[Rapport politique au IIIème Congrès du PCMLF, janvier 1978.]
La situation en France est dominée par la crise économique, dont les manifestations ne peuvent être dissociées de la crise mondiale du capitalisme.
En vérité, le système capitaliste est en crise générale depuis la première guerre mondiale qui a marqué le début de la phase de son pourrissement et de son agonie, en même temps que les premières manifestations du passage du capitalisme monopoliste au capitalisme monopoliste d’Etat.
Mais la durée de cette agonie n’est pas à la mesure de la durée de la vie d’un homme et, naturellement, les prolétariats, les masses populaires et les peuples opprimés aspirent à ce que se produise plus rapidement l’effondrement décisif et irréversible du capitalisme. C’est là un courant général dans le monde.
De façon très sommaire, on peut considérer qu’après la fin de la première guerre mondiale, la profonde crise des années 1929 et suivantes provoqua les conditions historiques du déclenchement de la seconde guerre mondiale en 1939.
Et depuis la fin de celle-ci, les crises sont devenues encore plus fréquentes et plus profondes qu’avant 1939, elles atteignent tous les secteurs d’activité et touchent les uns et les autres de leurs conséquences réciproques. Il y a interactions entre crise industrielle et crise agricole, crise industrielle et crise commerciale, crise de surproduction et crise financière.
Il s’agit là, camarades, de questions complexes, pour l’étude desquelles nous n’avons pas une expérience et des connaissances suffisantes.
Jusqu’à la préparation de notre IIIe Congrès, notre Parti n’avait pas soutenu la moindre tentative d’analyser concrètement et en profondeur la crise actuelle. Il se satisfaisait de la description de ses manifestations apparentes, comme l’inflation, la hausse des prix, les licenciements, le chômage. Mais la Conférence nationale ouvrière a souligné avec opportunité l’impérieuse et urgente nécessité pour notre Parti de procéder à l’analyse concrète de la crise.
Aussi, le Comité central a-t-il commencé à élaborer la réalisation de cette tâche en publiant un premier travail de recherche comportant :
–une esquisse de l’analyse concrète de la crise économique actuelle sur le plan mondial;
–une esquisse du même objet concernant la crise de l’économie française ;
–quelques indications fondamentales et élémentaires du point de vue marxiste-léniniste sur le problème de l’inflation ;
–une critique encore très sommaire de l’analyse de la crise fournie par les économistes révisionnistes français.
(…)
Dans « Matérialisme dialectique et matérialisme historique », Staline indiquait : « La clé qui permet de découvrir les lois de l’Histoire dans la société doit être cherchée non dans le cerveau des hommes, non dans les opinions et les idées de la société, mais dans le mode de production pratiqué par la société à chaque période donnée de l’Histoire dans l’économique de la société.
Par conséquent, la tâche primordiale de la science historique est à l’étude et la découverte des lois du développement économique de la société. Par conséquent, le Parti du prolétariat, s’il veut être un parti véritable, doit avant tout acquérir la science des lois du développement de la production, des lois du développement économique de la société ».
En dépit de l’absence d’une discussion suffisante dans nos rangs, que peut retenir notre Parti des esquisses d’analyses déjà élaborées ?
1) Tout d’abord, la crise économique et ses conséquences générales dans notre pays, notamment ses conséquences politiques et sociales, correspondent au développement de la crise sur le plan mondial. Elles n’échappent pas aux conditions historiques créées par le fait que la France a un impérialisme en forte régression et sur la défensive, d’un potentiel économique très inférieur à ceux des deux super-puissances.
La crise économique en France est pour une grande part tributaire :
-1 de l’expansion considérable des deux super-puissances et de leur rivalité grandissante pour le partage et la domination du monde ;
-2 de la lutte anti-colonialiste et anti-impérialiste menée par les peuples et pays du tiers-monde. Il convient de tenir compte de l’effondrement de l’immense empire colonial dont disposait la France capitaliste avant la deuxième guerre mondiale (12 millions de km2 et 70 millions d’esclaves coloniaux).
Même si la France recourt à de nouvelles formes d’exploitation comme le néo-colonialisme et l’utilisation dans des conditions bénéfiques d’une très importante main d’oeuvre fournie par les travailleurs immigrés, elle n’en est pas moins contrainte de nos jours de négocier et payer son approvisionnement en matières premières, qu’elle pillait naguère pour son plus grand profit.
2) L’économie française reste en partie dépendante d’une importante pénétration du capital étranger, essentiellement américain, et l’impérialisme des monopoles des Etats-Unis s’efforce dans tous les domaines de surmonter sa propre crise en l’exportant dans les pays capitalistes européens.
3) La croissance des prix à la consommation, qu’il ne faut pas confondre avec l’inflation, se maintient à un taux élevé.
4) Le chômage ne connaît pas le moindre signe sérieux de régression, au contraire, il atteint des sommets très élevés, passant de 6,2% de la population active fin 1975 à 8% environ fin 1977.
5) La crise du franc se trouve liée au flottement des monnaies européennes par rapport au dollar américain et la fluctuation de notre monnaie traduit aussi les contradictions aiguës qui se produisent entre les groupes monopolistes européens eux-mêmes.
6) Le quadruplement du prix du pétrole fin 1973 n’a pas été à l’origine de la crise, contrairement à ce que veulent faire croire Giscard d’Estaing et les capitalistes de notre pays, mais il a offert à ces politiciens bourgeois une excellente occasion de justifier leurs difficultés pour dissimuler que les causes profondes de la crise et son essence… sans jeu de mot… résident exclusivement dans la nature du système capitaliste, fondamentalement dans la contradiction entre le caractère privé de la propriété des moyens de production et le caractère collectif des forces productives.
En ce qui concerne l’esquisse d’analyse de la crise économique en France, elle ne permet pas de caractériser de façon certaine sa nature même. Elle débouche provisoirement sur ces conclusions :
Le problème reste posé de la nature même de la crise ouverte en 1974 : est-elle simplement une crise classique de surproduction, de sur-accumulation, un processus particulièrement brutal de restructuration du capitalisme, de rétablissement de l’équilibre rompu, de résolution provisoire des contradictions, ou bien est-elle la manifestation d’une crise beaucoup plus profonde, liée aux bouleversements que connaît la situation mondiale et avant tout aux faits que le tiers-monde a surgi comme force motrice révolutionnaire et que la rivalité des deux super-puissances pour la domination du monde s’aiguise ?
La politique économique suivie par la bourgeoisie monopoliste pour faire face à la crise économique est marquée par l’incertitude touchant à la nature même de la crise. Rapidement, depuis le début de 1974, se sont succédés plan de stabilisation, plan de relance et maintenant plan Barre. Mais quelque soit l’habillage, le fond reste le même: il s’agit de faire payer la crise aux travailleurs, plus précisément de profiter de celle-ci pour accroître le taux de plus-value, par la paupérisation de la classe ouvrière et de la paysannerie, la baisse du salaire réel, afin d’aboutir au prix d’une dévalorisation d’une partie du capital existant et par une nouvelle restructuration, à relever le taux de profit.
C’est par rapport à la crise que les propositions de la bourgeoisie « d’opposition », le programme commun, les propositions des révisionnistes, prennent tout leur sens. Ces propositions sont somme toute assez classiques et relèvent finalement des remèdes proposés par Keynes, cet apôtre du capitalisme monopoliste d’Etat, au lendemain de la grande crise de 1929.
Précisons que Keynes préconisait l’inflation, le plein emploi, l’augmentation du « pouvoir d’achat » des masses et surtout l’intervention systématique de l’Etat. Cette politique ne peut avoir que des effets très temporaires car le capitalisme ne peut distribuer ses profits aux masses.
Au contraire, régi par le profit, il doit, pour survivre, extorquer toujours plus de plus-value. Dès lors, la contradiction entre la masse de capitaux disponibles pour la production ( de plus-value) et la consommation limitée des masses s’aggrave et aboutit inévitablement à la sur-accumulation du capital.
Le programme commun, actualisé ou pas, qui ne touche absolument pas aux fondements du capitalisme, c’est finalement, en dehors de la fable sur la relance de la consommation qui ne peut en rien résoudre la crise, restructurer le capitalisme pour la mise sous la coupe directe de l’Etat des principaux monopoles (nationalisations) : c’est un accroissement de la concentration monopoliste d’Etat.
C’est aussi vouloir profiter de la domination du révisionnisme sur la classe ouvrière pour faciliter l’extorsion de la plus-value et, par là même, du taux de profit, par l’instauration du social-fascisme.
