Même si le gouvernement Mendès-France avait procédé à la fusion des polices de métropole et d’Algérie, afin d’empêcher un processus d’autonomisation à partir des éléments ultras, l’État a historiquement été débordé par la militarisation à outrance de la guerre d’Algérie.
Cela fut une des raisons de la mise en échec du gouvernement, et le gouvernement Mollet n’eut pas plus de succès en avril 1957 avec sa Commission permanente de sauvegarde des droits et libertés individuels.
Car, si le FLN n’a pas suivi la stratégie de la guerre populaire, ce qui signifie inéluctablement à moyen et long terme l’effondrement miitaire, sans parler du contenu idéologique et culturel, à court terme la stratégie de guérilla à outrance, appuyée par le terrorisme, était un puissant catalyseur dans un pays soumis à la domination coloniale.
Pour cette raison, l’Armée de Libération Nationale disposait au bout de trois ans d’un réseau d’environ 130 000 hommes, qui mènent des escarmouches, des attentats, évitant toute confrontation directe et se développant malgré les innombrables « opérations » de l’armée française comme par exemple « Arquebuse », « Zoulou », « Basque », « Espérance », « Poitiers », etc.
C’est ici l’aspect démocratique du FLN dans son rapport à l’histoire, qui révèle son hold-up sur les forces vives de la révolution démocratique.
La réussite de cela tient notamment au fait que le FLN était, dès le départ, une structure extrêmement bien organisée, disposant d’une idéologie parfaitement formée consistant uniquement en la lutte armée, permettant un socle organisationnel d’une grande efficacité au moyen de cadres formés intellectuellement.
C’est très exactement l’image de la guérilla des années 1960, en parallèle direct avec ce qu’a réalisé Fidel Castro à Cuba. Le FLN fut d’ailleurs rapidement appuyé par différentes forces hostiles à l’impérialisme français, comme l’URSS devenue révisionniste, et disposa à partir de 1958 d’armement semi-lourd.
Sur le plan militaire, le FLN agissait en tant qu’Armée de Libération Nationale (ALN), divisée en faoudj (groupes), ferka (sections, katiba (compagnies composées de trois ferkas chacune), failek (bataillons), avec une hiérarchie détaillée (colonels, commandants, capitaines, lieutenants, sous-lieutenants, adjudants, sergents-chefs, caporaux).
Voici les 10 commandements de l’ALN :
« Poursuivre la lutte de libération jusqu’à l’indépendance totale ;
- Poursuivre la destruction des forces de l’ennemi et la récupération au maximum du matériel (variante : poursuivre la destruction des forces colonialistes et augmenter au maximum la récupération du matériel) ;
- Développer le potentiel matériel, moral et technique des unités de l’ALN [variante : des unités de l’armée] ;
- Rechercher au maximum le mouvement, la dispersion avec regroupement et l’offensive [variante : rechercher au maximum les mouvements de dispersion avec regroupement de l’offensive] ;
- Renforcer la liaison entre les postes de commandement (P.C.) et les différentes unités ;
- Développer le réseau de renseignements au sein de l’ennemi et au sein de la population ;
- Développer le réseau d’influence du FLN. auprès du peuple afin d’en faire, un appui sûr et constant (variante : absence de mention de « auprès du peuple » et interversion des points 6 et 7) ;
- Renforcer la discipline dans les rangs de l’ALN [variante : dans le sens de l’Armée] ;
- Développer l’esprit de fraternité, de sacrifice et d’équipe parmi nos combattants ;
- Se conformer aux principes de l’Islam et aux lois internationales dans la destruction des forces ennemies. »
Le général Challe, un « ultra » de l’Algérie française, témoignera de la manière suivante du profil des combattants de l’ALN :
« Un homme très endurant et frugal, capable de se déplacer à une allure considérable quand il connaissait la région où il combattait.
Sa vitesse dans ses djebels [massifs montagneux] était deux à trois fois supérieure à celle de meilleurs éléments de l’armée française. Hors de son terrain de chasse, il était encore l’égal de meilleures troupes françaises.
Chez lui, dans sa zone de parcours, il était renseigné sur le déplacements de l’ennemi beaucoup plus vite. Il refusait systématiquement le combat, car ses buts étaient avant tout de peser sur la population et de durer et pour les deux raisons précédentes, vitesse plus grande et renseignement plus rapide, il était difficile de le forcer à combattre. »
Les dirigeants profitent d’une expérience militaire dans l’armée française ou bien dans d’autres pays arabes ; des centres d’instruction furent formées au Maroc et en Tunisie. Sur le plan géographique, le pays était divisé en six wilayas, elles-mêmes divisées en régions, zones et secteurs.
Dès les premiers 27 mois de guerre, le FLN revendique 37 000 soldats français tués, 11 500 blessés, 106 prisonniers, 850 traîtres exécutés, 400 déserteurs ayant rejoint ses rangs, 3500 embuscades, 200 ponts détruits, 32 000 poteaux télégraphiques sciés, 300 routes coupées, 1500 véhicules militaires détruits, 178 avions détruits au moyen de mitrailleuses lourdes.
Et, dès octobre 1956, la section militaire du FLN disposait d’un avantage majeur. A cette date en effet, les responsables civils du FLN, au nombre de cinq (Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mostefa Lacheraf, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf) prirent un avion pour aller du Maroc à la Tunisie, faisant l’erreur d’en prendre un dont l’immatriculation était française.
L’avion fut intercepté et forcé d’atterrir à Alger, où la direction civile fut alors arrêtée, accordant un monopole complet à la branche militaire.