L’exigence morale individuelle était le coeur de l’initiative portée par l’ALF. La libération d’animaux se présentait ainsi comme la plus haute forme d’antagonisme, car exprimant la plus haute forme de moralité possible.
Un porte-parole de l’ALF expliqua, au tout début des années 1980 que :
« Personne n’irait loin dans l’ALF à moins d’être végétarien ou végan. Les membres de l’ALF agissent comme la conscience de la nation – nos objectifs de base sont de sauver des animaux et de causer autant d’embarras que possible, notamment financiers, aux gens impliqués dans l’exploitation animale, jusqu’à ce que la loi prenne le relais. »
Ce que signifie cette expression – « jusqu’à ce que la loi prenne le relais » – l’ALF ne l’a jamais expliqué, considérant en effet que dans le cadre institutionnel traditionnel, la libération animale était impossible. L’ALF dénonçait formellement ceux qui avaient des illusions envers les institutions et attendaient un changement se produisant au Parlement.
Il est facile de voir ici l’incohérence du positionnement, cette incohérence était le prix à payer pour rechercher un mouvement de masse à la base, contournant la politique, afin d’arriver au but de manière inéluctable de par l’exigence possible.
L’ALF se considérait en ce sens comme la seule solution possible pour s’interposer et permettre un changement général. Historiquement, l’ALF n’a jamais critiqué les personnes ne pratiquant pas l’action directe, mais a par contre toujours dénoncé ceux la critiquant.
Sa démarche lui apparaissait comme non critiquable, car permettant concrètement la libération d’animaux. L’ALF était donc un vecteur inévitable, quoi que l’on choisisse par ailleurs comme option.
L’ALF britannique n’a donc jamais été autocentré et n’a jamais exigé que les autres structures se placent à sa remorque, mais est toujours allé dans le sens d’une convergence générale, tout en soulignant que ses actions formaient la ligne de front obligatoirement nécessaire.
Il faut bien saisir ce que cela signifie en terme de très lourde logistique. La formation d’une cellule de l’ALF signifiait s’équiper en véhicules, être en mesure de les réparer, se procurer des outils, connaître les méthodes d’intrusion dans des locaux, savoir s’occuper des animaux, disposer de vétérinaires, accueillir les animaux en foyers d’accueil ou définitivement, former des sanctuaires, payer la propagande, diffuser les communiqués…
Si bien entendu, chaque cellule n’était pas nécessairement obligée d’arriver à une telle infrastructure, c’était une tendance inévitable. Chaque cellule reproduisant en effet directement le style de travail de l’ALF en général.
L’ALF a comme identité propre la libération concrète d’animaux ; ce n’est pas une fédération de petits groupes pratiquant des dégradations, mais une convergence de libérations concrètes d’animaux, devant faire une vague générale.
Pour cette raison, les actions de sabotage ont toujours été considérées uniquement dans leur rapport à la possibilité de libérer les animaux de par ces sabotages : l’affaiblissement économique et pratique de l’ennemi devait permettre de relancer une vague de libération.
Les destructions incendiaires, les dégradations, etc. n’ont toujours été vues que par rapport à la stratégie de libération d’animaux de manière toujours plus vaste.
Voici un exemple de la philosophie morale sous-jacente aux actions de l’ALF :
« Les animaux destinés à être massacrés pour l’alimentation, la vivisection et la chasse ne préoccupent pas des distributions de tracts, de l’écriture de lettres, des manifestations, des sit-ins, etc.
Ils veulent la libération et ILS LA VEULENT **MAINTENANT**.
Avec CHAQUE action, la première question sera toujours : « Comment est-ce que cela va aider les animaux ? Comment leur situation horrible peut-elle être atténuée ? Combien peuvent être sauvés ? ».
Et alors, et alors seulement, les questions se posent quant à la somme des dommages à la propriété et à la situation de ceux qui maltraitent les animaux.
C’est avec cette pensée que l’ALF existe ; le mythe de la législation par des politiciens contre la maltraitance animale n’aide pas les animaux.
La « possibilité » que la maltraitance animale se terminera possiblement dans environ tant et tant d’années n’est d’aucune utilité pour les animaux torturés maintenant.
C’est pourquoi l’ALF existe. Ce n’est pas un concept pour des idéaux et des possibilités futurs. C’est une organisation de gens se dédiant à la libération des animaux MAINTENANT.
Si l’ALF n’existait pas, sur qui pourraient se reposer les animaux ? Une personne honnête répondrait : « personne ».
Les animaux sont dépendants de ceux qui se préoccupent de leur détresse. Il n’y a personne d’autre qui leur porte une attention et en raison de cela, toute personne qui affirme se préoccuper des animaux a l’obligation de lutter pour eux.
Il est devenu évident, de manière douloureuse, que les politiciens et les organisations traditionnelles pour les animaux, de type « welfariste », pour le « bien-être », ont déserté la détresse des animaux. »