La soumission du PCF aux radicaux et le 14 juillet 1935

Depuis le 9 février 1934, le Parti communiste (SFIC) pousse à un activisme en effervescence. Si les comptes n’y sont pas toujours et si c’est la région parisienne qui est la seule à être réellement agitée, il y a un engouement pour la démarche chez les socialistes.

Le 19 mai 1935, 200 000 travailleurs se rassemblent au mur des Fédérés pour célébrer la Commune de Paris de 1871 ; le 2 juin 1935, 60 000 personnes se rendent à la fête de L’Humanité à la Courneuve en banlieue parisienne.

Le 9 juin 1935, 30 000 travailleurs sont réunis au stade de Colombes dans le cadre d’une initiative pour l’enfance ouvrière.

Parallèlement à cela, les syndicats CGT et CGTU s’unissent à la base, même si leurs directions n’ont pas encore conclu d’accord d’unité. Les syndicats uniques sont 532 au 1er janvier 1935, 632 à la mi-avril.

Et en juin 1935, le congrès du Parti socialiste (SFIO) est amené à approuver la ligne de conduite ; le rapport moral est effectivement approuvé par 2698 mandats contre 441.

Forcément, Léon Blum constata la chose : le Parti communiste (SFIC) veut à tout prix que les radicaux soient de la partie, c’est même lui qui a pris l’initiative à ce sujet. Le Parti communiste (SFIC) veut que les radicaux assument le gouvernement, et c’est paradoxal, car le Parti communiste (SFIC) ne veut pas participer au gouvernement. Mais c’est en fait très bien, car ce faisant, le Parti communiste (SFIC) aide le Parti socialiste (SFIO) à être en mesure de former un gouvernement avec les radicaux.

Léon Blum parvient ainsi à mettre en perspective une participation gouvernementale, ce qui isole la gauche du Parti socialiste (SFIO). Deux motions s’affrontent au sujet de « la lutte pour la prise du pouvoir et contre la crise », et la motion de la Fédération du Nord bat largement, avec 2025 mandats, la motion de la Bataille socialiste, qui reçoit 777 voix.

La Bataille socialiste, Jean Zyromski en tête, appelait à refuser une participation gouvernementale avec des partis bourgeois et à aller dans le sens de militariser le Parti pour aller dans le sens de la prise du pouvoir.

C’est la défaite de l’aile gauche du Parti socialiste (SFIO), et elle ne s’en remettra pas. Il y a ici un moment raté pour cette aile gauche et le Parti communiste (SFIC) ; du moment qu’on allait dans le sens de placer les radicaux au centre du jeu politique, la fenêtre de tir se refermait.

À partir de juin 1935, et jusqu’à la victoire électorale du front populaire en 1936, on tend de plus en plus au soutien à la République, au refus de la guerre civile – à rebours de la proposition révolutionnaire de renversement du régime.

En témoigne cet appel socialiste-communiste du 19 juin 1935 :

« CONTRE LES FOMENTATEURS DE GUERRE CIVILE

Le colonel comte de La Rocque, mettant à profit la tolérance et la complicité gouvernementales, prépare la guerre civile contre les masses laborieuses de notre pays.

Une aviation des Croix de feu est constituée, des autos, des motos et des armes modernes de toutes sortes sont entre les mains des hommes du 6 février.

Le Parti socialiste et le Parti communiste, qui depuis de longs mois luttent en commun pour le désarmement et la dissolution des ligues fascistes, ont décidé de demander au gouvernement et à la Chambre des députés la confiscation immédiate des armes modernes dont disposent les bandes fascistes.

Le Comité de Coordination du Parti socialiste et du Parti communiste fait appel à tous ceux qui veulent s’associer à cette action contre le fascisme. Il recommande aux sections socialistes, aux rayons et cellules communistes, d’organiser des protestations auprès des préfectures, des sous-préfectures, des parlementaires et des municipalités contre les armements des bandes fascistes.

L’UNITÉ D’ACTION BARRERA LA ROUTE AU FASCISME

LE PARTI COMMUNISTE, LE PARTI SOCIALISTE »

L’appel à « des protestations auprès des préfectures, des sous-préfectures, des parlementaires et des municipalités contre les armements des bandes fascistes » est très clairement une soumission aux radicaux et au régime « républicain ».

À partir de là, tout va se dérouler en ce sens. Tout d’abord, il y a au parlement la volonté de débattre sur le « Rapport général fait au nom de la Commission d’enquête chargée de rechercher les causes et les origines des évènements du 6 février 1934 » réalisé par le radical Marc Rucart.

Néanmoins, le gouvernement s’y oppose, ce qui amène les radicaux à basculer ouvertement.

En juin 1935 s’opère alors ouvertement une unité entre le Parti radical, la Ligue des Droits de l’Homme, la CGT et la CGTU ; un grand meeting est réalisé à la Mutualité le 4 juillet.

Une Association Internationale des Écrivains pour la défense de la culture est fondée à la suite d’un congrès international d’écrivains ; plusieurs milliers de personnes manifestent dans des petites villes dans toute la France, alors que le 14 juillet est choisi comme date pour l’expression unitaire du Front populaire se mettant en place.

Les Croix-de-Feu, une force énorme numériquement, tenta de s’y opposer, mais en raison des remous internes, seulement 17 000 Croix-de-feu se réunirent place de l’Étoile à Paris le 14 juillet.

Pour le Front populaire, c’est par contre un triomphe : 500 000 personnes manifestent à Paris, 100 000 à Marseille, 60 000 à Toulouse, 30 000 à Nîmes, à Bordeaux et à Saint-Étienne, 25 000 à Lyon, 20 000 à Toulon et à Lorient, 15 000 à Rouen, à Tours, au Havre, à Brive-la-Gaillarde, à Oran et à Périgueux, 12 000 à Clermont-Ferrand, 10 000 à Sète et à Carcassonne, 8 000 à Nice, à Bergerac, à Tarbes et à Cherbourg, 6 000 à Montauban, à Avignon, à La Rochelle, à Dijon, à Auxerre et à Castres, 5 000 à Amiens, à Belfort, à Boulogne-sur-Mer, à Bourges, à Brest et à Châteaulin (sur le canal de Nantes à Brest), 4 000 à Nouzonville, 3 000 à Carmaux, à Vienne, à Orange, à Pau, à Reims, à Châlons-sur-Marne… avec également la veille 50 000 à Lille, 20 000 à Toulouse, 5 000 à Arras.

Pour le 14 juillet, 800 000 bonnets phrygiens sont ainsi fabriqués : c’est même le seul symbole officiel, avec le drapeau français. Les drapeaux rouges sont en effet… interdits par le Comité d’organisation. Le service d’ordre est quant à lui muni d’un brassard rouge marqué d’une bande bleue.

C’est une soumission complète aux radicaux et une capitulation en rase campagne pour le Parti communiste (SFIC), qui va commencer alors à « assimiler » le drapeau rouge et le drapeau français afin de masquer la réalité.

=>Retour au dossier sur Le Parti communiste (SFIC)
et la construction du Front populaire en 1934-1935