La naissance d’une édition critique révolutionnaire des ‘‘Entretiens de Confucius’’

1974

Les premiers étudiants recrutés parmi les ouvriers, les paysans et les soldats du département de philosophie de l’Université de Pékin ont consacré leur dernier trimestre d’universitaires à rédiger une étude critique de Louen Tu ou Entretiens de Confucius. Cet ouvrage, intitulé Étude critique de « Louen Tu », sera édité par la librairie Tchonghoua.

Louen Tu est un recueil de paroles et de sentences de l’apologiste du système esclavagiste.

Composé après sa mort par ses disciples et leurs successeurs, il constitue l’ouvrage le plus représentatif de la pensée confucéenne.

En 2 000 ans d’histoire, il a été des centaines de fois édité, accompagné d’annotations dithyrambiques, et sa lecture conseillée par les dominateurs réactionnaires des différentes époques qui ne tarissaient pas d’éloges pour lui.

Il a été également traduit dans plusieurs langues étrangères. L’arrivée à l’Université des premiers étudiants recrutés parmi les ouvriers, les paysans et les soldats a mis fin aux méthodes de travail influencées par la ligne révisionniste en matière d’éducation.

C’en était fini des longues heures passées dans la salle d’étude à écouter les professeurs débiter des théories philosophiques abstraites, enseigner une logique scolastique !

Prenant les œuvres de Marx, d’Engels, de Lénine, de Staline, et celles du président Mao comme manuels de base, ils ont entrepris de combiner l’enseignement théorique aux enquêtes sociales et à une participation effective à la lutte de classe et à la lutte entre les deux lignes.

Au moment où le peuple entier dénonçait et critiquait les crimes contre-révolutionnaires de Lin Piao, les étudiants venaient d’étudier les thèses fondamentales du marxisme­ léninisme sur la connaissance, le matérialisme historique et le matérialisme dialectique.

Alors ils ont quitté l’Université et sont allés dans les usines et les communes populaires pour effectuer des enquêtes politiques et sociales. Là, de concert avec les ouvriers et les paysans, ils ont dénoncé les crimes commis par Lin Piao dans le noir dessein de renverser la dictature du prolétariat et de restaurer le capitalisme, et critiqué la philosophie idéaliste sur laquelle il s’appuyait pour faire le révisionnisme.

En approfondissant la critique de Lin Piao, les étudiants ont clairement vu dans ce renégat un fidèle adepte de Confucius.

Selon lui, la pensée de Confucius et de Mencius [Mencius (390-305 av. J.G.), élève du petit-fils de Confucius, a continué et développé la ligne réactionnaire et le système idéologique idéaliste de ce dernier, visant à sauvegarder l’esclavagisme], qui rêvaient de restaurer l’ancien système et de faire tourner à rebours la roue de l’histoire, constituait « la source de la civilisation chinoise ».

Chez ce personnage, aussi bien son programme politique contre-révolutionnaire, son système idéologique, que sa conception de la vie et ses méthodes – recours au complot, formation d’une clique personnelle, double jeu – tout provient en droite ligne du confucianisme, et on peut en trouver de nombreuses preuves dans Louen Tu.

Lin Piao a tiré de ce livre plusieurs dizaines de citations de Confucius, croyant s’en faire une arme idéologique assez puissante pour usurper le pouvoir du Parti. Certaines,calligraphiées par lui-même, ont été retrouvées chez lui, accrochées aux murs en guise de règles de conduite.

Les Entretiens de Confucius, rédigés en chinois ancien, sont difficiles à comprendre aujourd’hui.

Conscient de ce problème, un étudiant proposa, au cours d’une réunion d’étude politique, en septembre dernier, d’annoter le vieux livre afin de soutenir la lutte contre Lin Piao et Confucius en plein essor dans tout le pays.

Un autre camarade déclara que l’idée était bonne, mais que de simples notes explicatives ne suffisaient pas, il fallait faire une critique complète de l’ouvrage : « Jamais auparavant ce livre n’a été dénoncé.