Mais c’est aussi, tout en disant maintenir la France dans l’orbite de l’impérialisme américain, s’adapter à l’évolution de la situation mondiale et spécialement au fait que le social-impérialisme est le plus agressif, qu’il réclame une part de la plus-value, pressions militaires à l’appui, en vue de dominer l’Europe puis le monde.
La France, pays du second monde est, en effet, directement soumise aux pressions des deux super-puissances. Il n’y a plus aujourd’hui de possibilité d’un développement autonome à long terme de l’impérialisme français, en dépit des voyages africains ou autres des commis voyageurs que sont devenus Giscard et les hommes du gouvernement.
Même la Communauté économique européenne, si elle représente sur le plan économique comme politique, voire militaire, une solution d’attente, si elle permet de repousser les échéances, ne représente aucune perspective décisive à terme face à la rivalité des deux super-puissances. En ce sens, le Marché commun, la construction de l’Europe permettent de gagner du temps, d’accumuler des forces en vue des affrontements violents inéluctables à venir.
Nous pensons que, finalement, le programme commun conduirait irrésistiblement à placer l’économie française dans l’orbite politique, économique et militaire du social-impérialisme soviétique.
En fait, en France comme dans tout autre pays impérialiste, qu’il soit du premier ou du second monde, aucune forme de transition ne peut s’intercaler entre la domination du capital monopoliste et celle du prolétariat.
C’est ce que semblent commencer à comprendre certains adhérents du Parti révisionniste français, si l’on en croit les propos tenus par le professeur Balibar devant le cercle de l’Institut d’études politiques de l’Union des étudiants communistes, encore que ces propos soient plutôt confus. La seule solution à la crise, c’est la destruction du capital en tant que rapport social, c’est la révolution prolétarienne, la dictature du prolétariat.
La crise économique accentue la crise politique et sociale. Elle provoque des bouleversements dans tous les domaines de la vie des populations de notre pays.
Le chômage atteint des niveaux jamais dépassés. D’après les statistiques du Bureau international du travail, le nombre des chômeurs en France est passé de 760000 en janvier 1972 à 1465000 en janvier 1977. Nous ne disposons pas encore du chiffre correspondant pour janvier 1978, mais tout permet de supposer qu’il dépasse 1500000 et s’approche même de 1600000 chômeurs.
Au cours de l’année 1977 en effet sont arrivés, sur ce que les économistes bourgeois nomment le « marché du travail », environ 700000 jeunes et ce n’est pas la démagogie du patronat qui prétend avoir créé à leur intention 250000 emplois nouveaux qui a permis de leur assurer à tous du travail, d’autant que de puissantes vagues de nouveaux licenciements ont à nouveau déferlé sur les usines un peu partout en France.
La hausse des prix n’a pas été stoppée, si par contre le plan du gouvernement a bloqué la hausse des salaires à 6,5% pour l’année 1977. D’après les indices officiels de l’INSEE, la hausse des prix alimentaires s’est établie à 14% entre septembre 1976 et septembre 1977. Si l’on tient compte par ailleurs de la dévaluation effective constante de la monnaie, qui est de l’ordre de 10% par an, on peut facilement établir que loin de progresser, le pouvoir d’achat des travailleurs ne cesse de régresser.
Dans les études statistiques présentées par le journal bourgeois « Le Monde », sous le titre « L’année économique et sociale 76 : l’espoir déçu », on peut apprendre qu’au 1er juillet de l’année en cause 59,2% des salariés de l’industrie et du commerce percevaient moins de 2530,00F par mois. Cette indication concernait 7050000 travailleurs.
Et ces pourcentages et chiffres recouvraient encore d’autres éléments plus éloquents de la grave situation sociale qui découle de la crise du capitalisme. Parmi ces salariés, en effet, plus d’un sur trois ne percevait que des mensualités d’un montant inférieur à 1900,00F par mois. Ajoutons que la proportion des femmes concernées par cette situation était de l’ordre de 8 femmes pour 5 hommes.
Si nous détaillons les catégories d’ouvriers, environ 5000000 sur ces 7050000 salariés de l’industrie et du commerce, nous pouvons relever quels étaient les montants moyens de leurs salaires mensuels : les ouvriers qualifiés percevaient 2570,00F pour les hommes et 1893,00F pour les femmes; les ouvriers spécialisés percevaient 2160,00F pour les hommes et 1624,00F pour les femmes, les apprentis et jeunes ouvriers sous contrat percevaient 881,00F pour les hommes et 1070,00F pour les femmes.
Dans le même temps, les cadres administratifs moyens, environ 58000 salariés, percevaient 5360,00F pour les hommes et 4145,00F pour les femmes, les cadres administratifs supérieurs, au nombre de 15000 environ, percevaient 9610,00F pour les hommes et 6210,00F pour les femmes.
A ces chiffres, il conviendrait d’ajouter ceux qui représentent les revenus des vieux travailleurs et qui demeurent insuffisants pour leur permettre de vivre, même modestement, en dépit de la démagogie forcenée de Giscard d’Estaing et de son gouvernement.
Il conviendrait aussi de leur opposer les revenus les plus élevés qui soient perçus dans notre pays, qui se situent d’ores et déjà entre 800000 et 900000F par mois (en francs lourds, ce qui représente des sommes de l’ordre de 10000000F par an, soit 1 milliard de centimes ou anciens francs !). Voilà, camarades, c’est ça notre société libérale avancée tant vantée par les représentants de la bourgeoisie monopoliste qui détiennent l’Etat et le gouvernement.
Naturellement, la spéculation et la corruption sont pratiquées à grande échelle et les scandales financiers opposent des clans rivaux de politiciens quelquefois jusqu’aux règlements de compte. Ainsi, le duc de Broglie, parlementaire et ancien ministre a-t-il été assassiné par ses adversaires, sans d’ailleurs que le Ministre de l’Intérieur ne fasse arrêter d’autres coupables que des comparses.
L’affaire plus récente du club de football professionnel de Paris St germain connue sous le nom de l’affaire Hechter, a révélé la rivalité sordide du RPR de Chirac, maire de Paris et du PR comptant dans ses rangs l’ancien maire de Deauville, Michel d’Ornano, financier capitaliste aux trafics plus que douteux.
Et tout ce beau monde hurle à l’unisson pour condamner la violence quand quelque jeune ou quelque chômeur tente de se révolter, ou lorsque se produisent des vols ou des hold-up rendus inévitables par l’injustice sociale de notre société. Naturellement, nous, marxistes-léninistes, nous n’approuvons pas le vol, ni les agressions individuelles, ni le recours à la drogue, ni les attentats de forme terroriste qui sont exécutés sans l’assentiment ni la compréhension des masses.
Mais nous dénonçons la responsabilité, la culpabilité première de la bourgeoisie qui favorise et engendre de tels actes. La crise économique et sociale provoque la crise idéologique et morale et ceux qui se trouvent atteints ne sont souvent que des victimes de la pourriture du capitalisme.
D’ailleurs, cette crise est présente partout et constitue l’ambiance générale dans laquelle notre peuple doit vivre bien malgré lui. Il suffit de consulter n’importe quel programme hebdomadaire d’une chaîne de télévision, pour y découvrir de nombreux films où sont exaltés les crimes, le racisme, le viol et toutes autres formes de violence en même temps que les sentiments de haine, l’avilissement de la sexualité et, par-dessus tout, le culte de l’argent et du profit.
La femme est tenue pour un objet de consommation, la prostitution se trouve elle-même dépassée par la publicité obsédante qui vise à détourner les masses des véritables problèmes auxquels elles sont confrontées par leur exploitation.
Les publications consacrées à l’exaltation de la suprématie du sexe dans le prétendu bonheur des êtres humains, figurent soit à l’accrochage public de tous les kiosques, soit dans d’innombrables boutiques spécialisées qu’on appelle des sex-shops. Et le magazine « l’Humanité dimanche » a récemment consacré plusieurs pages avec de nombreuses photographies à la lucrative activité des strip-teaseuses…
La crise culturelle est également générale et la ligne des dirigeants révisionnistes du Manifeste d’Argenteuil n’y est certainement pas pour rien, même si le phénomène de la dégénérescence en cours a des racines plus lointaines.
Le processus de développement du capitalisme dans l’édition comme dans la diffusion du livre et des appareils de photographie, cinématographie ou audition du style FNAC, les tendances au théâtre comme dans les films sont caractéristiques des conséquences de la crise. Aussi le niveau de la création reste-t-il à un niveau très bas, aussi bien dans la forme que dans le contenu.
Sur le plan de la philosophie, essentiellement bourgeoise, l’existentialisme n’a pas manqué de provoquer les courants de dégénérescence intellectuelle et dans la manière de vivre qu’il préconisait déjà voilà trente ans.
