Le langage est un dispositif d’échange d’informations entre différents être vivants disposant d’une capacité de synthèse. Le langage, au sens strict, se distingue donc du « langage » informatique qui est une diffusion de données, utilisées selon des programmes, sans capacité de synthèse.
Pour cette raison, le langage utilisé, par les humains et les animaux, est bien plus développé dans sa forme que le langage de type informatique. L’esprit de synthèse du récepteur n’est, en effet, possible que si les données elles-mêmes correspondent au façonnement d’un reflet dans l’esprit, d’une forme synthétique.
Sans cela, le langage s’assécherait, alors qu’on voit qu’il s’approfondit, se densifie, devient de plus en plus riche. La réduction des capacités oratoires et rédactionnelles au sein du Mode de Production Capitaliste actuel témoigne d’ailleurs de sa réalité contre-nature.
Cependant, il faut bien noter que cette réduction n’affaiblit pas tant le langage que les personnes l’utilisant. Pour cette raison, le matérialisme dialectique considère qu’il faut assumer la position culturellement la plus développée du langage, avant l’affaiblissement culturel individuel dû à la décadence impérialiste.
Le langage n’est pas une superstructure, propre à un mode de production ; c’est une conception petite-bourgeoise que d’appeler à une révolution des formes, un langage « libéré », des « mots en liberté », etc.
Staline, dans Le marxisme et les problèmes de linguistique, note de manière absolument juste :
« Toute base a sa propre superstructure, qui lui correspond. La base du régime féodal a sa superstructure, ses vues politiques, juridiques et autres, avec les institutions qui leur correspondent ; la base capitaliste a sa superstructure à elle, et la base socialiste la sienne.
Lorsque la base est modifiée ou liquidée, sa superstructure est, à sa suite, modifiée ou liquidée ; et lorsqu’une base nouvelle prend naissance, à sa suite prend naissance une superstructure qui lui correspond (…).
La langue à cet égard diffère radicalement de la superstructure.
La langue est engendrée non pas par telle ou telle base, vieille ou nouvelle, au sein d’une société donnée, mais par toute la marche de l’histoire de la société et de l’histoire des bases au cours des siècles. Elle est l’œuvre non pas d’une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société, des efforts des générations et des générations.
Elle est créée pour les besoins non pas d’une classe quelconque, mais de toute la société, de toutes les classes de la société. C’est pour cette raison précisément qu’elle est créée en tant que langue du peuple tout entier, unique pour toute la société et commune à tous les membres de la société. »
Le langage, qui a pris la forme de langues dans chaque cadre national, est ainsi lié au mouvement même de la matière. En ce sens, il est vivant, il se développe, grandit. Il accompagne le développement de l’Humanité, étant son moyen de communication au sein de ses activités.
Il n’y a pas de langage sans activités ; le langage n’existe qu’au sein d’une Humanité agissante. Staline dresse par conséquent le constat suivant :
« La langue, au contraire, est liée directement à l’activité productrice de l’homme, et pas seulement à l’activité productrice, mais à toutes les autres activités de l’homme dans toutes les sphères de son travail, depuis la production jusqu’à la base, depuis la base jusqu’à la superstructure. C’est pourquoi la langue reflète les changements dans la production d’une façon immédiate et directe, sans attendre les changements dans la base.
C’est pourquoi la sphère d’action de la langue, qui embrasse tous les domaines de l’activité de l’homme, est beaucoup plus large et plus variée que la sphère d’action de la superstructure. Bien plus, elle est pratiquement illimitée.
Voilà la raison essentielle pour laquelle la langue, plus précisément son vocabulaire, est dans un état de changement à peu près ininterrompu. Le développement ininterrompu de l’industrie et de l’agriculture, du commerce et des transports, de la technique et de la science exige de la langue qu’elle enrichisse son vocabulaire de nouveaux mots et de nouvelles expressions nécessaires à cet essor.