Nous ne devons pas nous contenter de quelques annotations, mais rédiger un commentaire complet à la lumière du marxisme-léninisme, de la pensée Mao Zedong, afin de montrer sous son vrai jour la théorie de Confucius et de Mencius qu’on a, depuis des millénaires, toujours portée aux nues. »

La proposition fut acceptée à l’unanimité.

Osant penser et agir, les étudiants se lancèrent immédiatement dans le combat, soutenus par les membres dirigeants de l’organisation du Parti de l’Université, qui invitèrent des professeurs révolutionnaires à les aider.

La rédaction du commentaire battait son plein quand un professeur, encore influencé par la pensée de Confucius et de Mencius, s’éleva contre le travail des étudiants : « On peut annoter Louen Tu, mais comment oser le critiquer ? »

Leur réponse fut catégorique : « Nous étudions la philosophie pour servir le prolétariat.

Dans ce but, nous devons dénoncer tout ce qui est rétrograde et réactionnaire, même si personne avant nous n’a osé le faire ! » Guidés par les professeurs, ils consultèrent un grand nombre de documents historiques, avant de déterminer ensemble les points principaux sur lesquels devait porter la critique.

Puis ils se divisèrent en six groupes et, après avoir étudié les œuvres de Marx, d’Engels, de Lénine, de Staline et celles du président Mao, ils commencèrent à analyser les Entretiens de Confucius, chapitre par chapitre.

C’est ainsi qu’en un peu plus d’un mois ils composèrent la première version de leur ouvrage, un texte de 200 000 caractères.

Munis de ce brouillon, ils se rendirent dans les usines et les villages pour solliciter l’opinion des travailleurs et recueillir leurs remarques. Ils convoquèrent des causeries et organisèrent des stages de critique de Lin Piao et de Confucius, au cours desquels ils reçurent de nombreux encouragements.

« Vous êtes nos étudiants, leur disait-on à chaque fois, et vous servez fidèlement les ouvriers, les paysans et les soldats. Soyez sûrs que nous ferons de notre mieux pour parfaire ensemble ce livre que vous avez mis tant d’ardeur à rédiger. »

En effet, ils reçurent en près d’un mois un très grand nombre de remarques, grâce auxquelles ils purent rendre leur ouvrage plus combatif, plus précis et plus compréhensible pour les masses.

Un vieux paysan de la commune populaire Étoile rouge, du district de Tahsing, près de Pékin, leur a déclaré : « En critiquant Lin Piao et Confucius, vous exprimez exactement notre opinion. Il faut stigmatiser leurs crimes, comme nous dénonçons sans pitié ceux commis par Lieou le Quatrième, qui était le propriétaire foncier de notre village. »

Des ouvriers de la Société des aciers spéciaux de Pékin leur ont donné ce précieux conseil : « Pour critiquer à fond Confucius, il faut dénoncer non seulement sa conception du monde, mais également sa motivation politique réactionnaire. »

De retour à l’Université, ils se sont de nouveau réunis et, grâce aux nombreuses remarques recueillies chez les ouvriers, paysans et soldats, ils ont pu mener des discussions plus poussées.

Ils ont compris plus clairement que, pour critiquer l’ensemble de l’idéologie réactionnaire de Confucius et dénoncer la signification profonde de ses paroles et de ses activités politiques, il fallait s’en tenir à une attitude prolétarienne ferme ; il fallait faire une analyse de classe très poussée de la philosophie de ce défenseur du système esclavagiste alors en voie de désagrégation.

Gîtons, par exemple, cette phrase des Entretiens : « Celui qui, en étudiant les choses anciennes, acquiert des connaissances nouvelles, peut être professeur. »

Dans le passé, les annotateurs expliquaient cette sentence du point de vue de la méthode d’étude et négligeaient son contenu politique.

Nos étudiants ont au contraire mis l’accent sur le contenu réactionnaire de ces paroles qui révèlent chez leur auteur la nostalgie du système esclavagiste de la dynastie des Tcheou de l’Ouest.

