Le KAPD a été le centre historique de la « gauche germano-hollandaise », avec un important centre intellectuel aux Pays-Bas. L’Italie, la Belgique et la France ont été par contre les pays touchés par la « gauche italienne ».
Initialement, la gauche italienne s’appuie sur la position d’Amadeo Bordiga, qui sera l’opposant historique à Antonio Gramsci dans la bataille pour la direction du Parti Communiste d’Italie.
Amadeo Bordiga s’opposait à tout positionnement parlementaire et prônait la préparation immédiate pour le soulèvement, dans une ligne tout à fait similaire au KAPD. Le « bordiguisme », toutefois, accorde une place capitale au « Parti » considéré comme état-major de la lutte.
Là où la « gauche germano-hollandaise » est totalement « basiste » en s’appuyant sur les conseils – d’où la dénomination de « conseillisme » – la gauche italienne prône le Parti idéologiquement radical comme catalyseur à préparer pour les vagues révolutionnaires.
Sa maturation et sa structuration sont plus tardives que pour la « gauche germano-hollandaise », puisqu’il faut attendre 1938 pour que se forme un « Bureau international ds fractions ».
Pour cette raison, le « bordiguisme » a fait de l’antifascisme une obsession, ne cessant de l’attaquer et fondant principalement son identité sur la dénonciation d’un appareil idéologique « démocratique » et « antifasciste » empêchant la révolution.
Voici ce qu’on lit dans le journal bordiguiste Prometeo, en mars 1944 :
« A l’appel du centrisme de rejoindre les bandes partisanes, on doit répondre par la présence dans les usines d’où sortira la violence de classe qui détruira les centres vitaux de l’État capitaliste. »
Amadeo Bordiga ne sera d’ailleurs emprisonné que temporairement par le fascisme italien, lui-même ayant cessé toute activité et considérant donc la Résistance comme une entreprise contre-révolutionnaire ; l’une des œuvres les plus connues du bordiguisme est « Auschwitz ou le grand alibi », consistant en un grand relativisme de la Shoah, considérée comme une « manœuvre » impérialiste pour justifier la « démocratie ».
Pour cette raison également, le « bordiguisme » ne rejette pas la révolution de 1917 comme le conseillisme l’a fait. Le « bordiguisme », dans une approche similaire au trotskysme, considère que Lénine a été le fer de lance d’une vague révolutionnaire qui s’est terminée.
Il faudrait « maintenir le cap » et le « bordiguisme » se considère comme la « gauche du komintern », comme les gardiens des meilleurs valeurs de la vague révolutionnaire de 1917.
Pour cette raison également, la « gauche communiste » se pose en concurrente directe du trotskysme s’étant développé parallèlement, tout en lui étant proche politiquement historiquement, dans l’opposition commune au « stalinisme ».
Historiquement, l’Internationale Communiste a d’ailleurs considéré le bordiguisme comme une variété de trotskysme ; des membres de la « minorité de la Fraction communiste italienne » participèrent d’ailleurs, aux côtés de trotskystes, au POUM lors de la guerre d’Espagne.
En 1952, l’organe de presse bordiguiste Battaglia Comunista se présente de la manière suivante, définissant définitivement l’identité de la « gauche italienne » :
« CE QUI DISTINGUE NOTRE PARTI : la ligne de Marx à Lénine, à Livourne 1921, à la lutte de la Gauche contre la dégénérescence de Moscou, au refus des blocs de partisans; l’œuvre difficile de restauration de la doctrine et de l’organe révolutionnaire, au contact de la classe ouvrière, en dehors de la politicaillerie personnelle et électoraliste. »
Pour cette raison, la principale activité consiste en l’établissement d’un « bilan » de cette vague, ce qui a amené à mettre à l’écart en partie le bordiguisme comme idéologie, pour ne plus assumer que la dénomination de « gauche communiste », de « parti communiste international », ou encore de « programme communiste ».
Un Partito Comunista Internazionalista obtint un certain succès au tout début des années 1950, avant de se diviser en multiples tendances débattant sur l’interprétation historique des années 1920 et 1930. La « gauche communiste » s’appuie ainsi sur deux courants historiques des années 1950 : celui d’Amadeo Bordiga avec le Partito Comunista Internazionale – il programma comunista et celui d’Onorato Damen avec le Partito Comunista Internazionalista – Battaglia Comunista.
Amadeo Bordiga représente l’un des chefs de file de ces débats, prônant une ligne plus « léniniste », interprétée au sens où il y aurait des conceptions figées à protéger. Amadeo Bordiga dit ainsi dans Défense de la continuité du programme communiste :
« Le parti accomplit aujourd’hui un travail d’enregistrement scientifique des phénomènes sociaux afin de confirmer les thèses fondamentales du marxisme (…). Il répudie l’élaboration doctrinale qui tend à fonder de nouvelles théories ou à démontrer l’insuffisance du marxisme à expliquer les phénomènes (…).
Le parti interdit la liberté personnelle d’élaborer (ou mieux d’élucubrer) de nouveaux schémas et explications du monde social contemporain : il proscrit la liberté individuelle d’analyse, de critique et de perspective pour tous ses membres, même les plus formés intellectuellement, et il défend l’intégralité d’une théorie qui n’est pas le produit d’une foi aveugle, mais la science de classe du prolétariat. »
A cette ligne figée, qui provoquera des soubresauts tiers-mondistes vu que c’était le seul secteur où une dynamique historique était trouvée (ainsi en faveur de la Palestine, puis du Kurdistan), s’opposait celle d’Onorato Damen, refusant notamment les mouvements de libération nationale et se tournant notamment vers Rosa Luxembourg dans une remise en cause générale du léninisme et tendant à un esprit d’ouverture vers l’ultra-gauche.