Pour comprendre l’accumulation du capital, il faut se rappeler que le capital est du travail accumulé. Ainsi, si le capital s’accumule, alors les forces de production s’accumulent également – pas seulement le prolétariat, les forces productives aussi.
C’est précisément ce que ne voient pas les idéalistes raisonnant seulement en termes de salaires (et par conséquent Léon Trotsky, dans le Programme de transition, était obligé de prétexter que les forces productives auraient cessé de croître, afin de justifier sa propre position).
Voici comment Karl Marx parle de l’accroissement des moyens de production :
« Les uns, tels que machines, édifices, fourneaux, appareils de drainage, engrais minéraux, etc., sont augmentés en nombre, étendue, masse et efficacité, pour rendre le travail plus productif, tandis que les autres, matières premières et auxiliaires, s’augmentent parce que le travail devenu plus productif en consomme davantage dans un temps donné. »
Ce que cela signifie, c’est que les prolétaires produisent toujours davantage, profitant de moyens de production toujours plus performants. C’est là bien entendu la mission historique du capitalisme : rassembler les êtres humains pour travailler en commun et permettre l’avènement de grands moyens de production.
Plus le capital s’accumule, plus il accorde une partie significative aux moyens de production ; Karl Marx nous décrit ainsi que :
« Ces changements dans la composition technique du capital se réfléchissent dans sa composition-valeur, dans l’accroissement progressif de sa partie constante aux dépens de sa partie variable, de manière que si, par exemple, à une époque arriérée de l’accumulation, il se convertit cinquante pour cent de la valeur-capital en moyens de production, et cinquante pour cent en travail, à une époque plus avancée il se dépensera quatre-vingts pour cent de la valeur-capital en moyens de production et vingt pour cent seulement en travail.
Ce n’est pas, bien entendu, le capital tout entier, mais seulement sa partie variable, qui s’échange contre la force ouvrière et forme le fonds à répartir entre les salariés. »
On voit ici tout de suite la contradiction : si les moyens de production prennent une place toujours plus prépondérante pour le capital, alors plus le prolétariat travaille, plus il affaiblit sa position dans le capital. C’est ce que Marx constate en disant :
« En produisant l’accumulation du capital, et à mesure qu’elle y réussit, la classe salariée produit donc elle-même les instruments de sa mise en retraite ou de sa métamorphose en surpopulation relative.
Voilà la loi de population qui distingue l’époque capitaliste et correspond à son mode de production particulier. En effet, chacun des modes historiques de la production sociale a aussi sa loi de population propre, loi qui ne s’applique qu’à lui, qui passe avec lui et n’a par conséquent qu’une valeur historique. »
On retombe alors sur une contradiction : plus le capital s’accumule, plus il emploie des prolétaires, mais plus il en emploie, plus la part dédiée aux moyens de production devient importante, et moins il y a de prolétaires !
Cela semble contradictoire, et de plus Karl Marx en fait même une loi. Il parle ainsi des chômeurs comme d’une armée de réserve industrielle :
« Si l’accumulation, le progrès de la richesse sur la base capitaliste, produit donc nécessairement une surpopulation ouvrière, celle-ci devient à son tour le levier le plus puissant de l’accumulation, une condition d’existence de la production capitaliste dans son état de développement intégral.
Elle forme une armée de réserve industrielle qui appartient au capital d’une manière aussi absolue que s’il l’avait élevée et disciplinée à ses propres frais. Elle fournit à ses besoins de valorisation flottants, et, indépendamment de l’accroissement naturel de la population, la matière humaine toujours exploitable et toujours disponible.
La présence de cette réserve industrielle, sa rentrée tantôt partielle, tantôt générale, dans le service actif, puis sa reconstitution sur un cadre plus vaste, tout cela se retrouve au fond de la vie accidentée que traverse l’industrie moderne. »
C’est à ne plus rien y comprendre. Où est-ce que Karl Marx veut en venir, comment a-t-il compris ce qui apparaît comme incompréhensible, voire franchement mystérieux ?