Au surplus, les jeunes bourgeois qui s’étaient transformés en révolutionnaristes fanatiques lors du printemps révolutionnaire de 1968 et qui avaient donné de la Grande révolution culturelle prolétarienne en Chine une interprétation individualiste fausse et mystique, sont devenus aujourd’hui des philosophes réactionnaires qui s’emploient à réfuter non seulement Mao Tsetoung et Lénine mais aussi Marx et Engels.
La crise économique et sociale qui sévit dans tout le pays frappe inégalement certaines régions. Un processus de sous-industrialisation pèse sur plusieurs provinces qui ont jadis concouru à la formation de la nation française dans la phase ascendante du capitalisme. Aussi voyons-nous des populations régionales entières entrer en révolte contre le sort qui leur est imposé par l’Etat capitaliste centralisé.
Minorités nationales ou culturelles entrent en lutte, et, quelquefois, recourent d’emblée à la violence contre les responsables de leur situation.
En Corse, en Bretagne, au Pays basque, chez les catalans et dans d’autres régions, y compris la vaste Occitanie qui couvre tout le midi de la France, naissent ainsi des mouvements autonomistes, et même indépendantistes. Le peuple corse, sans doute le plus touché et le plus bafoué, ne peut plus supporter l’exploitation et l’oppression que lui impose l’Etat capitaliste français qu’il tient pour authentiquement colonialiste. Ailleurs, ce sont des corporations régionales entières qui se soulèvent contre les méfaits de la politique économique et sociale du gouvernement.
La crise est partout, dans les religions traditionnelles, dans l’enseignement, dans les organes de l’Etat qui sont restés pendant très longtemps à l’abri de toute contestation comme la justice, la police et l’armée.
Mais le lieu où la crise concentre ses effets les plus tempétueux se situe dans les formations politiques de la bourgeoisie, qu’elle se présente comme étant de droite, du centre ou de gauche. Nous allons aborder ce phénomène d’une portée considérable en le rattachant à l’étude des contradictions de classe de notre société.
LES CONTRADICTIONS DE CLASSE DE NOTRE SOCIÉTÉ
Si l’on fait exception de la période relativement courte qui a vu triompher la ligne du IIe Congrès, on peut considérer que notre Parti a toujours considéré que la contradiction fondamentale de notre société opposant la classe ouvrière à la bourgeoisie en est aussi la contradiction principale. Est-il besoin d’insister encore sur cette caractérisation fondamentale de notre société après l’autocritique approfondie que nous avons présentée sur l’abandon du point de vue de classe ?
L’antagonisme entre les deux classes de notre société que constituent les propriétaires des moyens de production et les ouvriers forcés de vendre leur force de travail, est irréversible et ne connaîtra pas de solution définitive avant la révolution prolétarienne.
Au surplus, après la prise du pouvoir par la classe ouvrière, sous la dictature du prolétariat, cet antagonisme se poursuivra mais le rapport de domination sera renversé. La lutte entre les deux classes ne disparaîtra qu’avec la disparition des classes elles-mêmes, lorsque l’édification du socialisme universel aura permis de surmonter toutes les contradictions et de passer au stade du communisme.
Entre la classe ouvrière et la bourgeoisie se trouvent un certain nombre de classes et de couches sociales intermédiaires, que leurs intérêts respectifs rattachent ou opposent aux deux classes fondamentales à des degrés divers qui se modifient en même temps que s’aiguise la contradiction principale.
Des camarades ont demandé à plusieurs reprises que notre Parti élabore de nouveau une analyse des classes approfondie, pour remplacer celle qu’avait retenue le Congrès de Puyricard.
En vérité, de telles analyses sont toujours nécessaires, non point pour le plaisir de se plonger dans des études sociologiques, même concrètes, mais parce qu’elles permettent de définir de la façon la plus scientifique possible qui sont nos amis, qui sont nos ennemis, quelles sont les forces intermédiaires susceptibles d’être neutralisées ou non. Les analyses concrètes de la situation des classes sociales d’un pays à une époque donnée permettent ainsi de définir une stratégie révolutionnaire et la ou les tactiques qui sont de nature à la servir le plus efficacement.
Pour l’instant, notre Comité central n’a procédé qu’à une étude poussée de la paysannerie, de sa composition sociale, de ses relations et contradictions internes qui caractérisent les rapports entre ses différentes couches, ainsi que les rapports de ces différentes couches elles-mêmes avec les autres classes sociales du pays, notamment avec les deux classes fondamentales.
En ce qui concerne la classe ouvrière, notre Parti s’en est tenu jusqu’ici à l’analyse élaborée dans le cadre de la préparation de notre Congrès constitutif, tout en corrigeant l’erreur de principe importante qui consistait dans cette analyse à classer l’aristocratie ouvrière dans la classe ouvrière, alors que du point de vue marxiste, il convient de la classer dans la bourgeoisie.
Il est bien évident que des études théoriques nouvelles devront être menées le plus rapidement possible en vue d’actualiser notre analyse des classes en commençant par la classe ouvrière et la bourgeoisie capitaliste.
Cette tâche s’avère d’autant plus urgente que les dirigeants révisionnistes ont entrepris une profonde révision et trahison des concepts marxistes, jetant délibérément une confusion totale sur le concept de prolétariat afin de pouvoir mieux justifier leur reniement du principe de la dictature du prolétariat.
Notre Parti doit éviter l’erreur courante qui consiste à prendre comme base d’analyse de la classe ouvrière les seuls salaires. L’analyse marxiste des classes consiste avant tout à discerner leurs positions respectives dans la production et à caractériser leur réciprocité, à savoir leurs liens et leurs contradictions.
De ce point de vue, notre Parti tient pour l’allié le plus proche de la classe ouvrière dans sa lutte contre l’exploitation capitaliste, la couche la plus pauvre de la paysannerie. L’expérience révolutionnaire du prolétariat mondial démontre qu’en toutes circonstances l’alliance des ouvriers avec les paysans constitue l’une des conditions de la victoire et du maintien de la révolution, qu’elle soit sociale ou nationale.
S’il importe de savoir pratiquer de manière constructive l’autocritique, cela ne doit pas nous interdire de souligner un succès même relatif quand il intervient. Aussi, notre Congrès sera-t-il dans le vrai s’il apprécie à sa juste valeur, ne serait-ce que dans son principe, le travail réalisé par la commission paysanne du Comité central. Ce travail long et minutieux, qui s’est imposé le rejet de tout subjectivisme, a permis la rédaction du document intitulé: « Les classes à la campagne », qui sera rendu public après étude approfondie du Parti. ( …)
En ce qui concerne les autres classes et couches sociales de notre société, il conviendra aussi de reprendre de façon approfondie leur analyse.
Pour l’instant, la pratique principale et prioritaire de notre Parti vise à assurer sa fusion fondamentale avec l’avant-garde de la classe ouvrière, à laquelle il doit s’identifier. Mais cette tâche dont la réalisation s’avère chaque jour plus urgente et plus impérative n’exclut pas les efforts pour l’établissement de liens de masse de notre Parti avec les autres classes et couches sociales qui ont d’ores et déjà des intérêts objectifs à la révolution prolétarienne du fait de leurs positions antagoniques avec la bourgeoisie capitaliste.
Il s’agit notamment de cette couche sociale, d’ailleurs encore dominante au point de vue quantitatif dans nos rangs, que nous appelons la petite-bourgeoisie, couche qui réunit l’immense majorité des petits et moyens salariés qui ne sont pas des ouvriers.
Employés, petits fonctionnaires, personnels des entreprises publiques et nationalisées, enseignants des établissements primaires et secondaires, étudiants et diverses autres catégories constituent cette petite-bourgeoisie, que la bourgeoisie capitaliste exploite et opprime presque aussi férocement que la classe ouvrière.
Par contre, notre Parti fait preuve d’une circonspection délibérée qu’il ne convient pas de placer sous le signe du sectarisme, envers les ingénieurs, cadres et techniciens de niveau supérieur, ainsi qu’à l’égard des professions libérales, qui sont des classes et couches caractéristiques de la moyenne bourgeoisie que ses positions par rapport à la bourgeoisie capitaliste rendent encore particulièrement conservatrice.
Naturellement, cela ne signifie en rien que nous ne devions accepter dans l’activité militante, des camarades ingénieurs, médecins, avocats ou professeurs de faculté qui se placent résolument sur les positions idéologiques révolutionnaires du prolétariat et agissent avec conséquence.
Notre Parti doit unir dans son combat tous les éléments qui peuvent l’être et qui acceptent la direction idéologique et politique de la classe ouvrière contre la bourgeoisie capitaliste.
