La révolution chinoise : de victoire en victoire

À la fin de l’année 1947, il est évident que malgré tout le soutien américain, les force de Tchiang Kaï-Chek ne parviennent pas à prendre le dessus. Elles doivent même faire face à une puissante contre-offensive, les plaçant sur la défensive.

C’est une véritable catastrophe pour la contre-révolution, qui espérait écraser l’Armée Populaire de Libération en quelques mois, au moyen de deux millions de soldats de troupes régulières, d’un million dans les troupes irrégulières, d’un autre million à l’arrière. Concrètement, les chiffres donnent cependant, de juillet 1946 à novembre 1947, 640 000 tués et plus d’un million de prisonniers.

Inversement, en juillet 1946, si l’Armée Populaire de Libération dispose 612 000 hommes, à quoi s’ajoutaient 665 000 hommes des troupes irrégulières, elle double ces chiffres au début de l’année 1948. La balance penche du côté de la révolution en termes de nombre d’engagés dans la bataille.

Cela reste moins que le Kuomintang, qui a reconstitué ses forces, à la va-vite. Mais la clef est qu’il y a le succès qualitatif de la révolution chinoise, qui mettant en place une réforme agraire brisant les grands propriétaires fonciers – 7-8 % des paysans, pour 70-80 % des terres -, permet la formation d’une solide base sociale, Mao Zedong soulignant l’importance qu’il y a à réfuter les déviationnistes de gauche voulant aller trop loin, trop vite, sans suivre un rythme bien organisé et en ciblant bien pour unifier au maximum.

Cette déviation de gauche est alors la principale menace, car celle de droite était surtout forte lors de l’alliance avec le Kuomintang ; les déviationnistes de gauche risquaient de casser l’alliance avec les secteurs de la bourgeoisie nationale et des propriétaires fonciers favorables à la libération du pays.

Les corrections de Mao Zedong avaient d’autant plus d’impact que, à la fin 1947, le Parti Communiste de Chine dispose désormais de 2,7 millions de membres, dans un pays de 475 millions d’habitants.

En rouge foncé les zones libérées en 1946, puis leur expansion

En décembre 1947, Mao Zedong peut dans La situation actuelle et nos tâches rappeler les fondamentaux, sachant qu’avec un Parti organisé, une mise en place très approfondie relève du faisable, tant tactiquement que stratégiquement :

« Confisquer les terres de la classe féodale et les transférer aux paysans, confisquer le capital monopoliste dominé par Tchiang Kaï-chek, T. V. Soong, H. H. Kung et Tchen Li-fou, et le transférer à l’État de démocratie nouvelle, protéger l’industrie et le commerce de la bourgeoisie nationale, voilà les trois grands principes du pro-gramme économique de la révolution de démocratie nouvelle.

Pendant leurs vingt années de pouvoir, les quatre grandes familles, Tchiang, Soong, Kung et Tchen, ont entassé d’énormes fortunes, évaluées à 10-20 milliards de dollars américains, et ont monopolisé les artères vitales de l’économie de tout le pays.

Ce capital monopoliste, combiné avec le pouvoir d’Etat, est devenu capitalisme monopoliste d’État.

Étroitement lié à l’impérialisme étranger et, en Chine, à la classe des propriétaires fonciers et aux paysans riches de type ancien, il est devenu le capitalisme monopoliste d’État, comprador et féodal. Telle est la base économique du régime réactionnaire de Tchiang Kaï-chek.

Ce capitalisme monopoliste d’État opprime non seulement les ouvriers et les paysans, mais aussi la petite bourgeoisie urbaine, et il lèse les intérêts de la moyenne bourgeoisie. Il a atteint le point culminant de son développement durant la Guerre de Résistance et après la capitulation du Japon; il a préparé d’amples conditions matérielles pour la révolution de démocratie nouvelle. Ce capital est appelé communément en Chine capital bureaucratique.

Cette classe capitaliste, connue sous l’appellation de bourgeoisie bureaucratique, est la grande bourgeoisie de Chine.

Outre qu’elle doit abolir les privilèges de l’impérialisme en Chine, la révolution de démocratie nouvelle a pour tâche, à l’intérieur, de supprimer l’exploitation et l’oppression exercées par la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie bureaucratique (la grande bourgeoisie), de mettre fin aux rapports de production compradores et féodaux, et de libérer les forces productives enchaînées.

La couche supérieure de la petite bourgeoisie et la moyenne bourgeoisie, opprimées et lésées par la classe des propriétaires fonciers et la grande bourgeoisie et par leur pouvoir d’État, peu-vent participer à la révolution de démocratie nouvelle ou rester neutres, bien qu’elles soient elles-mêmes des classes bourgeoises. Elles n’ont pas d’attaches avec l’impérialisme ou en ont relativement peu et constituent la bourgeoisie nationale authentique. Partout où s’étend le pouvoir d’État de démocratie nouvelle, il doit les protéger fermement, sans la moindre hésitation.

Dans les régions contrôlées par Tchiang Kaï-chek, il y a dans la couche supérieure de la petite bour-geoisie et dans la moyenne bourgeoisie un petit nombre de personnes — l’aile droite de ces classes — qui ont des tendances politiques réaction-naires; elles répandent des illusions au sujet de l’impérialisme américain et de la clique réactionnaire de Tchiang Kaï-chek et s’opposent à la révolution démocratique populaire.

Tant que leurs tendances réactionnaires peuvent agir sur les masses, nous devons les démasquer devant ceux qui sont sous leur influence politique, combattre cette influence et en libérer les masses. Mais combattre politiquement et liquider économiquement sont deux, et nous commettrons des erreurs si nous les confondons.

Ce que la révolution de démocratie nouvelle vise à éliminer, c’est seulement le féodalisme et le capitalisme monopoliste, c’est seulement la classe des propriétaires fonciers et la bourgeoisie bureaucratique (la grande bourgeoisie), et non le capitalisme en général, non la couche supérieure de la petite bourgeoisie ni la moyenne bourgeoisie.

Vu le retard économique de la Chine, il sera encore nécessaire, même longtemps après la victoire de la révolution dans l’ensemble du pays, d’admettre l’existence d’un secteur capitaliste de l’économie, représenté par la couche supérieure très étendue de la petite bourgeoisie et par la moyenne bourgeoisie; et, en accord avec la division du travail dans l’économie nationale, nous aurons encore besoin d’un certain développement de tous les éléments de ce secteur capitaliste qui sont profitables à l’économie nationale. »

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