Le matérialisme dialectique et le rapport entre relatif et absolu, particulier et universel

La conception matérialiste dialectique refuse d’isoler des éléments, de les séparer les uns des autres. L’Univers est un ensemble unifié, une seule unité qu’il est impossible de diviser.

Toutefois, la nature de cet ensemble unifié est en mouvement et sa nature est dialectique. Pour cette raison, ce qui existe en particulier n’est pas isolé, mais relève d’un aspect relatif du général qui, lui, est absolu.

Et, en même temps, ce qui existe en particulier relève d’un aspect général qui, lui-même, est une expression du particulier.

C’est un point difficile à saisir, car il faut saisir le particulier dans le général et le général dans le particulier.

Pour saisir cela correctement, il faut porter son attention sur ce qui est particulier et que l’on peut retrouver dans son environnement. Un objet en particulier semble bien avoir une existence propre, un réveil-matin sur une commode par exemple.

Toutefois, ni le réveil-matin ni la commode n’existent de manière indépendante du reste de l’espace et du temps. Le réveil-matin est par exemple lié au temps, dont il reflète le mouvement en donnant l’heure, tout comme la commode utilise un espace bien déterminé dans une pièce.

Cela signifie que la moindre chose dispose de caractéristiques la reliant au reste de son environnement. Si l’on pousse plus loin l’analyse des caractéristiques, on peut s’apercevoir qu’à différents niveaux, chaque chose relève d’un universel.

Le réveil-matin relève de tous les réveils-matins, tout comme du temps qui passe (pris comme aspect universel) ; il consomme de l’énergie, par exemple avec des piles ou de l’électricité, ce qui le relie à d’autres particuliers – une prise électrique, une pile – et d’autres universels – l’électricité.

En tant qu’objet fabriqué, il relève des autres objets fabriqués ; en tant que marchandise, il se relie aux autres marchandises, donc au mode de production capitaliste, etc.

Le processus est sans fin. L’Univers est traversé de part en part, ou plutôt composé, d’une contradiction entre le particulier et l’universel, et partant de là entre le relatif et l’absolu.

Ce qu’on appelle la science est la saisie de différents aspects – les saisir tous est impossible, on ne peut que tendre vers la totalité, justement de par la contradiction entre le particulier et l’universel – en étudiant le mouvement pour voir ce qui est principal, ce qui est secondaire, les différents nœuds existants comme par exemple avec la « division » entre système solaire, galaxie, amas de galaxies, etc.

La pensée a comme dynamique le reflet de ce processus de distinction entre absolu et relatif, universel et particulier, qui existe dans l’Univers.

Voici comment Lénine explique cela dans des Notes philosophiques :

« La différence entre subjectivisme (le scepticisme et la sophistique, etc.) et la dialectique consiste entre autres en ce que dans la dialectique (objective), la différence entre le relatif et l’absolu est relative.

Pour la dialectique objective, il y a également l’absolu dans le relatif.

Pour le subjectivisme et la sophistique, le relatif est seulement relatif et exclut l’absolu (…).

Nous avons la dialectique en commençant par le plus simple, le plus habituel, les plus massivement répandu, etc., par n’importe quelle proposition : les feuilles de l’arbre sont vertes, Jean est un homme, le spitz est un chien, etc.

Déjà ici (comme l’a génialement remarqué Hegel), la dialectique est là : le particulier est général (cf. Aristote, Métaphysique, 3e livre, 4e chapitre, 8-9 : « En effet, nous ne pouvons pas dire qu’il y a une maison [Lénine : en général] en dehors des maisons particulières. »

Ainsi, les contraires (le particulier est en opposition au général) sont identiques : le particulier n’existe pas autrement que dans cette liaison qui conduit au général.

Le général n’existe que dans le particulier, par le particulier.

Chaque particulier est (d’une façon ou d’une autre) général.

Tout général est une parcelle ou un côté ou une essence du particulier.

Tout général n’englobe qu’approximativement tous les objets particuliers. Tout particulier entre incomplètement dans le général, etc., etc.

Tout particulier est relié par des milliers de passages à des particuliers d’un autre type (choses, phénomènes, processus), etc.

Nous avons déjà ici des éléments, des embryons du concept de nécessité, de liaison objective dans la nature, etc.

Le contingent et le nécessaire, le phénomène et l’essence sont déjà présents ici, car quand nous disons : Jean est un homme, le spitz est un chien, cela est une feuille d’arbre, etc., nous rejetons comme contingents une série de caractères, nous séparons l’essentiel de l’apparent et nous opposons l’un à l’autre.

Ainsi, dans toute proposition, on peut (et on doit), comme dans une « cellule », mettre en évidence les embryons de tous les éléments de la dialectique, montrant ainsi que la dialectique est inhérente à toute la connaissance humaine en général.

Et la science de la nature nous montre (et de nouveau c’est ce qu’il faut montrer pour tout exemple le plus simple) la nature objective avec les mêmes qualités, la transformation du particulier en le général, du contingent en le nécessaire, les passages, le glissement, la liaison mutuelle des contraires. »

Dans la moindre chose, il y a la complexité des inter-relations, c’est-à-dire l’ensemble, l’universel, qui lui-même existe par le particulier. L’Univers comme universel est lui-même concret dans le particulier de la matière infinie et éternelle.

>>Revenir au sommaire des articles sur le matérialisme dialectique