LA POLITIQUE DE LA BOURGEOISIE
Les élections législatives prochaines ne doivent pas dissimuler la réalité fondamentale de notre société. Les luttes acharnées qui opposent la majorité réactionnaire sortante et les partis qui lui font opposition ne correspondent nullement à la contradiction principale de notre société, mais visent à en détourner la classe ouvrière et le peuple. Tous les partis traditionnels qui s’entredéchirent si spectaculairement pour conserver ou arracher le pouvoir ne remettent absolument pas en cause la nature de classe de ce pouvoir.
Tous oeuvrent avec frénésie pour perpétuer le système capitaliste. Ceux qui proclament qu’ils sont pour le socialisme se refusent, soit explicitement, soit de manière plus insidieuse, à s’engager dans la voie d’une préparation réelle et efficace de la destruction du capitalisme.
Le Parti socialiste reste fidèle à lui-même, s’opposant activement à toute voie révolutionnaire et préconisant des réformes qui conservent intactes toutes les structures du capitalisme. Le Parti communiste français, soumis à l’idéologie du révisionnisme moderne, n’agit pas différemment et trompe les ouvriers, les petits paysans et les masses populaires qui lui accordent encore leur confiance.
La bourgeoisie capitaliste a impulsé après la seconde guerre mondiale une société dans laquelle la recherche du profit maximum a conduit à une production désordonnée et effrénée destinée à provoquer la croissance continue de la consommation.
Mais, comme nous l’avons vu, cette société a engendré ses propres contradictions internes et inéluctablement débouché sur la crise que nous venons d’étudier. La profondeur et la durée de cette crise ont créé les conditions d’une instabilité politique que manifestent les disputes, les rivalités, les coups bas, bref les contradictions qui surgissent sans cesse entre les différents partis traditionnels de la bourgeoisie.
Les gaullistes, divisés en plusieurs courants souvent incapables de réaliser leur unité, les conservateurs de type classique, les réformistes aux projets multiples et variés, les socialistes et les révisionnistes présentent des programmes respectifs d’apparence différente, mais finalement conduisent au même résultat : la poursuite de l’exploitation capitaliste.
Mais cette mêlée des politiciens bourgeois de droite, du centre et de gauche, mérite que nous tentions d’en dénouer les fils, pour discerner qui sont les plus dangereux parmi tous ces partis ennemis de la classe ouvrière et opposés à la révolution socialiste.
Chacun d’entre eux met en oeuvre sa propre stratégie dictée dans l’immédiat par les nécessités électoralistes, mais visant par-delà les élections à une tactique particulière dans la gestion du pouvoir et de l’Etat capitalistes.
Quelles sont ces stratégies ?
La stratégie du Rassemblement pour la République dirigé par Jacques Chirac vise à reconquérir les fonctions de Président de la République et de chef de gouvernement qui ont été ravies aux gaullistes par Giscard d’Estaing et Raymond Barre.
Mais, dans cette perspective, le RPR doit tenir compte de la menace que constitue la possibilité d’une victoire électorale des partis de l’Union de la gauche, même s’ils sont devenus des frères ennemis. Chirac rejette la stratégie préconisée par Giscard d’Estaing qui vise à isoler les révisionnistes en réintégrant dans la majorité les socialistes. La lutte entre le RPR et le Président de la République est très aiguë.
Du point de vue électoral, le RPR craint le Parti socialiste qui est susceptible de lui ravir un certain nombre d’électeurs. Fondamentalement, la stratégie du RPR de Chirac consiste à défendre avec violence les intérêts de classe de la bourgeoisie capitaliste monopoliste sans recourir à la collaboration des socialistes.
En fait, le RPR comme le Parti républicain que parraine ouvertement Giscard d’Estaing, représentent les mêmes intérêts de classe, mais recourent pour les défendre et perpétuer les privilèges qui en découlent à deux tactiques différentes.
Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit avant tout de faire supporter par la classe ouvrière et les masses populaires le poids de la crise économique. Giscard d’Estaing et Raymond Barre font preuve d’une démagogie sociale plus soutenue que Chirac qui combat frontalement ses adversaires.
Cette majorité divisée tactiquement mais unifiée fondamentalement, a échoué dans ses efforts et plans successifs pour enrayer l’inflation, pour rétablir la balance du commerce extérieur dans les conditions d’avant la crise, pour réduire les conséquences de la décolonisation de l’empire français et régler au tarif le plus profitable les prix des matières premières importées, notamment le prix du pétrole.
Elle a recouru à l’excès à l’utilisation éhontée de la main d’oeuvre immigrée, a préparé un plan de reconversion de la production de l’électricité et de toutes les énergies en essayant de substituer progressivement l’énergie nucléaire à celle du pétrole, puis devant la montée du chômage, elle a odieusement tenté d’en rendre responsable l’immigration, essayant ainsi de diviser les travailleurs français et immigrés. Elle a décrété les mesures racistes et chauvines de Stoléru, prolongement et aggravation des dispositions déjà contenues dans les circulaires antérieures de Marcellin et Fontanet.
Sur le plan international, elle a suivi une politique caractéristique des pays du second monde, impérialismes en déclin qui sont sur la défensive vis-à-vis des deux super-puissances et se trouvent parfois contraints de négocier sur un pied d’égalité avec les pays du tiers-monde.
La politique africaine de Giscard d’Estaing ne peut dissimuler son caractère néo- colonialiste, même si elle entre en contradiction avec l’impérialisme américain et le social-impérialisme soviétique, et notre Parti la condamne sans la moindre ambiguïté.
Depuis 1972, les autres partis représentatifs d’intérêts bourgeois et capitalistes ont poursuivi, chacun pour lui, la stratégie de l’Union de la gauche qui s’était réalisée autour d’un programme commun de gouvernement.
Notre Parti a dénoncé cette alliance impulsée au départ par le parti révisionniste, comme de nature exclusivement électoraliste et comme ne portant en elle aucune perspective sérieuse de satisfaction des aspirations profondes de tous les travailleurs à des changements réels et durables. L’alliance électoraliste ainsi réalisée depuis plus de cinq ans a éclaté, mais chacun des partis qui l’avait contractée continue à se réclamer de la stratégie du programme commun, dont chacun donne des interprétations légèrement différentes.
Etudier la stratégie et la politique propres au Parti socialiste, n’a pour notre Parti, qu’un intérêt secondaire. A plusieurs reprises, nous avons déjà rappelé la nature de classe de ce Parti, en présentant son histoire politique passée. Les dirigeants socialistes sont les héritiers des politiciens de la IIe Internationale qui révisèrent et renièrent tous les enseignements et principes de Marx et Engels, contre lesquels Lénine mena l’inlassable combat théorique, politique, organisationnel, qui conduisit à la victoire de la Révolution d’Octobre 1917 et à la naissance de l’Internationale communiste en 1919.
Après la scission de Tours, que Léon Blum et les autres chefs sociaux-démocrates opposèrent à la majorité qui avait voté l’adhésion à la troisième Internationale, communistes et socialistes français s’affrontèrent fondamentalement pendant de nombreuses années. Mais à partir de 1934, en raison de la menace du fascisme hitlérien et de la poussée des ligues factieuses en France, le Parti communiste français entreprit de gagner les ouvriers socialistes et de passer alliance avec les chefs socialistes.
Nous n’allons pas étudier la longue période de plus de 40 années qui nous sépare de cette époque, nous n’en avons pas le temps ici, mais ce qu’il convient d’en retenir d’essentiel, c’est la succession continuelle de périodes d’unité et d’opposition qui marque les relations du Parti socialiste et du Parti communiste français. De 1936 à 1938, en 1939 et 1940, en 1947, en 1956, et enfin aujourd’hui, les chefs sociaux-démocrates ont toujours trahi leurs engagements envers le Parti communiste français. Ils ont même dirigé, pour le compte de la bourgeoisie, de violentes répressions anti-ouvrières, allant jusqu’à faire emprisonner et même assassiner de nombreux travailleurs et dirigeants communistes.
Comme l’a si bien expliqué Léon Blum, les chefs socialistes sont les gérants loyaux du capitalisme.
L’idéologie opportuniste de droite, puis le révisionnisme moderne qui ont submergé la direction du Parti communiste français l’ont conduit à ne tenir aucun compte des expériences passées. Les chefs révisionnistes ont cherché, à tout prix, à réaliser une nouvelle unité sans principe ( et quels principes auraient-ils mis en avant puisqu’ils ont renié le marxisme-léninisme ?) avec les chefs socialistes. Ils ont clamé victoire en 1972 lorsqu’ils sont enfin parvenus à la signature du Programme commun et à la constitution de l’Union de la gauche.
La rupture spectaculaire de cet accord électoraliste avant même les élections ne nous intéresserait pas en elle-même si elle n’était pour notre Parti l’occasion d’effectuer une fois encore une analyse approfondie de ce que représente maintenant le Parti communiste français, si elle ne révélait brutalement l’échec complet de la stratégie révisionniste.
