Michel-Ange a sculpté le David de septembre 1501 à mai 1504 ; c’est une statue de marbre qui fait plus de quatre mètres. Sa gloire tient surtout à ce qu’au moment de sa réalisation, Florence est une Cité-État. L’oeuvre est alors placée devant le Palazzo Vecchio, le siège municipal de Florence, et est censé symboliser la détermination de l’esprit « républicain ».
Au-delà de toute considération politique de ce type, il est en tout cas très clair que le David, de manière encore plus nette que le Moïse et la Pietà, est séparé de la religion. Il est évident que le thème religieux relève du contexte historique, voire sert même de prétexte.
La référence à l’antiquité gréco-romaine apparaît si clairement qu’on doit parler de drapeau de la nation italienne en formation. Il y a ici un rapprochement assumé avec l’idéal antique, dans sa dimension païenne, avec l’harmonie, la détermination virile, la nudité aux muscles façonnés, la dimension imposante, etc.
En ce sens, le David est un recul par rapport à la complexité du Moïse et de la Pietà. C’est, si l’on veut, un travail de référence, une allusion esthétique, un exposé nostalgique de l’idéalisme antique.
Le problème de fond, c’est la simplicité apparente, qui élude toute complexité, toute profondeur psychologique, tout esprit synthétique. On est ici dans une immédiateté analytique, le grand travers de la Renaissance qui fonctionne par rapprochements, allusions, codes, dans un mélange de religion catholique romaine et de références idéalistes à Platon.
Naturellement, les tenants de la Renaissance valorisent cette approche se voulant « harmonieuse », « idéale », qui en réalité laisse sur sa faim de par l’absence de contenu. L’oeuvre, relevant de l’idéalisme, est purement auto-référentielle.
Le David de Michel-Ange présente ainsi un tournant dans l’histoire de l’art de la Renaissance italienne. Il montre que la nation italienne en formation a passé un cap, qu’elle sait exprimer un art national, mais qu’en même temps elle est obligé de passer par le prisme de la référence antique pour être en mesure de faire face au catholicisme romain.
Ce faisant, tournant le dos à la réalité, à un rapport assumé à la réalité, le développement de la nation italienne se brisait. Il ne faisait plus le poids face à la production massive du catholicisme romain, qui profitant de ses réseaux pouvait se permettre d’intégrer des aspects populaires.
Le baroque n’est pas qu’une réaction au réalisme de l’art flamand, au protestantisme, à l’humanisme ; il est aussi une déviation des énergies populaires italienne, autrichienne, tchèque, ôtant le terrain, du moins pour un temps, pour une affirmation nationale.
La position de Michel-Ange est donc celle de celui qui a été le plus loin dans l’affirmation nationale italienne dans le domaine de la sculpture. L’utilisation de son talent pour la Chapelle Sixtine est littéralement un détournement ; il suffit de voir le travail effectué sur le David, oscillant entre réalisme et idéalisme, pour voir le décalage avec de très grandes fresques allégoriques techniquement faibles et directement religieuses.