Il existe par définition un décalage entre les masses et l’appareil de sécurité d’État de l’URSS. En effet, comme l’a souligné Staline, la révolution socialiste est l’annonce d’une société future, alors que les anciennes révolutions venaient seulement confirmer un développement largement déjà réalisé.
Les masses lancent le processus, mais ont besoin d’être entraînées par l’avant-garde – cela est vrai également dans le socialisme, période de vaste apprentissage des masses.
Le droit socialiste, affirmé par les masses, est ainsi en même temps confronté à un certain retard des masses sur le plan moral. D’où la nécessité d’une correction par l’État. Les masses se corrigent par l’État des masses, grâce au renforcement de la base socialiste dans la production et l’action du Parti déblayant le chemin au communisme.
Dans Le droit et la moralité dans la société socialiste, de 1951, Maria Pavlovna Kareva explique cette dimension essentielle du socialisme.
« L’une des conditions qui ont assuré la victoire de la révolution socialiste était sans aucun doute la reconnaissance par les masses de la justice, les objectifs éthiques, les slogans de cette révolution et l’injustice, l’immoralité du système exploiteur.
En obtenant de manière révolutionnaire la liberté, le droit de travailler, de mener une vie digne d’un homme, les masses savaient bien qu’elles se battaient pour la vérité contre l’injustice qui sévissait depuis des siècles.
Mais, répétons-nous, la victoire de la révolution socialiste ne signifie pas encore l’assimilation par les masses des principes de la morale communiste en tant que régulateur de leur comportement quotidien.
La structure économique et de classe de la société, qui déterminait la préservation de l’influence des anciens systèmes moraux, ainsi que le retard inévitable de la conscience des masses face aux modifications des fondements matériels de la société, ont été un obstacle à cette évolution.
Il en ressort que, si la moralité socialiste est devenue le système moral dominant avec la victoire de la révolution socialiste, il n’était pas encore, dans la première phase du développement de notre État, un système de normes généralement reconnu régissant le comportement quotidien des membres de la société (…).
Les masses ont accepté la signification éthique des slogans et des tâches proposés par le Parti communiste dans la révolution et ne l’ont suivi, non pas parce qu’elles étaient déjà complètement imprégnées de conscience socialiste, mais parce que ces slogans et tâches correspondaient à des besoins matériels et à leurs idées sur l’injustice du système d’exploitation dans son ensemble.
Mais comme la conscience des masses n’était pas encore élevée au niveau de la conscience socialiste, elles continuaient dans bien des cas de se laisser guider par les anciennes règles de comportement habituelles.
Bien sûr, avec les leçons apprises par les masses dans la révolution, avec un changement radical dans les rapports des classes, ainsi que la transformation de la moralité socialiste en dominante dès les premières années de l’existence de l’État soviétique, tout cela ne pouvait que saper considérablement l’influence des normes de l’ancienne moralité.
Mais cette influence ne pouvait être éliminée immédiatement.
Les normes de la moralité socialiste, prises dans leur ensemble, ne pourraient pas automatiquement se transformer en un régulateur du comportement des masses, mais nécessitaient une assimilation consciente, impossible sans un changement radical de la conscience d’une personne élevée dans les conditions d’un système d’exploitation.
Et surtout, une rupture si décisive de la psyché humaine, le remplacement des idées anciennes par des idées nouvelles n’était pas encore prévu au début de l’existence de la société soviétique avec ses fondements matériels. »
Ce qui se pose ici, c’est le remplacement de l’ancien par le nouveau et le rapport entre les masses et l’État durant la période socialiste, jusqu’à ce qu’avec le communisme l’État disparaisse avec son dépérissement parallèle au développement dialectique du niveau des masses.
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de l’État de l’URSS socialiste