LE PARTI « COMMUNISTE » FRANÇAIS
Le Parti que dirige aujourd’hui Georges Marchais n’a plus rien de commun avec le Parti qui s’édifia à travers mille difficultés avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale, qui participa à la résistance armée contre l’occupation nazie, et même qui conduisit de grandes luttes de classe dans la période de mai 1947 à novembre 1952. Nous allons examiner successivement sa transformation sociale et idéologique, ses reniements théoriques, sa ligne et sa stratégie politiques, son projet étatique, sa place dans le Mouvement révisionniste international.
La mutation rapide du contenu social du Parti « communiste » français s’est effectuée en une dizaine d’années. Elle se caractérise par une baisse sensible du pourcentage des ouvriers présents dans ses rangs et par une augmentation des représentants des classes moyennes. Dans un ouvrage publié fin 1976, l’historien révisionniste Elleinstein triture les chiffres pour essayer de dissimuler cette réalité, mais il est cependant contraint à quelques aveux. Considérant par exemple la situation de son Parti à Paris, il est obligé de reconnaître la validité des indications fournies par une étude de la Revue française de science politique, qui relève que le contenu social du PCF comporte 16% de professions libérales et cadres supérieurs, 25% de cadres moyens, 21% d’employés et seulement 16% d’ouvriers.
Elleinstein écrit alors : « Si nous comparons ces chiffres avec l’enquête de 1966, nous observons que le nombre d’ouvriers parait en diminution sensible… « , et il ajoute, pour éviter une conclusion trop grave: « … ce qui n’est pas forcément exact ». Or, en 1966, les pourcentages des catégories sociales des membres du Parti « communiste » français de Paris étaient les suivants: ouvriers 61,1 %, employés 18,57%, ingénieurs et intellectuels 9%.
L’auteur révisionniste, utilisant d’autres statistiques en France, réussit en fin de compte à faire la double démonstration qu’il désire: il établit que le PCF est encore un parti ayant une base ouvrière. Pour cela, il utilise la répartition sociale des délégués au XXIIe Congrès de son parti. Cela donne: 32,2% d’ouvriers et 3,5% de retraités issus de la classe ouvrière, soit 35,7% de délégués d’origine ouvrière.
Il note au passage que « Parti d’ouvriers et de salariés, le PC est également un grand Parti d’enseignants ». Il y en a en effet 16,3%, contre 4,85% en 1966. Il revient ensuite sur le cas de Paris et établit que 49% des délégués aux Conférences de section n’appartenaient pas à un milieu social ouvrier. Il y a dans ces 49%, 12% d’ingénieurs et techniciens et 13% de cadres administratifs supérieurs ou moyens et de professions libérales.
Voici donc une première constatation importante pour notre analyse.
Le Parti communiste français voit diminuer sensiblement sa base ouvrière et augmenter aussi sensiblement, quoique dans une proportion moins forte, son recrutement dans les classes moyennes. Toutefois, nous prendrions nos désirs pour des réalités si nous estimions qu’il n’est plus un parti conservant une influence importante dans la classe ouvrière. Il reste en effet la formation politique française qui compte encore dans ses rangs le plus grand nombre d’ouvriers.
Dans une autre manipulation des chiffres, une étude publiée de manière plus officielle que celle d’Ellenstein, dans le numéro 1 des Cahier du communisme de 1976, parvenait à prétendre qu’il y avait encore 60,9% d’ouvriers dans le PCF en 1974. Mais ces chiffres-là étaient véritablement trop beaux. pour correspondre à la réalité, et nous ne les avons pas retenus.
Une seconde constatation s’impose : les adhérents actuels du PCF lui ont accordé leur adhésion à raison de 61,29% d’entre eux. depuis 1968 et de 82,89% depuis 1958, c’est à dire postérieurement au XXe Congrès révisionniste khrouchtchévien. Il faudrait encore connaître avec précision le pourcentage correspondant aux deux. années 1956 et 1957, et l’on se rendrait compte qu’il n’y a sans doute pas beaucoup plus d’un adhérent sur 10 dans le PCF actuellement qui ait adhéré et milité à l’époque où il n’avait pas encore définitivement dégénéré sous le signe de la baguette révisionniste moderne.
Le Parti « communiste » français a donc bien connu une profonde transformation de son contenu social, depuis vingt ans, et plus particulièrement depuis une dizaine d’années. Les hommes et les femmes qui ont adhéré pendant la guerre pour prendre sous sa direction les armes contre les nazis ne représentent plus qu’un infime pourcentage de ses militants, bien que leur génération les place dans une même tranche d’âge allant actuellement de 54 à 75 ans approximativement.
Ce phénomène, qui n’a pu se produire sans qu’il soit délibéré et encouragé par les dirigeants en place, et notamment par le Secrétaire à l’organisation qui ne fut autre pendant des années que Georges Marchais en personne, a pour conséquence bien évidente la transformation complète de l’idéologie révolutionnaire des membres du PCF en idéologie caractéristique de la bourgeoisie.
Ne nous étendons pas sur ce sujet qui pourrait fournir de quoi parler longuement: les majorettes, tambour major en tête et uniformes chamarrés de style américain sont là pour nous avertir : le PCF est désormais placé dans la zone d’influence morale, culturelle et idéologique de la bourgeoisie.
Ses fêtes, organisées avec l’apport d’une publicité commerciale gigantesque, et la participation nullement gratuite des artistes les plus réactionnaires, voire fascisants comme Sardou, en sont aussi d’éclatants témoignages.
Les propos sexistes et les paroles grossières de certains de ses militants attaquant sur le marché d’Ivry nos camarades femmes en train de diffuser notre journal témoignent d’un mépris profond de la femme. Cette attitude n’a rien à voir avec l’idéologie de ceux qui veulent instaurer le socialisme et en définitive ne traduit rien d’autre qu’une mentalité individualiste et brutale, aussi bien vis-à-vis de tous les hommes que des femmes elles-mêmes.
Dernier exemple de cette idéologie, la construction et aujourd’hui l’utilisation faite par le PCF du Palais de verre de la place du colonel Fabien, dont le luxe et l’architecture prouvent combien ces gens se croient déjà définitivement installés au pouvoir, ou proches de l’être, et ne sont donc pas des révolutionnaires.
Les révisions, abandons et reniements théoriques du marxisme-léninisme se sont effectués suivant un long processus qu’il faudra bien étudier de manière approfondie un jour, et le plus tôt sera le mieux. Les racines de ce processus existaient déjà avant 1939 et se révélaient dans l’esprit opportuniste de droite et parlementaire impulsé par Maurice Thorez. L’attitude du Parti envers les peuples colonisés était aussi la marque d’une idéologie rompant avec le léninisme à la fois sur le plan théorique et dans la pratique.
Pendant la guerre et l’occupation nazie, le Parti dirigea des luttes héroïques et des dizaines de milliers de ses militants sont morts sous son drapeau. Mais si nous nous attachions à étudier la ligne suivie pendant toute cette période, nous découvririons que les dirigeants communistes ont délibérément placé toutes leurs forces à la remorque de la bourgeoisie. Ils n’ont pas contesté une seconde l’auto-institutionnalisation de la France-libre et de son Empire par De Gaulle à Brazzaville en octobre 1940.
Ensuite, avant même le déclenchement de l’agression hitlérienne contre l’Union soviétique, en mai 1941, dans une résolution célèbre du Comité central clandestin du PCF, ils ont annoncé leur actif soutien à toutes personnalités et tous généraux de la bourgeoisie qui engageaient la lutte contre l’occupant. La ligne de collaboration de classe avec la bourgeoisie n’a pas commencé en 1945, après la Libération, mais bien avant, au cours et à l’occasion de la guerre elle-même.
Dans la question du Front national, les dirigeants du Parti communiste français ont adopté une ligne opportuniste qui consistait d’emblée à délaisser l’objectif stratégique de tout parti communiste authentique concernant la révolution prolétarienne, même si se présente une étape préalable comportant la nécessité de réaliser d’abord une révolution de libération nationale.
Après la Libération, Thorez, de retour de Moscou, a pris une initiative dont on peut assurer qu’elle fut la première manifestation du révisionnisme moderne après les prises de position du dirigeant américain Earl Browder aux Etats-Unis en 1939. Il accorda en effet une déclaration au grand journal anglais « Times » qui la publia le 18 novembre 1946. Dans le corps de cette déclaration figurait le passage suivant :
« Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d’envisager pour la marche au socialisme d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes. De toute façon, le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès et de justice sociale ».
