Le soir de l’invasion, l’ambassade soviétique fit parvenir un message au dirigeant roumain Nicolae Ceaușescu par l’intermédiaire d’Ion Stanescu, président du Conseil de sécurité de l’État. On y lit notamment :
« Il est probable que des difficultés temporaires surgiront également pour les parties fraternelles. Mais la perte pour la cause du socialisme, pour le mouvement communiste mondial, aurait été incomparablement plus grande si la Tchécoslovaquie avait été vaincu par la contre-révolution. En apportant une aide fraternelle à leurs camarades tchécoslovaques, nos pays s’acquittent de leur devoir internationaliste à l’égard du peuple tchécoslovaque, du mouvement communiste international. »
Immédiatement, le Comité Central du Parti Communiste de Roumanie fut convoqué et dénonça l’invasion de la Tchécoslovaquie, exigeant le départ des troupes et qualifiant l’intervention « d’atteinte flagrante » à la souveraineté, que rien ne peut justifier. La déclaration exprima sa solidarité la plus complète avec « le peuple frère tchécoslovaque et le PCT ».
Puis, devant une foule immense d’au moins cent mille personnes, Nicolae Ceaușescu tint un discours totalement improvisé très offensif, appelant à la formation de gardes patriotiques armés afin d’être prêt à faire face à une invasion :
« L’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie est une grave erreur et une menace pour la paix en Europe, pour le destin du socialisme dans le monde et est un jour de honte pour le mouvement international. Il n’y a aucune justification et il n’y a aucune raison de rendre recevable, même pour un moment, l’idée d’une intervention dans les affaires intérieures d’un État socialiste fraternel (…).
Aucun étranger n’a le droit de dire sous quelle forme il faudrait construire le socialisme (…).
Nous avons décidé la mise en place à partir d’aujourd’hui de gardes patriotiques armés composés d’ouvriers, de paysans et d’intellectuels et qui seront les défenseurs de l’indépendance de notre patrie socialiste.
Nous voulons que notre peuple ait ses unités armées afin de protéger ses conquêtes révolutionnaires, de protéger son travail pacifique, son indépendance et la sécurité de la patrie socialiste.
Il a été dit qu’il y aurait un danger contre-révolutionnaire en Tchécoslovaquie ; il y en aura peut-être demain pour dire qu’ici à ce rassemblement il y avait des tendances contre-révolutionnaires qui se soient rassemblées…
Nous répondons à tous : l’ensemble du peuple roumain ne permettra à personne de violer le territoire de notre patrie. »
Nicolae Ceaușescu défendait ici l’option nationaliste qu’il avait hautement apprécié en Tchécoslovaquie. L’idéologie du pays était devenue ultra-nationaliste depuis le triomphe du révisionnisme en URSS.
Le 22 août, il fit passer une loi selon laquelle la présence d’armées étrangères en Roumanie ne serait possible qu’avec l’approbation du parlement. Dans la déclaration à ce sujet, il mentionna comme pays socialistes non seulement les membres du Pacte de Varsovie, le Vietnam, la Corée, la Mongolie, mais également la Yougoslavie, l’Albanie, la Chine.
Profitant de la fête nationale roumaine du 23 août, il y fit défiler des « gardes patriotiques » établies après le discours.
Il contacta immédiatement les Partis Communistes de France et d’Italie pour avoir leur soutien, ainsi que la Yougoslavie avec qui il entama des négociations pour former un front militaire commun en cas d’invasion de la part du Pacte de Varsovie.