Pour comprendre le nationalisme latino-américain, l’idéologie latino-américaine, il faut commencer par connaître une œuvre de Shakespeare : La tempête. Cette pièce de théâtre a été publiée en 1623 et elle est l’une des plus connues du dramaturge anglais.
Le scénario est le suivant. On a Prospero, qui est le duc légitime de Milan. Il a été trahi par son frère Antonio, abandonné à la mort, mais s’en est tiré et vit en exil sur une île avec sa fille Miranda.
Maître de la magie, Prospero y règne grâce à un « esprit » dénommé Ariel, qu’il a libéré d’une malédiction, et garde sous contrôle Caliban, un habitant sauvage de l’île.
Douze ans plus tard, Prospero provoque une tempête magique pour faire échouer le navire de ses ennemis : Antonio, le roi Alonso de Naples, et leur suite. Tous survivent et sont dispersés sur l’île.
À travers diverses ruses et quelques enchantements, Prospero confronte ses traîtres, les pousse au repentir, et révèle sa véritable identité. Il pardonne finalement et renonce à la magie.
Il prévoit alors de rentrer à Milan. Miranda tombe amoureuse de Ferdinand, le fils d’Alonso, scellant une réconciliation entre les familles.
On a ici l’essentiel de l’œuvre dans sa trame fondamentale ; attardons-nous maintenant sur les différentes péripéties, avec un résumé un peu plus long.

Le premier acte consiste en la tempête et le naufrage. On a une violente tempête qui éclate en mer et le navire du roi Alonso de Naples, qui revient d’Afrique, semble sombrer.
À bord se trouvent Alonso, son fils Ferdinand, son frère Sébastien, le duc de Milan usurpateur Antonio, et d’autres nobles.
La tempête a en fait été provoquée par Prospero, ancien duc de Milan, grâce à la magie.
Le deuxième acte se déroule sur l’île mystérieuse où vit justement Prospero, exilé avec sa fille Miranda depuis douze ans.
C’est Antonio qui l’a chassé de Milan, avec l’aide d’Alonso. Il devait en fait même mourir en mer, en le mettant sur « une carcasse de bateau pourrie, sans gréement, ni voile, ni mât ».
Mais le sympathique conseiller d’Alonso, dénommé Gonzalo, a fait en sorte de leur fournir des vivres, des « vêtements riches, du linge, des étoffes et des objets de première nécessité », et même la bibliothèque de Prospero.
Ce dernier est en fait un magicien. Sur l’île, il est parvenu à libérer Ariel, un esprit de l’air, d’un arbre dans lequel il était prisonnier de la sorcière Sycorax. En échange, Ariel doit rendre des services à Prospero, ce qu’il fait sans rechigner.
« Salut, grand maître ! Seigneur grave, salut ! Je viens
Pour répondre à ton meilleur désir ; qu’il s’agisse de voler,
de nager, de plonger dans le feu, de chevaucherSur les nuages ondulants, pour ton impérieuse tâche
Ariel et toute sa force. »
Ariel doit ainsi, selon les vœux de Prospero, séparer les naufragés en groupes dispersés sur l’île.
Il y a également le seul habitant de l’île : Caliban, fils monstrueux de la sorcière Sycorax, un être brut et révolté qui tente même de violer Miranda. Prospero a réussi à le soumettre et il s’en sert comme homme à tout faire.
Caliban représente le colonisé, comme en témoigne ce passage. On remarquera que son nom est l’anagramme de « canibal ».
« Cette île est à moi, par Sycorax, ma mère,
Que tu m’as prise. Quand tu es arrivé,
Tu m’as caressé et tu m’as traité avec générosité ; tu voulais me donner
De l’eau aux baies ; et m’apprendre à
Nommer la plus grande lumière et la plus petite,
Qui brûle jour et nuit : et alors je t’ai aimé,
Et je t’ai montré toutes les qualités de l’île,
Les sources fraîches, les salines, les terres arides et fertiles :
Maudit sois-je qui a agi ainsi ! Que tous les charmes
De Sycorax, crapauds, scarabées, chauves-souris, se posent sur toi !
