Une œuvre d’art n’est pas créée par un génie, mais est le produit d’une personne synthétisant la transformation du monde. Tel est le point de vue du matérialisme dialectique dans les arts.
La musique a connu, depuis l’émergence d’Elvis Presley et des Beatles, une généralisation marchande, dépassant le cadre précédent plus formalisé, plus en liaison directe avec les couches sociales dominantes, les milieux artistiques, etc.
Nous atteignons l’apogée de cette tendance, puisque aujourd’hui, avec le développement des forces productives, toute personne peut étudier la musique, la pratiquer, la diffuser, la faire connaître. Avec internet, la main-mise des monopoles sur ce qui peut être diffusé ou non est largement affaiblie, tout comme elle est en même temps renforcée avec les effets de mode superficiels.
Un aspect essentiel qu’il y a lieu de prendre en compte ici au sujet de la production musicale est la question du saut qualitatif, c’est-à-dire de la valeur d’une œuvre en tant que telle.
Pour qu’une œuvre d’art, en général, ait de la valeur réelle, il faut qu’elle reflète la transformation du monde avec un haut niveau de synthèse, tout en étant accessible.
Si l’on regarde l’émergence de telles œuvres dans la musique par exemple, on voit qu’il y a une période d’incubation artistique, des premières tentatives caractérisées par un expressionnisme plus ou moins grand (c’est-à-dire un certain subjectivisme), puis les œuvres d’arts musicales apparaissent.
Le plus souvent, le succès amène la commercialisation et on a alors un processus de décadence qui prend le dessus.
Ainsi, l’artiste affronte la réalité musicale, le processus dialectique s’enclenche et amène un processus d’extraction, des premiers essais encore empreints de subjectivisme, puis la réalisation d’une œuvre en tant que telle. Si la corruption par le capitalisme intervient, il s’ensuit une décadence plus ou moins rapide, avec un échec du renouvellement, la répétition pure et simple de ce qui a été fait, etc.
Essayons de mettre cela en forme avec des graphiques, la difficulté étant de comprendre le mouvement en spirale. Une œuvre ayant du succès commercial doit, en effet, avoir elle-même un certain niveau culturel, c’est une œuvre d’art qui aurait pu être authentique, mais qui a été détournée de son chemin, soit dès le départ, soit dans un processus de décadence.
Il faut donc prendre en compte quatre niveaux, difficilement représentables en deux dimensions. Tout d’abord, le niveau élémentaire (représenté ici en orange) est celui du dépassement des formes non-artistiques, de faible niveau, ou bien trop élémentaire, simple découverte, répétition d’un modèle etc. Il faut savoir jouer de la musique pour en faire et il existe un processus d’extraction, d’incubation, plus ou moins long, plus ou moins intense, etc.
Ce n’est pas forcément sans valeur et on peut déjà, avec une oreille avisée, découvrir des éléments appelés à grandir.
Dépasser ce premier niveau ne suffit pas, sinon on en reste au niveau expérimental, de la tentative de dépassement. Cela peut être très intéressant, une perspective ouverte de haut niveau, mais cela n’en fait pas une œuvre d’art. On en resterait au niveau expressionniste, empreint de subjectivisme. Il y a donc un second cap, un second niveau (représenté ici en vert) à dépasser.
Alors, on arrive à l’œuvre d’art réel, ayant un haut niveau de technique, reflet d’un processus de synthèse élevé, à la fois de la culture jusqu’à présent, et du monde tel qu’il est et se transforme, avec un haut niveau d’accessibilité pour les masses, ce dernier point n’étant pas à négliger. On a atteint ici un haut niveau de culture (représenté par la ligne mauve).
Par contre, ce processus est semé d’embûches et si on échoue, ou bien si on rentre en décadence, on est amené à tomber soit dans le commercial, soit dans l’expérimental.
Il faut ici ne pas oublier qu’il y a plusieurs aspects : un album commercial peut très bien être encore lié à une réelle perspective culturelle, tout comme un album expérimental peut tendre à l’œuvre d’art, tout comme il peut contenir des éléments commerciaux. Pareillement, une extraction peut être marquée par des reculs, un saut rapide par la suite, etc.
On notera également que, historiquement, un processus de décadence demande une autocritique et donc un haut niveau idéologique ; par conséquent, il est rarissime, voire impossible, de voir une reprise en main par un artiste ou un groupe. Le décrochage, une fois qu’il se produit, semble inévitable, l’artiste ou les artistes n’ayant pas la capacité de se remettre en cause, se répétant par facilité et opportunités commerciales, etc. Les exemples sont ici innombrables.
Prenons ici quelques exemples concrets, devant servir d’inspiration pour une réflexion à ce sujet, demandant bien entendu un approfondissement.
>>Revenir au sommaire des articles sur le matérialisme dialectique