Par cette déclaration, le secrétaire général du Parti « communiste » français, s’appuyant sur le prétexte d’ailleurs jamais contesté par les marxistes-léninistes des conditions spécifiques nationales de chaque révolution prolétarienne, préparait insidieusement la voie à la révision et à la trahison des principes révolutionnaires universels établis par Marx, puis par Lénine sur la question du passage du capitalisme au socialisme. Il renonçait à la voie inéluctable de la violence révolutionnaire armée.
Les grandes étapes ultérieures de la pénétration du révisionnisme moderne dans le Parti communiste français peuvent être sommairement énumérées comme suit: de 1956 à 1960, l’approbation sans réserve des thèses développées par Khrouchtchev devant le XXe Congrès du Parti communiste d’Union soviétique.
En 1962, 1963 et au cours des années suivantes, le débordement des injures lancées contre le Parti communiste chinois et contre le Parti du travail d’Albanie, après avoir essayé de se faire le conciliateur auprès de ce dernier pour le réconcilier avec les révisionnistes khrouchtchéviens. En mars 1966, l’adoption du fameux Manifeste d’Argenteuil sur les problèmes idéologiques et culturels.
Ensuite, l’adoption en décembre 1968 du Manifeste de Champigny « Pour une démocratie avancée, pour une France socialiste ». Puis, le 27 juin 1972, la signature du « Programme commun de gouvernement du Parti communiste français et du Parti socialiste » qui va fonder toute la politique du PCF au cours des années suivantes et la fonde encore aujourd’hui en dépit de la rupture. Marchais déclare à son sujet: « Nous n’avons pas de stratégie de rechange ».
Tout ce processus constituait la révision, l’abandon et la violation des principes révolutionnaires du marxisme-léninisme, mais il lui restait encore à en tirer officiellement les conséquences théoriques. Cette tâche fut assumée par le XXIIe Congrès réuni en février 1976. Dans ce Congrès, les dirigeants du Parti révisionniste firent approuver le rejet officiel du principe marxiste-léniniste de la dictature du prolétariat et préparèrent les conditions du rejet de tous les autres principes marxistes-léninistes dont se réclamait encore en paroles leur Parti.
A plusieurs reprises, depuis lors, Marchais déclara de manière fanfaronne: « Nous irons encore beaucoup plus loin », et, de fait, dans deux numéros successifs de l’hebdomadaire central du PCF, France nouvelle, les 5 et 12 décembre 1977, Jean Kanapa a publiquement révisé et abandonné le contenu de classe du principe de l’internationalisme prolétarien, en annonçant qu’il importait de le remplacer par le principe de la solidarité internationaliste, car le premier aurait signifié la soumission inconditionnelle au Parti et à l’Etat d’Union soviétique, ce qui est totalement faux.
Enfin, on parle actuellement dans les rangs du parti révisionniste de rejeter le principe du centralisme démocratique. Il est vrai que le juste fonctionnement prolétarien de ce principe mis au point par Lénine est violé depuis longtemps par les dirigeants du parti révisionniste qui l’avaient remplacé par un autoritarisme bureaucratique.
Mais, que devient donc aujourd’hui la ligne politique du Parti « communiste » français dans les conditions concrètes de toutes ces violations des principes du marxisme-léninisme ?
La stratégie et la ligne politique du parti révisionniste français se réduit ni plus ni moins à la stratégie et à la ligne d’un parti bourgeois, qui aspire à conquérir le parlement, le gouvernement et l’Etat pour assurer lui-même la direction et la gestion du système capitaliste.
A cet égard, la conception qu’avancent Marchais et ses acolytes au sujet du programme commun de gouvernement est tout à fait claire. Pour eux, il s’agit de parvenir, par la voie électorale qui n’exclut pas le développement de manifestations populaire, à entrer dans le gouvernement.
La rupture avec les socialistes traduit la volonté forcenée des révisionnistes d’utiliser l’infiltration dans les organismes dirigeants aussi bien des grandes sociétés nationales ou nationalisables, que dans les autres rouages des Ministères, des administrations, en définitive des organes de l’Etat, pour préparer leur domination hégémonique du pouvoir et de la société française. S’agit-il d’une tactique pour passer au socialisme ?
En aucune manière puisqu’il ne serait qu’un capitalisme monopoliste d’Etat dont ils assureraient la direction et l’administration bureaucratique. Marchais n’a pas manqué d’être très explicite à ce sujet quand il a tenté de rassurer les ingénieurs, cadres et techniciens en leur promettant qu’ils conserveraient toutes leurs places dans la nouvelle organisation des entreprises et de l’Etat.
Naturellement, ce qu’il ne leur a pas dit, c’est qu’ils se trouveraient alors sous la férule de ministres et de PDG membres du parti révisionniste.
En fait, le Parti révisionniste représente les intérêts non point de la bourgeoisie capitaliste monopoliste ancienne et encore en place, mais ceux d’une nouvelle bourgeoisie révisionniste susceptible de fournir l’encadrement bureaucratique du capitalisme monopoliste d’Etat porté à son point de concentration le plus achevé, exactement comme en Union soviétique. Cette nouvelle bourgeoisie révisionniste s’est formée à partir d’éléments de l’aristocratie ouvrière et de la vieille bourgeoisie infiltrée dans le parti.
Pour mettre en oeuvre sa stratégie, le parti révisionniste croyait pouvoir utiliser le parti socialiste en le dominant. Mais en ce domaine, il a complètement échoué. En remettant en selle les politiciens sociaux-démocrates et en leur assurant un soutien qui a rétabli leur prestige effondré, Marchais et les dirigeants révisionnistes ont un peu joué aux apprentis sorciers.
Ils se sont trouvés rapidement dépassés et, contrairement à ce qu’ils avaient espéré, le parti de Mitterrand, Deferre, Maurois et Rocard a débordé l’influence électorale du Parti communiste français, ce qui ne s’était jamais produit depuis 1945.
Du coup, le PCF n’est plus maître du jeu et se trouve contraint non seulement à un partage du pouvoir dont il espérait ne pas avoir à endosser les conséquences, et à accepter que ce pouvoir soit sous direction socialiste. Le plan stratégique des révisionnistes débouche sur un échec retentissant.
C’est là ce qui explique en majeure partie la nouvelle tactique du PCF, qui préfère rompre avec ses partenaires et alliés s’il ne détient pas la première place, c’est à dire la place dirigeante dans l’Union de la gauche et dans le gouvernement chargé de mettre en application le programme commun.
A ce sujet, la question a été posée, essentiellement par les adversaires des révisionnistes que sont les partis bourgeois représentant les intérêts de classe de la bourgeoisie monopoliste ancienne et encore au pouvoir : le PCF a-t-il agi en obéissant à des injonctions venues du Parti communiste d’Union soviétique ?
Il n’y a pas si longtemps, à l’époque de notre IIe Congrès, nous aurions répondu par l’affirmative sans nulle hésitation. Pour nous, le PCF n’était autre que la cinquième colonne du social-impérialisme soviétique.
Les événements, les faits, les réalités, nous ont amenés à corriger cette affirmation totalement unilatérale et subjectiviste. Depuis déjà plusieurs années, le Président Mao avait indiqué que les partis révisionnistes occidentaux n’étaient pas des cinquièmes colonnes du Parti et de l’Etat soviétiques. (…)
En fait, Mao Tsetoung prévoyait fort bien le phénomène que l’on désigne aujourd’hui couramment sous le nom d’euro-communisme, que nous nommons nous-mêmes euro-révisionnisme. Il s’agit encore d’un phénomène dont l’analyse est assez délicate. Il importe en effet d’effectuer à son sujet une analyse profonde de la portée historique de la dégénérescence des partis communistes d’Europe occidentale placés sous la domination de l’idéologie révisionniste moderne.
De nombreux camarades sont pressés que nous fournissions des réponses claires et catégoriques à ce sujet. Ils ne comprennent pas qu’il est extrêmement délicat d’avoir une connaissance définitive d’un phénomène avant même qu’il ne soit parvenu à la fin de son processus de développement, à son dénouement. Dire que maintenant le PCF est irréversiblement un Parti révisionniste et bourgeois, voilà qui est aisé et sans risque d’erreur. Indiquer de façon assurée s’il va continuer un processus l’éloignant ou le rapprochant du Parti révisionniste soviétique, centre mondial du révisionnisme moderne, voilà qui est plus difficile à l’heure actuelle.
Un fait est certain: les partis révisionnistes d’Europe occidentale agissent de manière de plus en plus indépendante par rapport au parti révisionniste d’Union soviétique.
Mais cette indépendance s’affirme pour le moment essentiellement dans la détermination de leurs lignes politiques à l’intérieur des pays respectifs où ils interviennent.
