Mahomet vit dans une société datant d’avant le monothéisme. C’est un cadre polythéiste animiste, mais lui-même connaît le christianisme, ainsi que le judaïsme, dont plusieurs courants étaient actifs dans la région. Il veut se tourner vers le monothéisme, mais le cadre arabe ne le permet pas.
Il va alors provoquer une onde de choc en formulant le monothéisme de nature féodale à travers le polythéisme animiste de type semi-esclavagiste. Pour que son entreprise réussisse, il doit toutefois conserver la dimension polythéiste animiste.
Comment repérer cela dans le Coran ? C’est simple : le polythéisme animiste parle d’un monde vivant, multiforme ; le monothéisme pose un cadre sans mouvement, avec un dieu statique.
Or, dans le Coran, on ne cesse de parler des choses comme étant en mouvement. Ce n’est pas seulement que Dieu a créé l’univers de manière ordonnée : on peut voir qu’il est en même temps dit que Dieu ramène l’ordre. Il y a ici une incohérence, due à la contradiction entre le polythéisme animiste et le monothéisme.
Ces versets de la sourate Le tonnerre sont ici exemplaires :
2 Allah est Celui qui a élevé [bien haut] les cieux sans piliers visibles. Il S’est établi [istawâ] sur le Trône et a soumis le soleil et la lune, chacun poursuivant sa course vers un terme fixé. Il règle l’Ordre [de tout] et expose en détail les signes afin que vous ayez la certitude de la rencontre de votre Seigneur.
3 Et c’est Lui qui a étendu la terre et y a placé montagnes et fleuves. Et de chaque espèce de fruits Il y établit deux éléments de couple. Il fait que la nuit couvre le jour. Voilà bien là des preuves pour des gens qui réfléchissent.
D’un côté, dans le verset 3, Dieu est le créateur. Mais dans le verset 2, Dieu est clairement celui qui met de l’ordre : il soumet le soleil et la lune, il règle l’Ordre et expose les signes qu’on est certain de trouver, ce qui implique qu’ils soient partout.
Le verset 3 relève du monothéisme, le verset 2 exprime clairement un point de vue polythéiste animiste. Normalement, dans le polythéisme animiste, le Dieu suprême n’ordonne pas le monde : il est un dieu impersonnel constituant en l’univers lui-même, univers où s’activent les dieux personnels.
Ici, Mahomet lui attribue une fonction, celle d’ordonner. Cela sonne étrangement et on a bien l’impression qu’on a un dieu personnel du polythéisme animiste qui se voit prendre une place suprême.
En fait, comme dans le judaïsme qui est un monothéisme non totalement abouti, on a la figure de Dieu comme « roi », comme grand ordonnateur. On n’a pas un Dieu absolu et total, comme le prétend l’Islam, bien au contraire : dans le Coran, on a un Dieu roi interventionniste.
Le thème de la soumission du soleil et de la lune n’est pas anecdotique, il est très révélateur puisque les dieux du soleil et de la lune sont traditionnellement de grande importance dans le polythéisme animiste.
Le Dieu du Coran a en fait soumis les dieux du soleil et de la lune, c’est ainsi qu’il faut le comprendre. Mais on reste paradoxalement dans le polythéisme animiste, car on a encore le soleil et la lune comme thème.
Voici un autre exemple, qu’on trouve dans la sourate Le Créateur :
13 Il fait que la nuit pénètre le jour et que le jour pénètre la nuit. Et Il a soumis le soleil et la lune. Chacun d’eux s’achemine vers un terme fixé. Tel est Allah, votre Seigneur : à Lui appartient la royauté, tandis que ceux que vous invoquez, en dehors de Lui, ne sont même pas maîtres de la pellicule d’un noyau de datte.
Un passage très connu du Coran, qu’on trouve dans la sourate La lune, concerne également la lune :
1. L’Heure approche et la lune s’est fendue.
Le miracle de la lune fendue est de grande importance dans l’Islam ; elle est censée être une preuve de la révélation faite par Mahomet. En réalité, cette insistance lunaire relève du polythéisme animiste et, d’ailleurs, le symbole de l’Islam, le croissant lunaire et l’étoile de Vénus, est un symbole qu’on trouve dans l’antiquité babylonienne et égyptienne.
Le soleil et la lune de l’Islam témoignent de l’intégration forcée du polythéisme animiste dans le monothéisme, au moyen du Coran comme synthèse naturaliste du monde.
Dans la sourate Les bestiaux, on trouve d’ailleurs littéralement la preuve que le culte des étoiles, du soleil et de la lune a été remplacés par un Dieu « statique » ; c’est tellement flagrant qu’il est étrange que les commentateurs bourgeois aient raté ce qui se pose comme une évidence historique.
75 Ainsi avons-Nous montré à Ibrahim (Abraham) le royaume des cieux et de la terre, afin qu’il fût de ceux qui croient avec conviction.
76 Quand la nuit l’enveloppa, il observa une étoile, et dit: « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu’elle disparut, il dit: « Je n’aime pas les choses qui disparaissent. »
77 Lorsqu’ensuite il observa la lune se levant, il dit: « Voilà mon Seigneur ! » Puis, lorsqu’elle disparut, il dit: « Si mon Seigneur ne me guide pas, je serai certes du nombre des gens égarés. »
78 Lorsqu’ensuite il observa le soleil levant, il dit: « Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand » Puis lorsque le soleil disparut, il dit: « Ô mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Allah.
79 Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé (à partir du néant) les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés. »
Dans la même sourate, on lit par ailleurs un peu plus loin :
95 C’est Allah qui fait fendre la graine et le noyau : du mort il fait sortir le vivant, et du vivant, il fait sortir le mort. Tel est Allah. Comment donc vous laissez-vous détourner ?
96 Fendeur de l’aube, Il a fait de la nuit une phase de repos ; le soleil et la lune pour mesurer le temps. Voilà l’ordre conçu par le Puissant, l’Omniscient.
97 Et c’est Lui qui vous a assigné les étoiles, pour que, par elles, vous vous guidiez dans les ténèbres de la terre et de la mer. Certes, Nous exposons les preuves pour ceux qui savent !
Cette réduction des étoiles à un moyen de se guider reflète la position primitive du caravanier, cependant c’est aussi une manière de masquer, comme pour le soleil et la lune, le caractère polythéiste-animiste du thème des étoiles, également omniprésent dans le Coran.
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