Le matérialisme dialectique et la dialectique d’avoir tort ou raison

Deux personnes discutent ; appelons les A et B.

Elles sont en désaccord : A pense avoir raison, B également.

On part du principe que leurs points de vue ne se distinguent pas par des nuances, mais constituent une différence.

Cela veut dire que A considère que B a tort, et inversement.

Peu importe que l’un ait réellement raison ou que ce soit l’autre ; possiblement les deux peuvent avoir tort, voire même raison.

Ce qui compte, c’est seulement leur différence.

Ce qu’il s’agit de remarquer ici, c’est que l’erreur serait de considérer que A doit positivement reconnaître le point de vue de B, ou B celui de A.

En effet, si elles sont en désaccord, A considère que B formule le point de vue négatif, et B considère la même chose pour le point de vue de A.

A, en ayant raison, nie le point de vue de B, tout comme B nie le point de vue de A.

A considère que le point de vue de B n’existe pas : il est absurde.

Et B voit la même chose pour le point de vue de A.

Mais, en plus d’être absurde, le point de vue erroné freine le point de vue juste, selon l’un et l’autre.

Cela veut dire qu’ils ont la même perspective, mais pour deux points de vue différents.

C’est là une contradiction, au-delà même de la contradiction concernant ce qu’ils disent.

Le fait même de poser la différence implique la contradiction.

Maintenant, quel est l’intérêt de remarquer cela ?

C’est de constater que convaincre quelqu’un, ce n’est pas l’amener à rejoindre positivement son propre point de vue.

Lorsque quelqu’un n’a pas le même point de vue qu’un autre, il ne s’agit pas simplement d’une « absence » de point de vue, mais d’une négation du point de vue.

Autrement dit, lorsque les révolutionnaires discutent avec des non-révolutionnaires, ces derniers n’expriment pas seulement l’absence de point de vue révolutionnaire, mais également sa négation.

Ce qui veut dire que convaincre quelqu’un, ce n’est jamais simplement l’amener à exprimer positivement un point de vue, comme le considérait par exemple le philosophe grec de l’antiquité Socrate, qui expliquait qu’il faut faire accoucher les âmes, qu’il faut amener l’esprit à rejoindre un point de vue, en posant les bonnes étapes dans le cheminement de la pensée.

En réalité, toute détermination est négation.

On ne rejoint pas un point de vue par une adhésion positive, mais d’abord par une négation – celle de sa propre négation initiale.

Le positif naît comme négation de la négation.

Et, en même temps, la négation de la négation n’existe pas, car toutes les contradictions sont reliées, rien n’existe isolément.

C’est pourquoi, en pratique, la lutte pour la vérité apparaît comme combat entre l’ancien et le nouveau.

Cela nous permet de saisir l’explication de Lénine au sujet de la conscience révolutionnaire, qui ne naît jamais spontanément chez les travailleurs.

Elle vient de l’extérieur de leur vécu direct dans le travail salarié dans le capitalisme ; elle est produite par une compréhension scientifique de l’ensemble des rapports sociaux.

Il y a d’abord dans la conscience d’un travailleur la négation de la négation de la révolution, car le travailleur avait accepté qu’il ne devait pas y avoir de révolution.

Puis cette négation de la négation s’efface, en fait, dans la compréhension révolutionnaire de la société, c’est-à-dire la compréhension scientifique du monde, le matérialisme dialectique.

C’est là qu’on constate l’affrontement entre l’ancien et le nouveau, la transformation ininterrompue de la matière éternelle dans un univers infini.