La nomenklatura en URSS social-impérialiste

La couche dominante de l’URSS social-impérialiste tient en une « nomenklatura » (du latin nomenclatura signifiant « liste de noms), dont les rouages internes sont les apparatchiks (les cadres de l’appareil).

Son vecteur, c’est le Parti Communiste d’Union Soviétique ; ses moyens, ce sont toutes les institutions, depuis les différentes industries jusqu’aux médias, en passant par le gouvernement, l’armée, les diverses administrations, l’école et la police, etc.

Le terme de nomenklatura s’est imposé, car les élections à chaque niveau passaient par des listes de candidats dûment sélectionnés au préalable, que ce soit du côté du Parti pour le comité de district, le comité municipal, le comité régional, l’appareil, mais aussi du côté des institutions et de l’armée.

À l’époque de Staline, c’est la ligne politique qui décide de la nomination par l’appareil du Parti ; si l’idéologie est mise à l’arrière-plan, il était nécessaire de s’aligner sur les décisions effectuées par le Parti en termes stratégiques et tactiques dans le pays en construction.

Avec la prise du pouvoir des révisionnistes dans le Parti, ce qui compte ce n’est plus la ligne politique que le soutien fervent au régime et à sa stabilité. Nikita Khrouchtchev avait essayé de promouvoir au début une certaine exigence d’engagement, mais l’absence de croissance « spontanée » de l’économie fit s’échouer une telle exigence.

C’est qu’installés dans les rouages du Parti, de l’État et de l’armée, les révisionnistes tendaient immanquablement à se comporter de plus en plus comme des bureaucrates cherchant à profiter de la moindre faille pour pratiquer le népotisme et la corruption.

Initialement, les cadres disposaient bien d’avantages matériels : il s’agissait de faire en sorte qu’ils puissent vivre bien, afin que leurs activités si importantes puissent être réalisées en profitant d’un cadre adéquat.

Avec le révisionnisme, ces avantages sont devenus des privilèges et une séparation complète s’est réalisée sur le plan du mode de vie entre la population et la couche dominante.

Il y a ainsi déjà le rapport hiérarchique. Ce sont les membres de cette nomenklatura qui disposent d’un téléphone et qui sont en mesure de faire passer de bons « conseils », afin que les choses se déroulent plutôt d’une manière que d’une autre.

Il y a ensuite la séparation matérielle. La nomenklatura disposait de lieux d’achats lui étant réservés, avec des biens non disponibles ailleurs et avec un approvisionnement toujours assuré.

C’était ici un détournement des services d’approvisionnement des travailleurs des grandes entreprises, qui existaient parallèlement aux magasins d’État. Et plus l’économie du social-impérialisme soviétique s’enlisait, plus la différence entre la consommation des masses et celle de la nomenklatura devenait marquante.

Cela devint d’autant plus vrai que la nomenklatura avait accès à des logements spécifiques, que des services de santé lui étaient réservés, qu’il y avait accès à l’achat d’automobiles du type berline (à une époque où les voitures étaient elles-mêmes un luxe, de par le prix et la difficulté d’accès).

L’un des aspects les plus ignobles fut le rôle de la chaîne de magasins Beryozka, présents dans les grandes villes et les zones de villégiatures, où l’on payait en devises étrangères. C’était l’irruption des dollars comme moyen de paiement et un exemple de lieu de consommation relevant d’une approche oligarchique.

Et pour contribuer d’autant plus à la capacité à utiliser ces devises étrangères par la nomenklatura, d’innombrables voyages à l’étranger étaient financés au nom de différents organismes, comme le Fonds de défense de la paix, avec à chaque fois des sommes remises aux participants.

Un magasin Beryozka

Quelle était la dimension numérique de la couche dominante s’érigeant en classe dominante du capitalisme monopoliste d’État ?

Pendant la période socialiste, les chiffres étaient les suivants. En 1925, le Parti disposait d’une nomenklatura de 6 000 personnes. En 1953, celle-ci tenait à 53 000 personnes pour la liste du Comité Central, à 350 000 personnes pour les comités du Parti.

Notons ici que les retraites des membres de la nomenklatura de l’époque socialiste étaient inférieures à celles des métallurgistes, des géologues, des cheminots, des ouvriers du secteur pétrolier, des médecins, des enseignants, des travailleurs des stations rurales de machines et de tracteurs, des marins.

Puis vient, donc, le révisionnisme, qui récupère le pouvoir sur les listes et instaure le nouveau régime. Au départ, les proportions sont les mêmes : 400 000 personnes à l’époque de Nikita Khrouchtchev, puis 750 000 personnes pour la période de Léonid Brejnev.

Il faut ajouter la famille proche et on parle donc d’environ 4 millions de personnes, pour une population totale de 255 millions. C’est exemplaire d’une situation relevant du capitalisme monopoliste d’État.

La part de la Russie dans cette nomenklatura était bien entendu très importante ; il y a un retour du chauvinisme grand-russe parallèlement au triomphe du révisionnisme. En 1972, il y a seulement 3 376 personnes relevant de la nomenklatura en Biélorussie, sur une population de 9 millions d’habitants.

Et au sein de la nomenklatura, il y a différents degrés. La nomenklatura relevant du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique formait bien entendu l’élite, avec 22 500 personnes en 1980. On a ici la tête du capitalisme monopoliste d’État.

Les autres degrés relèvent des différents niveaux de décision du Parti, avec les comités centraux, les comités régionaux, les comités municipaux… qui se conjuguent, différemment selon les situations mais tendanciellement de manière obligatoire, avec les organes de décision de l’armée et de l’économie.

On trouve ici les directeurs des entreprises, les ingénieurs en chef, les experts-comptables, les chefs des bureaux, les hauts responsables syndicaux, les cadres du service diplomatique, le haut personnel militaire, les cadres des services spéciaux du type KGB, etc.

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