A l’exception du parti révisionniste espagnol, les partis euro-révisionnistes n’en définissent pas moins une ligne internationale qui soutient concrètement et activement celle du Parti révisionniste d’Union soviétique. En ce qui concerne le Parti révisionniste français, c’est là un fait indéniable et ses prises de position condamnant la brutalité de la répression en Union soviétique, après avoir aussi stigmatisé l’intervention militaire et l’occupation de la Tchécoslovaquie ont moins de portée internationale en définitive que le soutien aux agissements des dirigeants soviétiques pour semer les illusions de la détente à travers différentes conférences réunies à Helsinki ou Belgrade.
D’ailleurs, le PCF a rigoureusement les mêmes positions que l’URSS au sujet de tous les conflits et événements qui surviennent dans les pays du tiers-monde, notamment en Afrique et dans le Proche-Orient à l’heure actuelle. Lors des événements du Chili, d’Angola, du Zaïre, du Liban, la politique suivie par les deux partis a été la même.
Mais le point le plus important qui permette de souligner la convergence des lignes internationales des révisionnistes français et soviétiques, concerne leur attitude vis-à-vis du Parti communiste chinois et de la République populaire de Chine.
A cet égard, il suffit de lire l’article publié par les « Cahiers du communisme » de novembre 1977 sur le XIe Congrès du Parti communiste chinois, ou encore le passage consacré à ce dernier dans l’article de Kanapa sur le Mouvement communiste international publié dans « France nouvelle », le 12 décembre 1977, pour constater l’identité ou la proximité des appréciations et positions des deux partis révisionnistes.
Naturellement, nous ne devons pas ignorer que d’autres aspects paraissent intervenir en sens inverse, notamment au sujet des relations entre partis révisionnistes au sein de leur communauté internationale. Aussi l’opposition ou les réticences du Parti révisionniste français à participer à de nouvelles conférences internationales ne sont nullement ambiguës. Ses protestations contre les ingérences soviétiques dans la vie interne des partis euro-révisionnistes sont aussi très nettes.
Que signifient ces faits, contradictoires pour les uns, convergents pour les autres ? Il est délicat d’en fournir une explication définitive.
Mais nous pensons que le parti révisionniste français est aujourd’hui traversé par des courants divergents de plus en plus opposés. Par exemple, il est assuré que subsiste dans ses rangs un courant favorable à une politique entièrement subordonnée aux intérêts de l’Union soviétique.
Le journal du groupe « Le Communiste » s’en fait ouvertement le porte-parole et, même si leurs âges assez avancés autorisent à penser que certains dirigeants comme Jeannette Thorez-Vermersch n’ont plus d’activités militantes soutenues, il reste certain qu’ils interviennent pour soutenir à fond les révisionnistes sociaux-impérialistes et sociaux-fascistes.
Mais ce courant, ces militants ne sont pas vraiment en mesure de faire triompher leur ligne. A l’opposé, un ou plusieurs autres courants se développent, que nous pourrions caractériser comme se rattachant à un révisionnisme « national », exigeant sa totale indépendance par rapport au parti soviétique.
Ce ou ces courants ne peuvent pas non plus, pour le moment imposer l’intégralité de leur projet politique. De plus, il ne faut pas oublier que le Parti révisionniste soviétique n’hésite pas quand il le juge indispensable, à recourir à la création de nouveaux partis pro-soviétiques s’opposant aux partis euro-révisionnistes ou qualifiés d’opportunistes de droite. C’est là ce qui s’est passé pour l’Espagne, en Grande-Bretagne, en Grèce, ainsi que dans des pays nordiques.
Notre Parti a pour tâche de suivre avec le maximum d’attention et de vigilance l’évolution en cours du Parti révisionniste français, dans la mesure où il continue à exercer une influence néfaste non négligeable sur la classe ouvrière et les masses populaires de notre pays.
Il se pourrait d’ailleurs que sa rupture avec le Parti socialiste, si elle se poursuit à l’occasion du second tour des élections législatives, renforce cette influence dans la classe ouvrière, tout en réduisant la clientèle électoraliste des dirigeants révisionnistes dans les couches moyennes.
Quelle attitude notre Parti doit-il adopter vis-à- vis du Parti « communiste » français ? Notre Parti a pour tâche fondamentale de dénoncer systématiquement les reniements et trahisons du révisionnisme moderne. Il doit attaquer prioritairement le centre mondial de cette idéologie qui s’est transformé en bastion social-impérialiste et social-fasciste, ennemi commun, avec l’impérialisme américain, de tous les peuples du monde, et danger principal à l’heure actuelle pour le déclenchement d’une guerre mondiale.
Mais en France même, notre Parti a également pour tâche de dénoncer systématiquement la politique, l’idéologie et la stratégie des dirigeants du Parti communiste français, tant sur le plan intérieur que sur le plan international.
Cependant, notre Parti commettrait une grave erreur à la fois idéologique et tactique s’il n’effectuait pas une distinction claire et précise entre les dirigeants révisionnistes modernes français d’une part et les militants de base et sympathisants d’autre part.
Comment pourrions-nous penser un seul instant dans les conditions actuelles en effet que ces derniers, y compris les millions d’électeurs et électrices qui ont l’habitude d’accorder leur confiance au Parti « communiste » français, ne soient pas plongés dans un trouble profond par la rupture de l’Union de la gauche ?
Tous ces gens croyaient déjà détenir la clef des changements avec la perspective d’un changement de majorité et donc de gouvernement. Ils ne doutaient pas une seconde de la victoire et voyaient déjà les dirigeants de leur Parti ou les députés pour lesquels ils allaient voter, devenir Ministres, et, qui sait, peut-être même Georges Marchais devenir Président ou vice-président du gouvernement.
L’électoralisme conjugué avec le révisionnisme moderne a provoqué les plus dangereuses illusions dans la classe ouvrière de France et parmi les masses populaires sur la possibilité d’un passage pacifique du capitalisme au socialisme.
Nous devons en parler avec gravité, camarades, car c’est ce genre de rêves, c’est cette drogue qui ont paralysé pendant des années et des années les travailleurs de notre pays, qui ont affaibli leur esprit révolutionnaire pourtant conforme aux traditions historiques de notre prolétariat et de notre peuple.
Nous devons en parler avec gravité, oui, car l’expérience historique d’une telle démobilisation par les dirigeants révisionnistes, c’est le Chili et les dizaines de milliers d’ouvriers et paysans assassinés par cette armée que Luis Corvalan, le Marchais chilien, vantait si ardemment pour ses qualités démocratiques.
La période qui s’ouvre sera fertile en événements politiques, elle est une période d’instabilité politique de la France dominée par la crise générale du capitalisme ici et dans le monde. Les dirigeants du PCF proclament qu’ils n’ont pas de stratégie de rechange. Notre Parti offre à la classe ouvrière et aux masses populaires une stratégie fondée sur les principes révolutionnaires éprouvés du marxisme, du léninisme et de la pensée maotsetoung.
……. Notre Parti présente des candidats dans un certain nombre de circonscriptions et mène la bataille dans les conditions que vous savez, dans les circonscriptions où il ne présente pas de candidats. Mais nous n’allons pas nous arrêter longuement sur cette question dans un Congrès qui doit fixer notre ligne idéologique et politique pour une période beaucoup plus longue que les deux mois à venir.
Tout en participant à cette bataille électorale législative, notre Parti sait très bien et doit dire partout qu’elle ne règlera rien en elle-même, quel qu’en soit le résultat. Les changements profonds auxquels aspirent légitimement tous les ouvriers, les petits paysans et les masses populaires ne sortiront pas des urnes.
Le seul et unique résultat que notre Parti attend des urnes, c’est le renforcement de ses liens de masse avec tous les travailleurs des villes et des campagnes, c’est l’amélioration de son édification, c’est un premier recul de l’influence des dirigeants révisionnistes sur la classe ouvrière. Là et là seulement, réside le sens de notre participation à ces élections, que nous ne tenons ni pour une fin ni même pour un commencement, mais seulement comme un moment plus favorable à l’élévation des capacités d’intervention de notre Parti dans la bataille fondamentale qui oppose en France le prolétariat et ses alliés à la bourgeoisie capitaliste sous ses différents visages.
