances concurrentes, aux Français notamment.
La Guerre de 7 ans, opposant les colonialismes français et britannique par l’intermédiaire de leurs Compagnies, en Amérique et en Inde notamment, donne l’avantage définitif aux seconds.
L’East India Company étend progressivement sa « protection » militaire, commerciale et administrative notamment sur le principal État féodal indien : l’Empire moghol, fondé par une dynastie turco-mongole de culture persane.

L’Empire moghol est démantelé de fond en comble par l’East India Company suite au traité Surji-Anjengaon en 1803, la Compagnie faisant feu de tout bois pour élever toutes les contradictions (y compris religieuses) de l’Empire en sa propre faveur.
Mais sa pression continue entraîne en 1857-1858 la grande révolte dite des Cipayes, nom donné aux soldats indigènes de l’armée coloniale de l’East India Company et formé sur le persan sipayi (soldat), composés tant de combattants hindous que musulmans.

Formellement, la révolte démarra avec la découverte par ces soldats que la graisse enrobant les cartouches à déchirer avec les dents pour charger leurs fusils était lubrifiée au moyen de graisse de porc ou de bœuf, deux animaux relevant d’un interdit religieux.
La révolte est cependant le fruit d’une société dépassée par la dimension capitaliste moderne du colonialisme britannique. La révolte des Cipayes fut brutalement écrasée, l’armée britannique faisant notamment exécuter les officiers indiens révoltés en les attachant à la bouche d’un canon.
C’était la fin de l’empire moghol, avec comme dernier avatar une proclamation faite à Azamgarh en 1857 par Firoz Shah, petit-fils de l’empereur Muhammad Bahadur II (1837-1858). Celle-ci est explicitement adressée aux plus riches et aux moudjahidines, pour qu’ils se rebellent contre le colonialisme britannique et que les hindous se rallient à eux.

La Couronne britannique prit ensuite directement en main l’administration de l’Inde et de sa conquête, c’est la fin de l’East India Company et le début du Raj britannique, c’est-à-dire de l’Empire des Indes.
Le Raj reprend largement les bases de l’Empire moghol, et des autres principautés féodales.
Pour cela, il ôta tout pouvoir militaire aux gestionnaires – fonctionnaires des différents territoires, tout en les transformant en grands propriétaires terriens pour en faire des subordonnés, leur reconnaissant toute une série de statuts : Maharaja, Raja et Rai, Babu, Malik, Chaudhary et Chowdhury, Nawab (ou Navab), Munshi, Khan, Sardar.

Il y a donc, pour la première fois, une unification des « Indes », mais c’est réalisé depuis l’extérieur, par l’impérialisme britannique qui compte perpétuer les bases de sa domination. Le colonialisme, ouvert ou bien masqué, a toujours besoin d’un socle féodal.
Les Britanniques jouèrent à fond sur ce plan ; c’est une époque où il y a une mise en valeur « rationalisée » et modernisée des bases féodales de l’Inde, notamment avec les études systématiques par les savants britanniques des textes de l’hindouisme, et il en sera de même pour l’Islam, les traditions bouddhistes, zoroastriennes, etc.
Concrètement, le Raj britannique s’instaura en utilisant toutes les variantes du féodalisme indien déjà présentes, en jouant sur leurs variété interne, dans une perspective séparatiste imposant l’unification par le haut, par l’administration et l’armée britannique.
Cela permit à l’empire britannique de devenir la première puissance mondiale, avec comme principale figure la reine Victoria (1837-1901) couronnée en 1876.
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