Le XVIIe siècle est le grand siècle français; c’est à travers lui que s’est formé la France comme nation, par l’établissement d’un grand marché et la constitution d’une administration unifiée, la langue française se forgeant sur cette base.
L’un des grands soucis est que la culture nationale qui s’est alors formée s’appuie sur une monarchie absolue devenue toute puissante. La période de Louis XIV n’est plus celle de François Ier ni d’Henri IV, tout est beaucoup plus systématisé et donc, de par la base féodale, ossifié.
Pourquoi cela ? Avec une monarchie absolue dominatrice, la base féodale dispose de points d’appuis encore plus profonds. L’aristocratie vivant de manière autonome et la forme inférieure de féodalité disparaissent, pour céder la place à leur niveau supérieur.
C’est le fameux jeu des courtisans, la superficialité des hauts personnages de la Cour à Versailles, la généralisation des attitudes complaisantes et obséquieuses, la distribution des postes, une hiérarchie mouvante selon les intérêts du roi, etc.
Qui plus est, pour asseoir sa propre position, Louis XIV a continué la politique pragmatique de ses prédécesseurs, consistant à donner naissance à de nouvelles charges [fonctions octroyées par le roi par lesquelles il délègue son pouvoir dans l’administration publique, notamment dans les domaines de la justice et de la finance], qui une fois vendues apportent à court terme de l’argent, pour par contre s’avérer un gouffre par la suite, avec qui plus est une noblesse de robe et des financiers toujours plus puissants.
Cela ajoute au problème, par la mise en concurrence et fusion entre aristocrates et bourgeois, tant en pratique que culturellement.
Les déséquilibres étaient ainsi nombreux dans les comportements, en raison de l’hypocrisie, des manipulations, des louvoiements, etc. Tout cela a été bien résumé par Jean de La Fontaine au moyen de ses fameuses fables et les types exemplaires opposés au progrès furent admirablement représentés dans les pièces de Molière suivant le principe de plaire et instruire.
La monarchie absolue était tout à fait consciente de la situation, tout au moins dans la mesure où elle représentait une forme sociale encore progressiste, ce qui était de moins en moins le cas.
Le double caractère de la monarchie absolue, en tant que compromis historique féodalité – bourgeoisie sous l’égide de l’État centralisé, se lit justement très bien dans le contraste entre deux grandes approches intellectuelles au sujet de l’hypocrisie, des attitudes humaines se développant à la cour.
François de La Rochefoucauld présente l’aspect négatif de cette approche ; dans ses Maximes, il considère la nature humaine comme forcément mauvaise. Jean de La Bruyère présente l’aspect positif ; dans ses Caractères, il pose la possibilité de changer les usages.
Ces deux auteurs exposent leurs points de vue en tant que défenseurs de la monarchie absolue, de l’intérieur de celle-ci. Ce qui est très fort ici, c’est que les deux auteurs tentent de synthétiser, de constater en détail les choses, tout comme Molière et Jean Racine à l’époque. Jean de La Bruyère l’affirme de la manière suivante:
« Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre. Moise, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images : il faut exprimer le vrai pour écrire naturellement, fortement, délicatement. »
Voilà qui est parfaitement bien dit. François de La Rochefoucauld et Jean de La Bruyère ne parviendront toutefois pas à atteindre le niveau de nos auteurs nationaux, Molière et Jean Racine (ainsi qu’Honoré de Balzac par la suite), car leur réalisme psychologique dégénère en psychologie moraliste, inévitablement, de par leurs choix culturels et idéologiques, de par l’époque.
Cependant, ce sont des auteurs qui restent de formidables témoins et dont les remarques furent particulièrement appréciés alors. Ils correspondent à la culture française, plus spécifiquement à cette approche psychologique tout à fait française, formant sa contribution à la culture mondiale.