L’appareil de sécurité d’État et la mise en place des camps de travail en URSS socialiste

En raison de la place du travail dans l’idéologie communiste, l’emprisonnement était lié au fait de devoir travailler pour se transformer pour contribuer à la société que le condamné avait combattu de par son comportement.

L’instauration des camps de travail datent d’une résolution du Bureau Politique du Comité Central du PCUS(b) du 27 juin 1929 « Sur l’utilisation du travail des criminels condamnés ». C’est l’OGPU qui était chargé de l’organisation.

Initialement, les camps devant être formés devaient avoir une capacité d’accueil totale de 50 000 places, dans des régions éloignées devant être développées économiquement.

L’intensité de la lutte des classes, notamment par rapport aux paysans riches, les koulaks, modifia la donne et au premier janvier 1930, les camps créés accueillaient 180 000 personnes.

Le travail constitua à l’origine en le déboisement – comme soutien à des entreprises existantes – et rapidement fut mis en place le projet de canal de la mer Blanche. Long de 227 kilomètres, il fut construit en vingt mois, entre 1931 et 1933 par 126 000 prisonniers au total, dont environ 10 % moururent (plus de 300 000 selon la propagande anticommuniste).

Le 11 novembre 1931, le Bureau Politique du Comité Central du PCUS(b) mit en place la Dalstroi (Construction du grand Nord) pour le développement des mines d’or, qui employèrent 36 000 prisonniers ; le 30 septembre 1932 il décida de la construction d’un canal entre la Volga et la rivière de la Moskova, qui employa 196 000 prisonniers, puis le 23 octobre 1932 d’une voie ferrée en Extrême-Orient, la Magistrale Baïkal-Amour (la BAM).

Dans ce dernier cas, le Bamlag (Camp de correction par le travail de la voie ferrée Baikal Amour) rassembla à son pic en 1938 201 000 personnes ; l’Amurlag (Camp de correction par le travail de voie ferrée de l’Amour) qui lui succéda était à son pic constitué de 125 000 personnes la même année.

L’un des prisonniers du Bamlag fut Constantin Rokossovski ; condamné en 1937, il fut finalement innocenté en mars 1940.

Constantin Rokossovski avait participé à la guerre civile suivant la révolution russe, recevant en 1921 l’Ordre du Drapeau Rouge. Il joua par la suite un grand rôle dans la seconde guerre mondiale, notamment comme commandant de la 16e armée dans la défense de Moscou, comme commandant de la 65e armée (4e armée de chars), de la 24e armée et de la 66e armée dans la défense de Stalingrad, comme commandant du Front central pour la bataille de Koursk.

Il fut enfin l’un des grands stratèges de l’Opération Bagration, offensive soviétique sur un front de mille kilomètres en 1944 avec 800 000 hommes, 553 blindés et 839 avions.

Il devint maréchal de l’URSS, puis de par ses origines polonaises ministre de la défense de la Pologne et maréchal en Pologne, avant d’être démis de ses fonctions à la mort de Staline, renvoyé en URSS dans des postes subalternes.

En octobre 1932, l’OGPU organisa également une entreprise d’État dite Ukhta-Pechora afin de développer les mines de charbon et la production de pétrole du bassin de Pechora, dans le grand Nord. Elle employa 21 000 prisonniers.

La démarche se généralisa, avec par exemple 35 000 prisonniers du camp de Temnikovo produisant du bois pour Moscou, 43 000 prisonniers du camp de Svir faisant la même chose pour Leningrad.

D’un côté, l’intérêt économique du Gulag était indéniable. Il permettait la mise en place de projets s’ajoutant à l’industrialisation du pays.

En juin 1935 est ainsi formé le Norilag, chargé de l’exploitation minière de cuivre et de nickel à Norilsk en Sibérie, puis du développement de la région en général. Le camp avait 1200 prisonniers en 1935, avant de s’élargir pour en accueillir 9 000 en 1937, 72 500 en 1951. Au total, 400 000 personnes passèrent à un moment par ce camp.

De l’autre, il faut saisir ici que le travail des prisonniers était peu efficace, élémentaire, le plus souvent.

De plus, le NKVD menait une tâche politique et c’était clairement l’aspect prioritaire de son activité. Le Gulag devait faire du mieux qu’il pouvait, mais en aucun cas les opérations du NKVD ne dépendaient des exigences économiques.

Ainsi, alors qu’en janvier 1939, il y a 350 000 personnes en prison et un million dans les camps de travail, le Gulag était particulièrement affaibli dans ses capacités d’organisation, en raison de sa dépendance aux initiatives du NKVD.

Le déclenchement de la seconde guerre mondiale fut alors la source d’une nouvelle impulsion : 14 % des investissements centraux relevèrent alors du NKVD, afin de parer à l’urgence de la mise en place de nouvelles infrastructures.

Furent mises en place, en Extrême-Orient et dans le Nord du pays, des canaux (Volga-Baltique, Dvina septentrionale pour une liaison entre la Baltique et la mer blanche avec la mer Caspienne), des ports, des stations hydro-électriques, la production de métaux comme avec le Severonikel dans la région de Mourmansk ou la ville de Jezqazğan formée au Kazakhstan.

L’invasion allemande accéléra le processus, avec de nouvelles tâches assignées aux prisonniers, telle en 1941 la construction ou la rénovation de 251 pistes d’atterrissage militaires.

Cela s’accompagne d’une réorganisation du Gulag. Ainsi, en 1941, 420 000 prisonniers furent libérés plus tôt que prévu, tout comme 157 000 autres en 1942 et 1943 qui pouvaient être appelés à l’armée et n’avaient été condamnés que pour des motifs mineurs.

Cela impliquait également des conditions d’existence plus difficile pour les prisonniers restants. De 1941 à 1945, 1 005 000 prisonniers décédèrent dans les camps de travail.

Inversement, il y avait aussi un nouvel afflux, avec 400 000 prisonniers, composés de membres relevant de nationalités posant problème car leur pays d’origine était en guerre avec l’URSS (Allemands, Finlandais, Roumains). 220 000 d’entre eux travaillèrent dans les institutions du NKVD, le reste pour les commissariats du peuple.

Finalement, dans la seconde moitié de 1945, il n’y eut plus que 750 000 prisonniers capables de travailler réellement dans le système du Gulag. Le XIXe congrès du Parti, annonçant que le socialisme avait triomphé, impliquait également sa fermeture.

Laurenti Beria, à la tête du ministère des affaires intérieures qui avait intégré en son sein le MVD, envoya un mémorandum en mars 1953 pour faire passer les entreprises industrielles et de construction aux ministères concernés. Il en alla de même pour les entreprises du secteur agricole en mai.

Un million des 2,5 millions de prisonniers fut également amnistié au mois de mars, alors que les camps et colonies pénitentiaires passèrent de l’appareil de sécurité d’État au ministère de la justice.

Le contexte était cependant celui de l’offensive révisionniste transformant l’URSS en social-impérialisme, ce qui modifia l’ensemble de la réalité économique, sociale et culturelle du pays.

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de l’État de l’URSS socialiste