Le matérialisme dialectique et le rapport du vide au plein en relation avec la notion d’énergie

« Nous sommes tous des tireurs d’élite » (Chine populaire, 1975)

Le vide et le plein sont des contraires : ce qui est vide n’est pas plein et inversement. Cependant, ce sont là des concepts pratiques qui indiquent une tendance et non pas un absolu. Lorsqu’on remplit le réservoir d’un véhicule, on dit qu’on fait le plein, cependant on ne peut pas atteindre un plein parfait, absolu, en raison d’un espace qui restera forcément vide dans le réservoir, d’une poche d’air, de l’absence de pureté complète du carburant, etc.

De la même manière, un réservoir ne peut pas être totalement vide, il y aura toujours des résidus, même infimes. Dire qu’on fait le plein ou que le réservoir est vide est ainsi lié à la pratique et indique une tendance de fond permettant ou non les choses ; en termes scientifiques, ce sont des approximations.

Ces approximations pratiques prennent des proportions cosmologiques lorsqu’on s’intéresse au vide spatial, c’est-à-dire à un « lieu » considéré comme étant sans matière. Il y aurait la matière et, à un moment, une absence de matière, par exemple dans l’espace entre le Soleil et la Terre.

Or, il existe entre le Soleil et la Terre un mouvement : celui de la lumière. S’il n’y a rien, comment la lumière peut-elle parcourir ce rien pour arriver jusqu’à nous ? La réponse bourgeoise est de dire que la question ne se pose pas ainsi, car la lumière est de l’énergie, et pas de la matière.

Même en admettant ce point de vue idéaliste, comment alors une fusée partie de la Terre peut-elle arriver jusqu’à la lune, puisqu’il n’y a rien entre les deux, puisque tout est vide ? La réponse bourgeoise est de dire que ce vide a des particularités physiques.

On saisit alors l’incohérence bourgeoise : si le vide a en effet des particularités physiques, alors il est matériel. C’est un tour de passe-passe de nier au vide des caractéristiques matériels sous prétexte qu’il y a une contradiction avec la matière telle qu’on la connaît usuellement sur Terre.

Bien plus, le vide est la preuve du développement inégal de la matière et la particularité du vide n’est pas d’être immatériel, mais de représenter une qualité dans la quantité générale de matière.

Dans un univers en oignon, où toutes les couches s’entremêlent, le vide n’est pas le rien, mais le point d’achoppement avec une autre couche de la réalité. Seul l’idéalisme considère que la matière a une forme fixe, qu’on connaît, et que dès que cela devient compliqué car « invisible » ou « insaisissable » alors il n’y aurait rien, ce serait le vide.

Cette erreur bourgeoise aboutit à la conception d’une matière statique, fixée, conduisant inéluctablement à une notion idéaliste d’énergie. La science a beau savoir que la matière est en mouvement par définition, dès que le cadre fixé semble « invisible », « insaisissable », on sort le concept d’énergie comme on sort le concept de vide, afin d’expliquer la différence dans le processus matériel… sans avoir besoin de l’expliquer.

Pourtant, si l’énergie est en mouvement, si elle est même mouvement en tant que tel, alors elle est bien matérielle, puisque c’est la matière qui est mouvement et inversement. En 1908 déjà, Lénine posait la question dans Matérialisme et empirio-criticisme : le mouvement est-il concevable sans matière ?

Il y répondait de la manière suivante : si on pense que oui, alors une telle affirmation ne vise qu’à séparer de manière idéaliste, le corps et l’esprit, au moyen d’une « énergie » qui flotterait et accorderait du mouvement à telle ou telle chose, matérielle comme immatérielle. Et cela nie la complexité infinie de la matière.

Lénine, dans Matérialisme et empirio-criticisme, fait cette remarque ô combien importante sur le caractère inépuisable de la matière :

« L’admission d’on ne sait quels éléments immuables, de l’« essence immuable des choses », etc., n’est pas le matérialisme ; c’est un matérialisme, métaphysique, c’est-à-dire anti-dialectique.

[Le social-démocrate allemand] Joseph Dietzgen soulignait pour cette raison que « l’objet de la science est infini », que « le plus petit atome » est aussi incommensurable, inconnaissable à fond, aussi inépuisable que l’infini, « la nature n’ayant dans toutes ses parties ni commencement ni fin » (Kleinere philosophische Schriften, pp. 229-230) ».

Les notions de vide et d’énergie visent précisément à supprimer le caractère infini de la connaissance scientifique toujours en développement.

Ce sur quoi bute la science enfermée par la bourgeoisie, c’est d’une part bien entendu sur le fait de s’appuyer sur concept mécanique de cause et de conséquence, mais d’autre part surtout une lecture unilatérale du rapport entre le fond et la forme.

Si l’on prend ainsi le concept de masse, il est en effet utile pour établir certains rapports matériels ; il est toutefois inopérant pour saisir d’autres rapports matériels. C’est inévitable, car aucun concept n’est absolu d’une part, les rapports matériels sont infinis d’autre part.

La science comprimée intellectuellement par la bourgeoisie fait un fétiche de ce qu’elle voit, sans en saisir le caractère relatif, par peur d’assumer qu’il n’y a que de la matière, que celle-ci est inépuisable, qu’il y a « autant » de matière dans un grain de sable que dans une galaxie, car les différentes couches de matière sont infinies.

Le matérialisme dialectique revendique le caractère infini de la matière-mouvement constituant l’espace, le temps n’étant qu’une différenciation entre les différentes caractéristiques de ce mouvement.

>>Revenir au sommaire des articles sur le matérialisme dialectique