Car je suis tous vos sujets,
Qui fut d’abord mon propre roi : et vous m’enfermez ici
Dans ce dur rocher, tandis que vous me cachez
Le reste de l’île. »
Au troisième acte, on suit le parcours des naufragés, qui sont peu nombreux, car Ariel a fait en sorte que les marins restent endormis.
On suit donc Ferdinand, fils du roi Alonso, qui croit que son père est mort. Il rencontre Miranda et les deux tombent amoureux. Prospero teste leur amour, puis finit par les bénir.
Pendant ce temps, Antonio incite Sébastien à assassiner son frère le roi Alonso pour prendre le pouvoir. Leur complot est interrompu par Ariel.
Dans un autre coin de l’île, Caliban rencontre deux ivrognes, Trinculo et Stephano, et les convainc de renverser Prospero. Ce plan ne tient pas debout et échoue rapidement grâce à l’intervention d’Ariel.
Au quatrième acte, Prospero accepte l’union de Ferdinand et Miranda. Il convoque des esprits pour célébrer leurs fiançailles. Il découvre ensuite le complot de Caliban et des ivrognes, qu’il punit, sans cruauté toutefois.
Il commence alors à ressentir de la lassitude vis-à-vis de la magie et prépare sa réconciliation avec ses ennemis.
Au cinquième acte, on a le dénouement. Prospero révèle sa véritable identité à Alonso et Antonio. Alonso se repent sincèrement, Antonio reste quant à lui silencieux.
Prospero pardonne à tous, libère Ariel, renonce à sa magie, et reprend son titre de duc de Milan. Ferdinand et Miranda sont fiancés, les naufragés sont réunis, et tout le monde se prépare à rentrer en Italie.
On notera un épilogue, avec un discours final. Prospero est seul sur scène et demande au public de l’applaudir pour briser le dernier sort : la pièce est finie, il est libre, tout comme Ariel.

Passons maintenant à la dernière étape pour aborder le nationalisme latino-américain, l’idéologie latino-américaine.Voici un tableau indiquant le contraste entre Ariel et Caliban.
Ariel | Caliban | |
Nature | Un esprit aérien, léger et invisible. Il incarne la magie, la liberté et l’intelligence. | Fils de la sorcière Sycorax et d’un démon. Il incarne la sauvagerie, l’instinct, la tendance à la monstruosité. |
Origine | Ariel était emprisonné dans un arbre par la sorcière Sycorax, mère de Caliban. Prospero l’a libéré et en échange, Ariel le sert fidèlement, tout en aspirant à retrouver sa liberté. | C’est le seul habitant natif de l’île. Il a d’abord accueilli Prospero, qui l’a ensuite réduit en esclavage après que Caliban a tenté de violer Miranda. |
Traits principaux | Loyal, obéissant rapide, gracieux, mais désireux d’émancipation. Fin, sensible, poétique, il chante souvent et utilise la magie subtilement. | Brutal, colérique, non civilisé, révolté contre son statut de serviteur. Parle en vers puissants, parfois poétiques, mais est souvent méprisé. |
Symbolisme | Magie, liberté, lumière | Nature, colonisation, obscurité |
Attitude | Respectueux, efficace | Rancunier, violent |
Actions | Il sert Prospero, même s’il veut prendre sa liberté. Il provoque la tempête, surveille et manipule les naufragés. | Il déteste Prospero, qu’il considère comme un colonisateur. Il tente un complot maladroit avec les ivrognes Trinculo et Stephano. |
Substance | Serviteur obéissant, de nature gracieuse et bienveillance, et devenant libre | Esclave colérique et brutal, révolté mais échouant à dépasser son humiliation |
On est maintenant presque en mesure d’aborder le texte fondateur, le manifeste du nationalisme latino-américain : Ariel. Cette œuvre va opposer Ariel à Caliban, la « civilisation latino-américaine » aux États-unis.
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L’idéologie latino-américaine (Ariel, Caliban, Gonzalo)