Le matérialisme dialectique et l’anticapitalisme romantique

Le matérialisme dialectique oppose, par définition, le nouveau à l’ancien ; le mouvement éternel de la matière procède par sauts qualitatifs et aucun retour en arrière n’est possible. Le nouveau, inévitablement, est faible, frêle, fragile, initialement, avant de triompher ; Mao a résumé cela par la formule « la voie est sinueuse, l’avenir est lumineux ».

Selon les principes dialectiques, la contradiction au cœur du mode de production capitaliste a deux aspects : la classe ouvrière et la classe capitaliste. Ces deux aspects sont antagoniques et appellent, de manière dialectique, à l’établissement de la dictature du prolétariat au lieu de la dictature de la bourgeoisie.

Une personne engagée de manière matérialiste dans la lutte des classes, le travail productif et l’expérimentation scientifique ne peut pas ne pas saisir cette dynamique dialectique. Si ce n’est pas le cas, alors inévitablement il y aura une tendance à être corrompu par le pessimisme, le nihilisme, qui relèvent de la bourgeoisie décadente.

Un sentiment très fort qui se produit est l’impression d’être inadapté à son époque ; c’est le « mal du siècle » romantique où il semble que les possibilités d’épanouissement sont impossibles, contrairement en apparence à une époque précédente.

Le romantisme exprime ainsi la nostalgie d’une époque qui n’a pas été connue, mais qui est idéalisée. Cette idéalisation permet de souligner des valeurs rentrant en conflit avec celles dominant à l’époque où la pseudo nostalgie est valorisée.

Le romantisme est en pratique un phénomène pratiquement religieux, fonctionnant à la fois comme consolation, par la fuite esthétique, intellectuelle, spirituelle, et en même temps comme vecteur d’une protestation contre l’idéologie dominante et l’ordre établi.

Or, de par les modalités d’existence du mode de production capitaliste, il existe des couches sociales qui, de manière temporaires, maintiennent un semblant d’existence, sans parvenir à devenir en tant que telles des classes sociales. Ces couches sociales, placées comme tampon entre le prolétariat et la bourgeoisie, peuvent être soit directement liées à la classe ouvrière comme les masses populaires, soit directement liées à la classe capitaliste comme l’appareil d’État.

Leur nature sociale est variable et sujette à de nombreux changements, car ce ne sont pas des classes : seule la classe capitaliste et la classe ouvrière conservent leur stabilité historique, la bourgeoisie entrant toujours plus en décadence et comportant un nombre toujours plus réduit de gens, la classe ouvrière se renforçant.

Pour cette raison, il y a un nombre très important d’idéologies semi-cohérentes représentant les intérêts de ces couches sociales qui apparaissent. Selon ce qui est nécessaire, ces idéologies piochent dans tous les courants politiques historiques, maintenant la fiction de la cohérence par le volontarisme et la fuite en avant, un vocabulaire pseudo-révolutionnaire, etc.

Elles mettent en place un anticapitalisme romantique, c’est-à-dire mettant en avant une forme passée comme ayant été correcte mais corrompue, trahie. Il s’agirait, par conséquent, de faire repartir en arrière la roue de l’Histoire.

Ces idéologies visent à justifier l’existence de certaines couches sociales aux yeux du capitalisme en se montrant capable de manipuler les masses populaires, tout comme elles cherchent à manipuler les masses populaires afin d’exercer une pression sur le capitalisme.

Ces idéologies relèvent de l’anticapitalisme romantique. Elles ont un socle social commun, depuis les courants national-révolutionnaire, national-syndicaliste, fasciste, etc. jusqu’au communisme libertaire, l’anarchisme, etc.

Elles reflètent un moyen de « geler » le capitalisme, de le « réformer » dans un sens petit-bourgeois, tout en maquillant cela derrière une rhétorique révolutionnaire.

Lénine, dans La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), note de manière importante :

« On ne sait pas encore suffisamment à l’étranger que le bolchevisme a grandi, s’est constitué et s’est aguerri au cours d’une lutte de longues années contre l’esprit révolutionnaire petit-bourgeois qui frise l’anarchisme ou lui fait quelque emprunt et qui, pour tout ce qui est essentiel, déroge aux conditions et aux nécessités d’une lutte de classe prolétarienne conséquente.

Il est un fait théoriquement bien établi pour les marxistes, et entièrement confirmé par l’expérience de toutes les révolutions et de tous les mouvements révolutionnaires d’Europe, – c’est que le petit propriétaire, le petit patron (type social très largement représenté, formant une masse importante dans bien des pays d’Europe) qui, en régime capitaliste, subit une oppression continuelle et, très souvent, une aggravation terriblement forte et rapide de ses conditions d’existence et la ruine, passe facilement à un révolutionnarisme extrême, mais est incapable de faire preuve de fermeté, d’esprit d’organisation, de discipline et de constance.

Le petit bourgeois, « pris de rage » devant les horreurs du capitalisme, est un phénomène social propre, comme l’anarchisme, à tous les pays capitalistes.

L’instabilité de ce révolutionnarisme, sa stérilité, la propriété qu’il a de se changer rapidement en soumission, en apathie, en vaine fantaisie, et même en engouement « enragé » pour telle ou telle tendance bourgeoise « à la mode », tout cela est de notoriété publique. »

L’anticapitalisme romantique est toujours réactionnaire en tant qu’idéologie éclectique et anti-matérialiste ; les individus le portant sont de nature contradictoire politiquement, tendant vers la bourgeoisie ou le prolétariat selon les moments.

La démarche de Front populaire et de démocratie populaire a été mise en avant, durant les années 1930 et 1940, comme moyen de convaincre de manière rationnelle et progressiste les éléments petit-bourgeois de leur intérêt à la démocratie et au socialisme.

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