Le concept de biosphère élaboré par Vladimir Vernadsky (1863-1945) est d’une utilité fondamentale dans le cadre de la compréhension de la planète Terre comme formant un système unifié, particulièrement élaboré et complexe, en mouvement et en transformation.
Vladimir Vernadsky affirme un point de vue moniste, conforme au matérialisme dialectique ; dans le prolongement direct de Spinoza, Vladimir Vernadsky présente la Terre comme un système où tous les êtres vivants sont inter-reliés et en rapport étroit avec la matière inerte, la transformant, se transformant eux-mêmes.
Cette notion de manière inerte est un point essentiel dans la démarche de Vladimir Vernadsky, qui expose une dialectique de la matière vivante et de la matière inerte, cherchant à trouver le caractère substantiel les amenant à se comporter de manière différente. Il s’appuie ici sur la chiralité moléculaire découverte par Louis Pasteur.
A partir de là, Vladimir Vernadsky expose le rapport étroit des activités des êtres vivants avec les cycles chimiques de la planète ; il montre que la science doit cerner l’importance de la vie comme force de transformation géologique ; il n’est pas possible de parler de biologie sans parler en même temps de chimie et de géologie, tout comme la chimie a besoin de la biologie et de la géologie, la géologie de la chimie et de la biologie.
C’est là une véritable révolution intellectuelle, qui souligne l’importance de l’inter-relation fondamentale des tous les phénomènes, relevant d’un seul système. Ici, la planète Terre héberge une biosphère qui la façonne et les deux sont inter-reliés.
Chaque être vivant doit donc être saisi dans son rapport à l’ensemble ; il n’existe jamais isolément.
Dans son article de 1938, Sur certains problèmes fondamentaux de la biogéochimie, Vladimir Vernadsky souligne ainsi l’importance qu’il y a à concevoir un organisme vivant non pas simplement selon ses réalité biologiques immédiates, mais également en termes de nombre d’atomes et de masse, de manifestations physiques quantifiées dans l’espace occupé, dans les expressions énergétiques quantifiés de ses actions.
Ce n’est qu’ainsi qu’on a un panorama à l’échelle planétaire des effets de la vie, et donc également de l’existence humaine, à tous les niveaux.
L’humanité a ainsi plus de quatre-vingt années de retard sur la nécessité de cette approche, qu’elle ne fait que découvrir passivement d’ailleurs, sous les coups des dérèglements climatiques, chimiques et géologiques qu’elle a provoqué par son activité, mais qui ont un sens historique également.
La démarche de Vladimir Vernadsky, dans le cadre de l’Union Soviétique dirigée par Joseph Staline, est donc incontournable. Sans la compréhension de la planète Terre comme accueillant une « biosphère » qui la façonne (et inversement), l’humanité n’est pas en mesure de faire face aux défis qu’elle a elle-même engendré et formant son identité dans l’histoire géologique.
Cela implique une profonde remise en cause des pratiques humaines et une lecture cosmique de la réalité de la planète Terre et de son évolution.
Naturellement, la conception de Vladimir Vernadsky s’oppose de ce fait frontalement à la conception bourgeoise d’un monde composé d’éléments séparés, ne se rencontrant que pour des échanges immédiats et individuels.
Ce scientifique ukrainien raisonne en termes d’ensemble, de système ; sa thèse sur la biosphère, développée dans les années 1920, relève d’une lecture matérialiste du monde, faisant de la matière le point de départ et d’arrivée de tout raisonnement, de toute conception.
C’est la raison pour laquelle Vladimir Vernadsky est inconnu des masses mondiales et pourquoi, jusqu’à présent, la science n’a pas su se saisir de manière inadéquate de son apport fondamental.
Publié en Russie soviétique en 1926, l’ouvrage classique de Vladimir Vernadsky, La Biosphère, fut publié en 1929 en France, en 1960 en Yougoslavie et en Italie, en 1986 seulement aux États-Unis, pour une première version en anglais amputé du tiers. Il faudra attendre 1997 pour voir une version totale en anglais, ainsi qu’une version en espagnol.
Cela ne doit pas étonner ; cela reflète l’incapacité historique de l’humanité, par manque de maturité, à s’approprier une pensée réellement conséquente sur le plan du matérialisme.
Le 21e siècle marque la fin de cette incapacité et il est absolument sans aucun doute que Vladimir Vernadsky sera bientôt considéré comme l’un des plus grands savants de l’histoire de l’humanité, dont l’activité a pris tout son sens grâce à la construction du socialisme en URSS, sous la direction de Joseph Staline.