LA LIGNE IDEOLOGIQUE ET POLITIQUE FONDAMENTALE DE NOTRE PARTI
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En fait, toutes les thèses qui ont été discutées et qui vont sortir de nos assises enrichies par les critiques, les suggestions, les amendements intervenus dans le cadre du centralisme démocratique, se rapportent à trois questions essentielles :
1) La lutte contre la bourgeoisie capitaliste impérialiste, colonialiste et néo-colonialiste
2) La lutte contre les entreprises hégémoniques des deux super-puissances, l’impérialisme américain et le social-impérialisme soviétique, et notamment contre ce dernier considéré comme danger principal en Europe et dans le monde à l’heure actuelle
3) L’édification du Parti
I- La lutte contre la bourgeoisie capitaliste de notre pays doit se concentrer avant tout dans ce mot d’ordre qui effraie tant les dirigeants révisionnistes :
Classe contre classe. Notre IIIe Congrès doit décider de faire de ce juste mot d’ordre le mot d’ordre principal de notre Parti dans son combat contre les représentants de l’ennemi de classe fondamental de la classe ouvrière et de ses alliés.
« Classe contre classe », que nous avons repris depuis 1971, comme juste conséquence politique de la Conférence nationale d’édification prolétarienne du 12 juin 1971, est un mot d’ordre stratégique et tactique. La Conférence nationale ouvrière d’août 1976 n’a pas accordé à ce mot d’ordre une attention suffisante parce qu’elle était surtout préoccupée de rejeter les erreurs du IIe Congrès avant de commencer l’élaboration de la ligne que doit réaliser notre IIIe Congrès.
Du point de vue stratégique, « classe contre classe » correspond fondamentalement à la nature de la révolution que nous préparons, dont le contenu de classe sera prolétarien. Il souligne que la force dirigeante et la force principale de cette révolution n’est autre que la classe ouvrière en tant que classe.
Il laisse aussi au Parti de la classe ouvrière la possibilité de passer des alliances de classe pour mener les luttes révolutionnaires sous sa propre direction, avec les couches de la paysannerie et de la petite-bourgeoisie qui ont intérêt à la destruction du système capitaliste. On peut parler dans ce cas de la réalisation d’un Front uni contre le capitalisme et contre le révisionnisme.
Il implique aussi que notre Parti soit un Parti authentiquement prolétarien, dirigé par des ouvriers authentiques et par des éléments qui se placent sur les positions idéologiques et politiques de la classe ouvrière.
Du point de vue tactique, « classe contre classe » vise à la reconstitution indispensable de l’unité de combat de la classe ouvrière, sur la base de son idéologie de classe. En ce sens, il s’oppose directement à la ligne idéologique et politique du Parti révisionniste qui divise les travailleurs, freine leurs luttes de classe ou les dévie, préconise la collaboration de classes avec la bourgeoisie.
On comprend pourquoi dans l’article déjà cité du journal « France nouvelle », Kanapa s’en est pris à ce mot d’ordre en essayant de le discréditer par la qualification stupide de « mot d’ordre stalinien ». Pourquoi donc ce membre du Bureau politique du Parti révisionniste est-il intervenu contre « classe contre classe » ? Est-ce là une attaque tombée du ciel ?
En aucune façon, c’est tout simplement une contre-attaque, une riposte au succès de notre Rassemblement national du 6 novembre dernier, où le mot d’ordre en cause a été compris et acclamé par plusieurs milliers de personnes, en majorité par des travailleurs.
Car la stratégie de ce mot d’ordre est la seule possible pour la classe ouvrière de notre pays, c’est la seule stratégie qui puisse conduire, par une voie révolutionnaire, à de réels changements en faveur des intérêts de classe des travailleurs dans l’immédiat, à la réalisation victorieuse de la révolution prolétarienne ensuite.
C’est aussi un mot d’ordre dont le contenu n’écarte aucun travailleur, tout au contraire, et peut unir dans les luttes de classe les travailleurs immigrés avec leurs camarades français.
Enfin, sur la base même de « classe contre classe », notre Parti peut efficacement impulser « l’unité à la base et dans l’action », ainsi que rendre de plus en plus populaire l’idée du « Tous ensemble et en même temps ».
A ce sujet, que l’on ne vienne pas nous faire proclamer ce que nous ne disons pas. Nous ne sommes pas des adeptes de l’anarcho-syndicalisme et nous ne pensons pas que seul un puissant mouvement de grèves, même d’ampleur généralisée, peut conduire à la destruction du système capitaliste. Nous pensons qu’un tel mouvement, et la répétition de mouvements de cette ampleur, peut contribuer efficacement à préparer la voie de la victoire de la Révolution prolétarienne, mais ne peut suffire pour l’assurer.
En effet, la révolution prolétarienne ne vaincra qu’au bout du fusil.
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La lutte « classe contre classe » exigera d’être conduite jusqu’au bout sous toutes les formes possibles et dans tous les domaines. Ce mot d’ordre central de notre Parti est un mot d’ordre fondamentalement révolutionnaire prolétarien.
II- La lutte contre les entreprises hégémoniques des deux super-puissances est une nécessité historique actuelle. Elle correspond au rapport dialectique qui existe entre la guerre et la révolution.
Cette question a soulevé beaucoup de discussions et parfois d’incompréhensions dans nos rangs. Des camarades voulaient absolument qu’on choisisse entre les deux cibles du capital monopoliste et des deux super-puissances une cible principale et centrale.
Certains, tordant à 180° le bâton des erreurs du IIe Congrès, préconisaient que la lutte de notre Parti soit considérée comme principale et prioritaire contre la bourgeoisie, et seulement secondaire contre les deux super-puissances. Ils adoptaient la position exactement inverse des défenseurs de la ligne bourgeoise du IIe Congrès, mais faisaient preuve d’une tendance tout aussi erronée à ne voir qu’un seul aspect de la situation, à n’en fournir qu’une analyse unilatérale.
A cet égard, il convient de souligner que le rapport entre guerre et révolution tel qu’il a été conçu par le Président Mao constitue la base d’une stratégie internationale et non point locale. Quand, en 1969, Mao Tsetoung déclare: « Ou bien la guerre engendre la révolution ou bien la révolution conjure la guerre », il n’envisage pas une guerre locale ou régionale, mais la guerre mondiale; il n’envisage pas une révolution limitée à un seul pays mais il évoque la révolution mondiale.
Cette indication qui fut suivie de l’appel aux peuples du monde en 1970 pour écraser les agresseurs américains en Indochine, est restée valable par la suite et Chou En laï l’a reprise quand il a formulé devant la 4ème session de l’Assemblée populaire chinoise que « les facteurs de guerre et les facteurs de révolution augmentaient en même temps ».
Enfin, la théorie des trois mondes a apporté le fondement théorique complet de cette analyse.
Elle implique que nous luttions pour la révolution et contre la guerre en même temps. Or, lutter pour la révolution dans notre pays, c’est à la fois lutter contre la bourgeoisie, c’est mener la lutte « classe contre classe » jusqu’au bout et lutter contre les entreprises des deux super-puissances qui préparent la guerre mondiale et se disputent dores et déjà la domination de l’Europe. Ces deux luttes sont indissociables et finalement se rejoignent en se soutenant mutuellement.
De ce point de vue, notre Parti doit porter à un niveau beaucoup plus élevé son activité pour la dénonciation des agissements des deux super-puissances et plus particulièrement du social-impérialisme soviétique. Il doit faire davantage pour préparer la classe ouvrière et les masses populaires à la défense de la paix en même temps qu’en prévision de la guerre.
A ce sujet nos camarades doivent accorder une grande importance à un passage d’une déclaration commune que notre Parti a faite avec le Parti marxiste-léniniste des Pays-Bas : « …les deux partis conçoivent la défense de l’indépendance nationale, dans les pays du second monde, comme devant nécessairement être placée sous la direction du prolétariat et de son parti et comme faisant partie intégrante de la révolution prolétarienne ».
Cette proclamation est une application vivante de la théorie des trois mondes aux conditions spécifiques de notre pays dominé par une bourgeoisie capitaliste monopoliste, en qui nous ne pouvons nullement placer notre confiance, c’est à dire la confiance du prolétariat, pour conduire jusqu’à sa victoire la résistance de notre peuple aux agressions des deux ou de l’une des deux super- puissances.
Cette considération et cette méfiance n’excluent pas que notre Parti puisse considérer, temporairement et ponctuellement, dans des circonstances données, que la bourgeoisie française du second monde puisse agir dans le sens de la résistance aux super-puissances, elle signifie seulement que nous ne lui accordons pas notre confiance pour mener cette résistance jusqu’à sa victoire, et de fait elle établit le lien dialectique indissociable qui lie la résistance, c’est à dire la guerre à la révolution prolétarienne.
Pour mener à bien la réalisation de notre double tâche centrale, la lutte contre la bourgeoisie capitaliste française et contre les deux super-puissances, la lutte pour la révolution prolétarienne et contre la guerre impérialiste, nous avons pour tâche impérieuse et décisive d’assurer l’édification de notre Parti.
C’est sur cette question combien capitale que nous achèverons ce rapport politique (…).
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Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe