L’appareil de la GOULag comme administration et le rapport au Parti

La question historique du GOULag du point de vue communiste tient à la nature du projet, c’est-à-dire du rapport dialectique naturel entre une forme juridique-administrative et une fonction économique-politique.

Le souci est qu’il y a eu un décalage est qu’on est passé à un rapport dialectique non forcément évident entre une forme juridique-politique et une fonction économique-administrative. Cela a provoqué d’énormes tensions dans le rapport entre le Parti et le Commissariat aux affaires intérieures.

Du moment en effet que les projets étaient conçus à l’avance, avec un haut niveau technique, on passa à toute une procédure administrative, nécessitant des appels à un haut niveau de conception, de mise en opération, d’ingénierie industrielle pour relier les différents circuits, à quoi s’ajoute un ample support technique.

Or, c’était là tout à fait différent du rôle de la GOULag comme supervision économique-politique de décisions administratives établies par le droit soviétique. On est passé au mode suivant : le droit punit en assumant d’être politique et le commissariat gère de manière administrative les détenus, en intégrant simplement une dimension économique.

Le droit a quitté le terrain administratif pour se retrouver placé de manière partidaire et inversement le Commissariat aux affaires intérieures s’est articulé comme simple administration, perdant son affirmation politique pour se contenter d’être économique en soi.

Ce déplacement fut grave, car il fit passer la GOULag d’appareil à celui d’administration, la dimension d’appareil étant masqué. La conséquence fut une confrontation entre appareils, entre le droit et la GOULag, par l’intermédiaire au NKVD dont celle-ci dépendait.

Concrètement, cela s’exprima par l’opposition entre la lecture juridique Vyshinsky et celle, de type pragmatique-machiavélique, de Guenrikh Iagoda et Nikolaï Iejov, dirigeants du NKVD. Ces derniers exprimaient un appareil grisé par le succès, emporté par son élan, s’imaginant administration et cherchant par là à agrandir de manière subjectiviste son champ d’activité.

Andreï Vychinski protesta par exemple la chose suivante : il y avait 1 251 501 personnes dans les prisons, camps et colonies en date du 1er octobre 1935, contre 519 501 au 1er janvier 1932. Il fallait donc se demander ce qui était responsable de cette augmentation de 210,9 %. Cela tenait évidemment aux velléités hégémoniques du NKVD. D’ailleurs, le NKVD, disposait désormais de tribunaux spéciaux dans les camps de travail.

Ce qui était critiqué ici, c’était de fait l’autonomisation relative du NKVD, avec une mise de côté du droit de l’État soviétique en tant que tel. Andreï Vychinski développera ainsi des critiques au NKVD par rapport aux camps, tant dans les procédures que dans le mode opératoire.

Guenrikh Iagoda, le responsable du NKVD, fut par conséquent démis en septembre 1936 et arrêté en avril 1937 ; c’est Andreï Vychinski qui fut procureur à son procès où il fut condamné à mort pour aide au factionnalisme en vue de prendre le contrôle du régime, ce qui exprimait à l’arrière-plan un positionnement du NKVD comme une simple administration pouvant pencher indifféremment dans une tendance ou une autre, et non plus un appareil dépendant du Parti.

Le successeur de Guenrikh Iagoda, Nikolaï Iejov, eut la même tendance à profiter de l’importance du NKVD, rentrant à ce sujet notamment en conflit avec Viatcheslav Molotov. La direction du Parti dénonça finalement ouvertement les méthodes du NKVD dans une lettre du 11 novembre 1938, stoppant son pouvoir juridique le 15, stoppant sa campagne de purge le 17, alertant l’ensemble des responsables régionaux du Parti sur les défaillances du NKVD le 25. Nikolaï Iejov fut mis de côté en 1938, arrêté en avril de la même année et exécuté en février 1940.

Il est évident que le reproche fait par le Parti au NKVD – l’abandon du travail de renseignement pour la simplification par les arrestations massives – n’aurait pas eu lieu d’être si le NKVD, par l’administration de la GOULag, n’avait pas eu cette tendance à l’hégémonisme et à l’occupation étendue de différents domaines.

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