Ils ont montré qu’il s’agissait d’un mot d’ordre visant à restaurer le passé.

Pour ceux qui voudraient y voir seulement un précepte méthodologique, ils ont prouvé qu’il allait à l’encontre de la conception marxiste-léniniste selon laquelle il n’est pas de vraie connaissance sans la pratique.

Le président Mao nous recommande d’attacher plus de prix à l’actuel qu’à l’ancien, de rejeter ce qui est révolu pour créer le nouveau.

Il nous engage, certes, à hériter de façon critique du patrimoine historique et culturel de notre pays, mais à condition d’accorder d’abord une attention suffisante aux recherches sur les problèmes actuels.

On voit donc que les principes de Confucius sont exactement le contre-pied de la pensée Mao Zedong.

C’est en pratiquant ainsi des analyses et des critiques fondées sur la réalité historique que les étudiants ont pu saisir l’essence réactionnaire des idées confucéennes.

Le travail n’a pas toujours été très facile, et les étudiants se sont heurtés parfois à des problèmes ardus.

Il leur a fallu, par exemple, discuter plusieurs jours avec leurs professeurs pour comprendre la signification profonde de cette réponse de Confucius à un disciple qui lui demandait comment diriger un pays : « Travaillez vous-même avant de faire travailler. »

Tous les critiques se sont jusqu’à présent accordés à conclure que, dans cette citation, Confucius recommandait aux propriétaires d’esclaves de participer au travail manuel pour donner l’exemple à leurs sujets.

Cette interprétation ne fait qu’embellir Confucius ; elle est d’autant plus douteuse que l’histoire a laissé un portrait bien différent du philosophe.

N’a-t-on pas dit de lui que c’était un parasite « qui n’a jamais travaillé de ses quatre membres, qui ne sait pas reconnaître les cinq espèces de céréales » [Ces propos qui visent Confucius ont été adressés par un paysan à un disciple du philosophe, qui les a rapportés dans les Entretiens] ?

On sait également qu’il a insulté Fan Tche, l’un de ses disciples, qui lui demandait comment on cultive les légumes et les céréales.

Avec l’aide de jeunes professeurs, les étudiants ont consulté un grand nombre d’annales historiques, pour finalement découvrir une explication un peu moins fantaisiste dans une édition de Louen Tu annotée par Kong An-kouo des Han de l’Ouest (206 av. J.-C. – 24 après J.-C.).

Selon lui, cette phrase signifie qu’il faut éclairer le peuple avec la morale (il s’agit bien sûr de la morale des propriétaires d’esclaves des Tcheou), le convaincre de la respecter, et ensuite seulement le faire travailler.

Cette interprétation du fervent disciple de Confucius trahit la méthode sournoise préconisée par ce dernier pour asservir le peuple.

Les étudiants ont, quant à eux, traduit de la façon suivante : « Les gouvernants doivent soumettre moralement le peuple avant de le faire travailler », ce qui correspond tout à fait au système idéologique de Confucius.

Une lecture attentive de Louen Tu montre bien que les idées de Lin Piao viennent en droite ligne de celles de Confucius. Par exemple, Confucius dit : « On doit faire en sorte que le peuple agisse sans comprendre », et Lin Piao : « Il faut appliquer ce que l’on comprend, et même ce que l’on ne comprend pas. »

C’est de l’obscurantisme du même acabit !

Après avoir lu la nouvelle édition critique des Entretiens de Confucius, le vieux professeur Feng Yeou-lan, qui a effectué pendant de longues années des recherches sur l’histoire de la philosophie chinoise, a déclaré : « Louen Tu est un classique du confucianisme. Toutes les annotations faites dans l’histoire avaient pour but de louer la doctrine de Confucius et de Mencius.

Aujourd’hui, nos étudiants ouvriers, paysans, soldats critiquent ce livre à la lumière du marxisme-léninisme, de la pensée Mao Zedong.

C’est un événement extraordinaire, un exploit dont auraient été incapables les étudiants des anciennes universités ! »

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