La Ve République dispose d’un axe très particulier, puisque la constitution n’est jamais réellement fixée, le parlement ayant des prérogatives largement constitutionnelles. C’est un fait un parlement perpétuellement constitutionnel.
La constitution laisse en suspens toute une série d’aspects essentiels définissant la réalité nationale. Tout peut être changé par la loi, donc par le parlement, comme le formule l’article 34 :
La loi est votée par le Parlement.
La loi fixe les règles concernant :
— les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
— la nationalité, l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
— la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
— l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d’émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
— le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ;
— la création de catégories d’établissements publics ;
— les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat ;
— les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété d’entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
— de l’organisation générale de la Défense Nationale ;
— de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
— de l’enseignement ;
— du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
— du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programme déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’Etat.
Ce que cela signifie, c’est que la Ve République n’a pas de valeurs qui lui soient innées ; c’est une constitution proposant seulement un mode de fonctionnement. C’est là un aspect essentiel de l’organisation bourgeoise d’un pays impérialiste devant être capable de s’adapter.
La Ve République est le régime le plus adapté à la France, pays impérialiste de grande envergure mais agissant au-dessus de ses moyens et devant être capable de se recentrer suivant les besoins.
Le régime s’appuie pour cette raison sur un centre de gravité présidentiel, avec un président comme premier consul et un gouvernement qui en est dépendant. Les lois réalisées sont directement politiques, et par conséquent placées dans l’orbite de la reconnaissance institutionnelle – ce qui revient à les relier au président.
On a ainsi un corporatisme municipal produisant un président servant de premier consul « apolitique » ayant le rôle d’interface pour un gouvernement placé dans son giron et menant une politique pouvant partir dans n’importe quelle direction.
Pour appuyer cette tendance, le gouvernement peut même demander au parlement qu’il se mette de côté, en procédant par ordonnances pour un certain temps. Le parlement doit donc se plier, le cas échéant, à la pression du gouvernement, il doit s’effacer.
Le parlement est de toutes façons lui-même paralysé dans son initiative, de par sa nature double. Il y a en effet une assemblée nationale avec des députés élus directement et un sénat avec des élections indirectes.
Or, le sénat, composé d’élus indirects issus des collectivités territoriales, exprime lui-même un corporatisme municipal strictement parallèle au président. Donc, même si l’assemblée nationale, qui compose la principale partie du parlement, veut aller de l’avant, étant donné que le sénat doit normalement valider ce qu’elle veut, cela provoque un obstacle de taille, contournable mais difficilement, et avec du temps.
C’est là un régime fondamentalement autoritaire, sans aucune garantie à aucun niveau. La constitution de la Ve République ne dit strictement rien, elle n’établit rien, elle ne définit rien.
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