Et la langue, qui reflète directement ces besoins, enrichit en effet son vocabulaire de nouveaux mots et perfectionne son système grammatical. »
La question du système grammatical est ici très importante. La question est, en effet, de savoir s’il est né uniquement de façon arbitraire, comme sous-produit des échanges, avec de multiples variantes possibles selon les situations, les possibilités d’échanger (faciles ou non, orales ou écrites, commerciales ou religieuses, etc.).
Staline a, sur ce plan, peut-être formulé de manière exacte la nature du système grammatical. Il a considéré que, dans le langage, les mots formaient l’aspect particulier et la grammaire l’aspect universel :
« Le trait distinctif de la grammaire est qu’elle fournit les règles de modification des mots, en considérant, non pas des mots concrets, mais des mots en général, vidés de tout caractère concret; elle donne les règles de la formation des propositions en considérant, non pas des propositions concrètes, par exemple un sujet concret, un prédicat concret, etc., mais d’une façon générale toutes les propositions indépendamment de la forme concrète de telle ou telle proposition.
Par conséquent, faisant abstraction du particulier et du concret, aussi bien dans les mots que dans les propositions, la grammaire prend ce qu’il y a de général à la base des modifications des mots et de la combinaison des mots au sein d’une proposition, et elle en tire les règles grammaticales, les lois grammaticales.
La grammaire est le résultat d’un travail prolongé d’abstraction de la pensée humaine, l’indice d’immenses progrès de la pensée.
A cet égard, la grammaire rappelle la géométrie qui énonce ses lois en faisant abstraction des objets concrets, en considérant ceux-ci comme des corps dépourvus de caractère concret et en définissant les rapports entre eux, non point comme des rapports concrets entre tels ou tels objets concrets, mais comme des rapports entre les corps en général, dépourvus de tout caractère concret. »
Le problème de poser les choses ainsi est que cela empêche de saisir le rapport dialectique entre le vocabulaire et la grammaire propre à une langue. De fait, les mots sont façonnés historiquement de telle manière à s’insérer de la manière la plus nette possible dans la grammaire ; il y a donc interaction de chaque aspect et non pas séparation concret / abstrait, particulier / général.
Le français, par exemple, sépare nettement chaque mot, alors que l’allemand peut en combiner certains tout en conservant également le principe de déclinaison, ce dernier étant encore généralisé en tchèque, alors qu’en finnois les prépositions sont placées à la fin de mots comme postpositions, etc.
La nécessité d’avoir une communication aisée a donné naissance à un vocabulaire adapté aux formes grammaticales, tout comme ces dernières ont pris forme en répondant à des besoins concrets, pratiques.
L’étude de l’approche concrète de chaque langue est ainsi nécessaire, afin de saisir comment l’unification mondiale du langage se développe, jusqu’à sa réalisation dans le communisme.
Il va de soi ici qu’on ne peut prendre en considération que les langues réelles, et non pas les langues fictives inventées par des intellectuels romantiques idéalisant une nation imaginaire, des traditions imaginaires, etc.
En ce sens, le constat fait par Staline est entièrement juste :
« La langue compte parmi les phénomènes sociaux qui agissent pendant toute la durée de l’existence de la société. Elle naît et se développe en même temps que naît et se développe la société. Elle meurt en même temps que la société. Pas de langue en dehors de la société.
C’est pourquoi l’on ne peut comprendre la langue et les lois de son développement que si l’on étudie la langue en relation étroite avec l’histoire de la société, avec l’histoire du peuple auquel appartient la langue étudiée et qui en est le créateur et le dépositaire.
La langue est un moyen, un instrument à l’aide duquel les hommes communiquent entre eux, échangent leurs idées et arrivent à se faire comprendre.
Directement liée à la pensée, la langue enregistre et fixe, dans les mots et les combinaisons de mots formant des propositions, les résultats du travail de la pensée, les progrès du travail de l’homme pour étendre ses connaissances, et rend ainsi possible l’échange des idées dans la société humaine. »
La langue n’obéit pas simplement au mouvement dialectique en général, elle le fait selon des modalités concrètes, restant à étudier. La formation du français moderne à l’époque du classicisme est certainement une période clef pour saisir les modalités d’approfondissement d’une langue.
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