La nature des Princes épaulant Martin Luther

Quelle est la nature des Princes électeurs qui ont sauvé Martin Luther par l’intermédiaire de Frédéric III le Sage ? Voici comment Friedrich Engels, dans La guerre des paysans, nous la définit.

« Les princes étaient issus de la haute noblesse. Ils étaient déjà à peu près complètement indépendants de l’empereur, et en possession de la plupart des droits souverains.

Ils faisaient la guerre et la paix de leur propre chef, entretenaient des armées permanentes, convoquaient des diètes et imposaient des contributions. Ils avaient déjà soumis à leur autorité une grande partie de la petite noblesse et des villes.

Ils employaient constamment tous les moyens en leur pouvoir pour annexer à leurs territoires le reste des villes et des baronnies non médiatisées.

Par rapport à celles-ci, ils faisaient œuvre de centralisation, comme ils faisaient œuvre de décentralisation par rapport au pouvoir d’Empire.

À l’intérieur, leur gouvernement était déjà très arbitraire. La plupart du temps ils ne convoquaient les états que lorsqu’ils ne pouvaient pas se tirer d’affaire autrement. Ils décrétaient des impôts et des emprunts selon leur bon plaisir.

Le droit pour les états de voter l’impôt était rarement reconnu et plus rarement encore exercé. Et même alors, le prince avait ordinairement la majorité, grâce aux deux états qui n’étaient pas soumis à l’impôt, mais qui en profitaient, la chevalerie et le clergé.

Le besoin d’argent des princes augmentait avec le luxe et le train grandissant de leur Cour, avec la constitution des armées permanentes et les dépenses croissantes du gouvernement.

Les impôts devinrent de plus en plus lourds. Les villes en étaient, la plupart du temps, garanties par leurs privilèges. Tout le poids en retombait sur les paysans, tant sur ceux des domaines du prince que sur les serfs, les corvéables et les tenanciers des chevaliers vassaux.

Quand les impôts directs ne suffisaient pas, on faisait appel aux impôts indirects.

Les manœuvres les plus raffinées de l’art financier étaient employées pour combler les trous du fisc. Quand tout cela ne suffisait pas encore, quand on ne pouvait plus rien mettre en gage, et qu’aucune ville libre impériale ne voulait plus donner de crédit, on recourait aux pires des opérations frauduleuses, on frappait de la monnaie frelatée, on établissait des cours forcés, hauts ou bas, selon que cela convenait au fisc.

Le commerce des privilèges citadins ou autres, qu’on reprenait ensuite de force pour les revendre au prix fort, l’exploitation de toute tentative d’opposition comme prétexte à toute sorte de rançons et de pillages, etc., étaient également, à cette époque, des sources de revenus fructueuses et quotidiennes pour les princes.

Enfin, la justice était également pour eux un article de commerce permanent et non négligeable. Bref, les sujets de cette époque, qui avaient, en outre, à satisfaire la cupidité des baillis et autres fonctionnaires du prince, jouissaient pleinement des bienfaits du système « paternel » de gouvernement. »

On comprend immédiatement le problème. Les forces favorables à Martin Luther voyaient bien qu’autant il n’était pas possible historiquement de « passer le tour », autant soutenir de manière unilatérale les Princes électeurs aboutiraient à un renforcement unilatéral de leur pouvoir, la Réforme se limitant alors à l’appropriation des biens de l’Église catholique romaine.

Toutes les forces hostiles à cela vont alors se mettre en branle : la chevalerie, les patriciens, les bourgeois, les plébéiens, les paysans.

Qui plus est, l’empereur lui-même va intervenir pour bloquer ce qui serait un saut qualitatif pour les princes électeurs.

Cela va provoquer une onde de choc qui va alors frapper le pays à court, moyen et long termes.  

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