Lorsque Arkangel apparut, Ronnie Lee comptait donc établir une ligne multi-directionnelle, dont l’ALF serait une composante. Ce positionnement ne fut pas accepté par le noyau dur des activistes les plus impliqués dans le mouvement.
Eux considéraient qu’il fallait, au contraire, appuyer l’élan initial dans ce qu’il a de plus radical comme affirmation d’une ligne de fracture.
Aussi, au tout début des années 1990, c’est l’Animal Rights Militia qui forme la grande actualité du mouvement pour la libération animale. L’ARM mena une série d’actions et Ronnie Lee refusa formellement de s’en dissocier, tout en se cantonnant strictement à un positionnement pro-ALF.
La montée en puissance imposait pourtant de ne pas se placer dans un entre-deux totalement inopérant, mais cela souligne la position intenable de Ronnie Lee, incapable de saisir l’exigence du passage à une formulation synthétique du principe de libération animale.
De l’autre côté, privé de grille d’analyse, le noyau dur des activistes ne sut pas trouver d’autre perspective que la fuite en avant militariste, seul moyen selon lui de faire émerger une véritable identité révolutionnaire, en rupture.
L’ARM était, dans les faits, clairement le prolongement de la fraction la plus décidée de l’ALF et elle exigeait de la clarté, une délimitation très nette. Les communiqués de l’ARM, toujours brefs, se concluaient d’ailleurs par un mot simple : « Révolution ».
Plusieurs coups d’éclat placèrent l’ARM au centre du jeu. En février 1989, un bar de l’université de Bristol fut la victime d’une explosion. En juin 1990, une bombe explosa sous la voiture de la vétérinaire Margaret Baskerville, puis deux jours plus tard une autre explosa sous la voiture de Patrick Max Headley, professeur de physiologie de l’université de Bristol.
L’événement marquant fut alors l’attaque à l’explosif militaire – une opération bien plus développée techniquement que la simple utilisation d’un engin incendiaire – du bâtiment de l’université de Bristol. Un bébé d’un an dans une poussette avait été légèrement blessée due au souffle de l’explosion, ce qui fut prétexte à une contre-campagne très importante de la part des médias.
Du côté du mouvement, on fut très partagé quant à savoir si cette action avait été réellement issu de ses rangs : la manière d’opérer ne correspondait pas à sa base.
De manière conforme aux principes développés jusque-là, l’ARM utilisa en juillet 1994 des engins incendiaires à Cambridge, amenant la destruction complète de la pharmacie Boots, ainsi que celle des stocks du magasin Edinburgh Woolen Mill. Par la suite, elle lança une vaste opération dans le sud du pays, sur l’île de Wight.
Si un engin incendiaire fut trouvé avant sa mise en marche dans un magasin de pêcheurs, amenant la police à effectuer immédiatement de vastes recherches dans les magasins, les autres ne furent pas trouvés et provoquèrent cinq millions d’euros de dégâts, dans deux magasins spécialisés dans le cuir, un local de la recherche contre le cancer, ainsi que chez Halford, une filiale de Boots.
L’ARM mena dans la foulée des actions à l’autre bout du pays, dans le Yorkshire du Nord, détruisant une pharmacie de Boots à Harrogate, ainsi que Fads, une autre filiale de Boots, ainsi qu’un local de la recherche contre le cancer et un magasin de chasseurs. Une autre action contre Boots fut menée à York.
La même année, en avril 1994, une organisation proche de l’ARM, le Justice Department, attaqua à l’explosif Boots the Chemist à Cambridge, ainsi que le siège du parti d’extrême-droite, le British National Party, blessant le responsable de son siège.
L’année précédente, en décembre le Justice Department avait développé le principe de bombes tuyaux, c’est-à-dire de mélanges explosifs placés dans des tuyaux en métal, ensuite placés dans des tubes pour protéger des affiches. Deux bombes de ce type furent envoyés à Shamrock Farm, le centre d’importation des primates pour la vivisection. Le centre a fermé en 2000 suite à une année de campagne des activistes.
Onze autres bombes de ce type furent envoyés, mais interceptés par la police, sauf une qui explosa à la figure du manager du groupe pharmaceutique GlaxoSmithKline. Par la suite, le Justice Departement informa qu’elle avait placé un engin incendiaire à la pharmacie Boots de Cornwall, que la police trouva effectivement.
En 1994, le Justice Department envoya également des courriers avec des lames de rasoir empoisonnés aux quatre coins de l’enveloppe. Fut notamment visé le prince Charles après qu’il ait participé à une chasse à courre, alors que l’ancien secrétaire à la défense Tom King reçut un colis piégé pour avoir défendu la chasse au courre au parlement.
Par la suite, le secrétaire d’État à l’intérieur, Michael Howard, fut visé également, tout comme à plusieurs reprises le responsable de la chasse à courre Nick Fawcett.
Le Justice Department détruisit la même année deux bateaux appartenant au propriétaire d’un chenil pour chasse à courre, envoya deux colis piégés sous forme de vidéo au magasin Boots de Cambridge (qui furent interceptés).
D’autres colis piégés furent envoyés à l’entreprise Stena Sealing, dans le Gloucestershire et le Kent, à Oxford et Edimbourgh, en raison du rôle des ferrys pour le transport des animaux, qui fut de mis côté devant les menaces.
Le Justice Department mena des actions similaires en 1995, avec quatre lettres à des personnalités dont l’ancien ministre de l’agriculture William Waldegrave, à un stock de fourrures de Glascow, ainsi qu’un laboratoire d’expérimentation animale à Edimbourgh.
Par la suite, le Justice Department ne se maintint vraiment qu’aux États-Unis, où il a été présent très tôt. En 1996, il envoya de nouvelles lettres contenant des lames de rasoir, censées être empoisonnées à la « mort aux rats », à 80 chercheurs et chasseurs, puis 87 autres colis piégés, un mode opératoire qui se répéta par la suite.