L’appareil de sécurité d’État de l’URSS socialiste et l’affirmation du droit soviétique

Il va de soi que la conception juridique prévalant en URSS socialiste n’a rien à voir avec celle d’un État bourgeois. Dans ce dernier, le capitalisme est déjà instauré et il suffit de protéger sa base, la propriété privée des moyens de production. S’il faut une rupture terroriste, cela passe par le fascisme modifiant l’appareil d’État, dans le sens de la militarisation.

L’État socialiste construit par contre, quant à lui, le socialisme, en allant au communisme. Il connaît donc des étapes et il y a des interférences selon les séquences. Le droit a ainsi une portée politique dans le cadre de chacune de ces séquences, au sens où la dimension objective l’emporte de manière franche sur la dimension subjective.

Ainsi, Evgueni Pachoukanis fut le principal théoricien soviétique du droit dans les années 1920 et au début des années 1930. Cependant, sa position fut unilatéralement que l’État devait disparaître et, qu’au sens strict, il ne pouvait pas exister de droit socialiste. Il fut pour cette raison exécuté comme contre-révolutionnaire, puisque relevant de la démarche favorable à la capitulation.

Cette analyse objective des séquences par l’État socialiste que fut l’URSS de Staline à la suite de Lénine fut évidemment dénoncée par les contre-révolutionnaires et la bourgeoisie internationale comme un déni du droit, et cela d’autant plus que les uns et les autres ne comprenaient rien au droit socialiste, ne pouvant même le concevoir.

Voici comment l’une des grandes figures du camp contre-révolutionnaire, Alexandre Soljénitsyne, décrit cette question juridique dans son ouvrage fantasmatique, L’archipel du Goulag, publié au début des années 1970 :

« Il s’avère qu’en cette année de sinistre mémoire [1937], Andreï Ianouarévitch (…) Vychinski fit un exposé devenu célèbre dans les cercles spécialisés : dans l’esprit de la dialectique la plus souple (que nous ne permettons ni aux sujets de l’État, ni maintenant aux machines électroniques, car pour celles-ci un oui est un oui, un non est un non), il rappela qu’en ce qui concernait les hommes, il n’était jamais possible d’établir de vérité absolue, mais seulement relative.

À partir de là, il fit un pas que, depuis deux mille ans, les juristes n’avaient jamais osé franchir : il déclara qu’en conséquence, la vérité établie par l’instruction et le tribunal ne pouvait être absolue, elle non plus, mais seulement relative.

C’est pourquoi, en signant une condamnation à mort, jamais nous ne pouvons de toute façon être absolument sûrs de punir un coupable, mais seulement dans les limites d’une certaine approximation, en émettant certaines suppositions, en un certain sens.

Concrètement, il s’ensuit que c’est une pure et simple perte de temps que la recherche de pièces à conviction absolues (elles sont toutes relatives) et de témoins irréfutables (ils peuvent se contredire).

Quant à trouver des preuves relatives, approximatives de la culpabilité, cela, le commissaire instructeur peut fort bien y arriver sans pièces à conviction et sans témoins, sans sortir de son bureau, « en s’appuyant non seulement sur sa propre intelligence, mais aussi sur son flair de membre du parti, sur ses forces morales » (c’est-à-dire sur la supériorité de celui qui a bien dormi, bien mangé et qui n’a pas reçu de coups) « et sur son caractère » (c’est-à-dire sa volonté d’exercer sa cruauté) ! (…)

C’est ainsi que de déduction en déduction, suivant un développement en spirale, notre science juridique d’avant-garde en est revenue à des conceptions pré-antiques et médiévales.

À l’instar des exécuteurs des hautes œuvres du Moyen-Âge, nos commissaires instructeurs, nos procureurs et nos juges s’accordent à voir la preuve principale de la culpabilité dans l’aveu qu’en fait l’inculpé. »

L’accusation d’Alexandre Soljénitsyne est tout à fait classique et représente le reflet de l’incompréhension complète de la méthode matérialiste dialectique, exigeant une analyse objective impliquant une subjectivité révolutionnaire pour avoir une position correcte.

Contrairement à la lecture bourgeoise, l’URSS socialiste avait en réalité révolutionné le droit et formulé un droit socialiste.

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de l’État de l’URSS socialiste