La systématisation inégale des démocraties populaires

Les succès bulgare et tchécoslovaque renforcèrent bien entendu les Fronts des autres pays, indiquant la tendance à suivre. Les communistes et les socialistes fusionnent ainsi en février 1948 en Roumanie, pays devenant une démocratie populaire en avril de la même année.

La Hongrie devient une démocratie populaire en août 1949, l’Allemagne orientale en octobre 1949 (sous la forme d’une « république démocratique » en réponse à la « République Fédérale Allemande fondée en avril).

Les communistes et les socialistes fusionnent en décembre 1948 en Pologne, mais le pays devint une démocratie populaire en juillet 1952 seulement, ce qui reflète les difficultés rencontrées.

Car cette systématisation apparaît d’un côté comme inévitable, de par le prestige de l’URSS, la mise en place d’un Front, l’hégémonie de l’armée rouge bloquant la réaction, la fusion des socialistes et des communistes.

Affiche du Parti Communiste de Tchécoslovaquie

C’est ce qu’exprime la mise en place de la conférence communiste à Szklarska Poręba en septembre 1947, avec le Parti Communiste (bolchévik) de l’URSS, les Partis Communistes des pays de l’Est européen (sauf l’Allemagne orientale, l’Albanie et la Grèce, ainsi que les Partis Communistes de France et d’Italie).

Elle marqua la fondation du Bureau d’information des Partis Communistes et Ouvriers, souvent désigné par l’acronyme Kominform.

L’amitié polono-soviétique c’est la paix, l’indépendance, le bon lendemain de notre patrie (en fond le Palais de la culture et de la science de Varsovie offert par l’URSS à la Pologne)

Un journal est publié : « Pour une paix durable, pour une démocratie populaire » ; y seront publiés des articles des différents Partis, ainsi que les résolutions. Il sera notamment interdit en janvier 1951 par le gouvernement français, le forçant à reparaître sous un autre nom, « Paix et démocratie ».

De l’autre côté, l’affirmation des démocraties populaires fait face à la « guerre froide » de la part des impérialistes, alors que par ailleurs le dirigeant communiste italien Palmiro Togliatti est victime d’un sabotage de sa voiture et que le dirigeant communiste belge Julien Lahaut est assassiné devant chez lui.

C’est à travers la question allemande que cela se jouera principalement. L’Allemagne, occupée par l’URSS, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, est en effet le verrou. Son basculement dans un camp ou l’autre sera d’une grande conséquence.

Notre amitié avec l’Union soviétique force à la paix

Aussi, le Parti Communiste d’Allemagne œuvre-t-il dès le départ pour l’unification avec les sociaux-démocrates. Malheureusement, cela ne fonctionne que dans la partie orientale du pays, avec le Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED), avec comme dirigeants le communiste Willhelm Pieck et le social-démocrate Otto Grotewohl.

Staline c’est la paix

Ce dernier a perdu la bataille dans son parti face à Kurt Schumacher, non pas en raison d’un réel soutien de la base qui était tout à fait favorable à l’unité, voire l’unification, mais par le rôle américain qui transforme la social-démocratie en institution du nouveau régime ouest-allemand, ce que décriront longuement Ulrike Meinhof et la Fraction Armée Rouge par la suite au début des années 1970.

Pour donner le ton, lors d’un discours à Berlin, le 1er mars 1951, Kurt Schumacher expliqua que :

« Ce pays [l’Allemagne] a toujours été, dans les rêves de la révolution mondiale communiste, la pièce centrale de la conquête mondiale communiste.

Il était clair pour nous que cette attaque devait être parée par le réveil de toutes les forces des qualités humaines et sociales, nationales et personnelles.

Pour nous, il était clair : la liberté en Europe n’était pas peu une affaire de l’auto-affirmation démocratique du peuple allemand (…).

Dans la zone d’occupation soviétique, les travailleurs n’ont que le droit de se laisser exploiter, d’obéir et de passer d’êtres humains au rang de matériel.

Mais qu’on ose se dresser contre le droit à la coparticipation [comme en Allemagne de l’Ouest avec l’intégration de la social-démocratie dans l’appareil de gestion capitaliste], qui a une valeur politique pour les travailleurs dans l’économie, comme cela fut le cas avec le droit de vote universel en politique, c’est une honte pour un parti avec des membres prolétaires.

C’est une tâche nationale et morale de faire passer les ouvriers communistes de la dictature soviétique à la liberté allemande. »

Mais des tendances capitulardes apparurent également dans les autres pays, obligeant à mettre de côté des figures parfois dirigeantes qui étaient oscillantes en raison du poids de l’impérialisme américain et du camp occidental.

En Pologne, il y avait ainsi Władysław Gomułka, qui fut mis à l’écart en 1948-1949 ; en Roumanie, il y avait Lucretiu Patrascanu, qui fut exécuté en 1948, avant la répression du groupe déviationniste de droite Pauker – Luca – Georgescu en 1952.

En Hongrie, il y eut László Rajk, exécuté en 1952 ; en Albanie, il y eut Kotchi Dzoze (Koçi Xoxe en albanais), qui entendait même rattacher le pays à la Yougoslavie ; il fut exécuté en 1949, tout comme Traycho Kostov en Bulgarie.

Il y eut aussi, en Tchécoslovaquie, le groupe autour de Milada Horáková et Záviš Kalandra, tous deux exécutés en 1950, et surtout le groupe autour de Rudolf Slánský. Haut dirigeant du Parti Communiste, et responsable de la sécurité, ce dernier fut démis de ses fonctions en 1951 et accusé de complot, puis exécuté en 1952.

En Bulgarie, le groupe s’était organisé autour de Traicho Kostov, qui fut exécuté en 1949.

Tous ces groupes d’opposition avaient comme dénominateur commun une ligne convergeant avec l’impérialisme américain et les forces occidentales, considérées comme « incontournables ». Ils s’orientaient également vers une soumission à l’esprit capitaliste paysan. Ils passaient surtout par une approche nationaliste exigeant que leur pays ait un statut « intermédiaire » entre l’URSS et les États-Unis, ce qui revient à se soumettre à ce dernier.

Un pays va concrétiser cette démarche : la Yougoslavie.

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