La position de François de La Rocque devint de plus en plus antagonique avec l’extrême-droite traditionnelle qui, fin 1937, met en place le plan d’un coup d’État. Le gouvernement devait avoir à sa tête le maréchal Louis Franchet d’Esperey, le maréchal Maxime Weygand ayant refusé, le maréchal Philippe Pétain ayant « réservé son avenir » même si son chef de cabinet, le commandant Loustanau-Lacau, assurait la liaison entre les putschistes.
Philippe Pétain considérait que le Front populaire s’effondrerait de lui-même et qu’il pourrait alors prendre les commandes des institutions.
François de La Rocque, comme en 1934, refusa de participer en mettant ses troupes à la disposition du coup d’État. Ce qu’il refusait, c’était l’unité au sein d’un « comité national » d’un « front de la liberté » où il serait mis sur un pied d’égalité avec ses concurrents, notamment le Parti Populaire Français de Jacques Doriot, et l’Action française de Charles Maurras.
Mais ce qu’il refusait surtout, c’est l’orientation de ce coup d’État, lié à toute une série de banques (Worms, Pucheu, Baudouin, Bouthillier, Barnaud) favorables à une alliance avec l’Angleterre.
Il fut alors accusé de toucher des fonds secrets, ce à quoi François de La Rocque répondit en mettant en avant sa probité par l’intermédiaire d’un message de Philippe Pétain affirmant notamment que « les citations de François de La Rocque à l’Ordre de l’Armée sont une réponse suffisante et décisive ».
Le message est lu par Jean Ybarnegarray lors d’un meeting au vélodrome d’hiver. Et Maxime Weygand refuse de son côté d’incriminer François de La Rocque. Mais les conjurés font pression sur Philippe Pétain qui déclare alors subitement ne pas connaître François de La Rocque. Ce dernier répond à cela en rendant public une photo dédicacée de Philippe Pétain le saluant chaleureusement.
C’est un avatar de la lutte de lignes à l’extrême-droite, le P.S.F. se posant en alternative au sein de la République, forme refusée par les autres formations. Voici comment, en janvier 1938, le P.S.F. exprime sa stratégie, dans une déclaration :
« Le Groupe Parlementaire et le Bureau Politique du PARTI SOCIAL FRANÇAIS, réunis hier après-Midi sous la présidence du lieutenant-colonel de François de La Rocque, ont procédé à un échange de vues sur la situation.
Ils ont été unanimes à constater :
1) qu’il est impossible de rétablir l’économie, les finances du pays et de défendre la monnaie nationale par des procédés de dictature étatiste, dans une atmosphère de lutte civique et sous la menace perpétuelle de violations ‘des droits du travail et de la propriété.
2) que nulle formation gouvernementale ne sera viable, que nulle majorité ne sera cohérente si on prétend y associer les tendances antagonistes du patriotisme républicain et du marxisme aux ordres de Moscou.
3) que la paix intérieure doit être énergiquement protégée contre la perpétuelle conspiration communiste et la propagande révolutionnaire, de même que contre toutes les campagnes terroristes et alarmistes d’où qu’elles viennent.
4) que la politique extérieure de la France, étayée sur l’ordre intérieur, doit assurer souverainement la sécurité de nos frontières, le maintien de nos alliances et de nos amitiés ainsi que l’indépendance d’une diplomatie vigilante et sage.
5) qu’un terme doit être mis à la dangereuse agitation développée à travers les territoires d’Outre-mer, non point par des réformes politiques improvisées mais par des réformes sociales et économiques appropriées à chacune de nos possessions lointaines.
6) que les améliorations sociales obtenues par le monde agricole et ouvrier ne sauraient être mises en cause mais doivent, au contraire, être aménagées, développées, et que les études preparatoires à l’élaboration d’une charte du travail doivent être entreprises d’urgence par les représentants qualifiés, des intérêts professionnels et régionaux, en dehors de toute spécialisation de classe ou d’appartenance politique.
7) que l’alliance contre nature dénommée « Rassemblement populaire » [c’est-à-dire le Front populaire], ayant fait ses preuves de nocivité, ne répond plus à la volonté de la Nation, et que le suffrage universel doit donc être appelé, dans le plus bref délai, à une nouvelle consultation.
Exhortant, au nom de la masse immense du P. S. F. le pays tout entier au calme, à la maîtrise de soi, à la vigilance patriotique et républicaine, le Groupe Parlementaire et le Bureau Politique ont décidé de suivre l’évolution des événements en liaison permanente avec le Comité Exécutif et le Président du Parti. »
C’était là exprimer une véritable orientation stratégique au capitalisme français. Le problème fut que la défaite française empêcha le capitalisme français de pouvoir suivre une ligne autonome de ce type, alors qu’en même temps elle donnait des ailes à l’extrême-droite traditionnelle profitant de la situation et considérant que le coup d’Etat avait été réalisé par un heureux coup du sort.
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