La GOULag s’inscrit dans une logique mêlant un aspect pénitentiaire à un aspect éducatif-politique, puisque le travail forcé à la fois brise et rééduque les éléments anti-sociaux. C’est une démarche bien particulière, à la marge de la société, comme pour tout système pénal.
Pour la période 1930-1936, seulement 12 millions de personnes ont eu à faire avec la justice, le chiffre est de 8,6 millions de personnes pour la période 1937-1940. Il faut ici noter par contre que, dans le contexte de l’immédiate avant-guerre, l’année 1940 fut marquée par la condamnations de 2 millions de personnes pour violations de la discipline de travail et absentéisme.
La plupart de ces inculpés ont été condamnés à des travaux d’intérêt général ou bien à du sursis. Les camps de travail, concernent quant à eux autour d’un million de personnes au départ, grosso modo deux millions de personnes ensuite, sur 160-170 millions d’habitants.
Rien ne correspond aux thèses farfelues développées tout au long des années 1960-1970 multipliant ce chiffre par 4, 10, 15, 20, etc.
Cela étant la question relève davantage du qualitatif ; quand la thématique des camps de travail soviétiques arrive par exemple en France dans les années 1950, elle est un moyen de dénoncer la dictature du prolétariat et son prolongement inévitable : la soumission par la force des éléments anti-sociaux.
Cela passe notamment par une démarche « philosophique » de type existentialiste, avec principalement la revue Les Temps modernes de Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty (« A mesure que nous sommes mieux renseignés sur l’importance relative du travail forcé et du travail libre en URSS, sur le volume du travail concentrationnaire, sur la quasi-autonomie du système policier, il devient toujours plus difficile de voir l’URSS comme transition vers le socialisme ou même comme État ouvrier dégénéré »).
Cette dimension qualitative fut difficile à cerner lors de la mise en place de la GOULag. Il n’y avait pas seulement le passage d’une mobilisation de prisonniers en soutien à un grand projet à celle de l’organisation de tels grands projets eux-mêmes. Toute la définition de l’activité de la GOULag fut source de multiples remaniements, de restructurations.
L’administration en tant que telle fut d’ailleurs longue à se mettre en place de manière définitive.
C’est seulement à partir de 1935 que le NKVD dispose en tant que tel d’un département entièrement consacré à la production. Et les changements furent rapidement nombreux ; ainsi, la même année, en octobre, l’Administration centrale des autoroutes et des chemins par terre et des transports routiers (TsUDORTRANS) fut confiée au NKVD et devint ainsi l’Administration de la construction des routes pavées (GUSHOSDOR).
Toutes les années 1930 furent elles-mêmes marquées par des ajustements, des transferts de compétence, des réorganisations, des restructurations de différentes branches, etc. Le GOULAG était en perpétuelle réorganisation et l’ampleur de ses tâches, leur complexité, multipliaient leurs structures et leurs exigences.
La GOULag devait en effet s’occuper d’établir des plans, de trouver du personnel qualifié pour la gestion de leur réalisation, de mobiliser des prisonniers, d’assurer la logistique, de mettre en place l’approvisionnement, de s’occuper de la surveillance des camps et des convois, de maintenir une comptabilité, de prévoir un réseau sanitaire, de gérer les aspects juridiques sur place, de disposer d’un réseau vétérinaire, d’avoir des initiatives culturelles-éducatives, d’avoir un département politique bien sûr pour superviser l’ensemble, etc.
Dans certains cas, l’ampleur qualitative ou quantitative approfondit les difficultés. Les trois camps les plus importants, au milieu des années 1930, les Dmitlag, Belbaltlag et Bamlag, rassemblaient 221 039 détenus, pratiquement la moitié des prisonniers. En 1937, en raison de la vague de répression menée contre la contre-révolution, la GOULag dut ouvrir, au mois d’août, en catastrophe, sept camps pour des activités de bûcherons (Ivdelsky, Kargopolsky, Kuloysky, Lokchimsky, Taishetsky, Tomsk-Asinsky et Ustvymesky).
Cela impliquait de former un camp à partir de rien, ce qui était une tâche très ardue et la GOULag connut différents échecs sur ce plan. Au sens strict, à part ceux pour les bûcherons, en 1937-1938 il n’y eut d’ailleurs que neuf camps formés sur le tas : ceux d’Arkhangelsk, d’Ust-Borovsky, de Yagrinsky (pour la construction industrielle), de Luga (pour construction d’une base navale), de Podolsky (pour la construction d’aérodrome), de Samara (pour construction d’une centrale hydroélectrique), de Soroksky (dans le cadre de la construction ferroviaire), ainsi que deux autres destinés à la construction de routes.