En 2025, rien n’est plus étranger aux gens que le concept de « mode de production ». Il faut une vue d’ensemble, ils ne l’ont pas et en plus il y a de très nombreuses idéologies produites dans les universités pour désorienter.
Dans le même temps, le degré d’interconnexion des gens, leur niveau de culture générale, leur rapport général à la technologie et à la science, font qu’il n’a jamais autant été possible que le prolétariat comprenne dans toutes ses implications le concept de « mode de production ».
Or, comme on le sait, rien ne naît spontanément des esprits. Dans la société de consommation capitaliste, saisir le mode de production, c’est tout à la fois faire œuvre de rupture et témoigner d’une haute conscience historique. L’un ne va pas sans l’autre.
Rien n’est plus vrai aujourd’hui que la thèse léniniste de l’avant-garde, combinant le meilleur de la science et la rupture pratique avec un ordre social décadent, pour saisir le concept de « mode de production ».
Dans les sociétés capitalistes du XXe siècle, l’imbrication d’avec l’ancien ordre féodal était encore tenace. La classe ouvrière a pu sortir de son enveloppe, en cours de maturation et d’expérimentation, ne pouvait comprendre le concept de « mode de production » que de manière bornée, séparée, unilatérale, notamment par rapport à la matière vivante en général : le rapport aux animaux reflète en soi un manque de maturité historique tout au long du 20e siècle.
La circulation marchande n’a, par exemple, triomphé totalement en France que dans les années 1950, voir 1960, débouchant sur la période du capitalisme pleinement développé.
Ce n’est qu’avec la spécificité du mode de production capitaliste pleinement développé que le concept général, universel, de mode de production peut être saisi dans tous ses aspects, car il est le mode de production du développement de la productivité sociale sur la base de l’utilisation maximale de la science et de la technique.
Le point nodal de la nature humaine
Au cœur même d’un mode de production, il y a la dialectique des besoins et des moyens de les satisfaire.
C’est la raison pour laquelle le communisme a toujours insisté sur le fait que le travail, productif, est un besoin essentiel de l’être humain : il est l’expression du caractère naturel de l’être humain, l’expression de sa liaison naturelle avec sa propre nature d’être vivant. Le travail, c’est la raison d’être naturel de l’Humanité.
Ce qui apparaît ensuite comme relevant de la « conscience » est le résultat de la stabilisation de l’être humain face à l’environnemental naturel, avec des moyens sécurisés pour satisfaire les besoins fondamentaux.
C’est le début de la séparation entre travail manuel et travail intellectuel, permettant à la « conscience » de se développer de manière autonome, puis carrément de manière indépendante de la réalité matérielle, ce qui a engendré le courant de l’idéalisme.
À l’inverse, la tâche du matérialisme a toujours été de relier le parcours du développement de la conscience humaine avec le mode de production, la nature humaine.
L’être humain est avant toute chose un animal qui a des besoins primaires à satisfaire avant même d’être un être culturel, de loisir et de science.
Karl Marx et Friedrich Engels nous disent dans l’idéologie allemande :
« Force nous est de débuter par la constatation de la présupposition première de toute existence humaine, partant de toute histoire, à savoir que les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir « faire l’histoire ».
Mais pour vivre, il faut avant tout boire, manger, se loger, s’habiller et quelques autres choses encore.
Le premier fait historique est donc la production des moyens permettant de satisfaire ces besoins, la production de la vie matérielle elle-même, et c’est même là un fait historique, une condition fondamentale de toute histoire que l’on doit, aujourd’hui encore comme il y a des milliers d’années, remplir jour par jour, heure par heure, simplement pour maintenir les hommes en vie. »
L’être humain relève de la matière, précisément de la matière vivante. Dans ce cadre, un mode de production, c’est l’écho pour l’Humanité du développement de la matière vivante en général, qui n’est elle-même qu’un écho du développement infini de l’Univers tout entier.
La Planète-Terre a engendré des conditions propices à la vie et à l’intérieur de celle-ci a vu naître une forme de vie spécifique qui est l’être humain qui possède une nature spécifique, comme l’a dit Engels :
« L’homme est le seul animal qui puisse sortir par le travail de l’état purement animal ; son état normal est celui qui correspond à la conscience et qu’il doit lui-même créer. »
Au départ totalement dépendant de l’élément extérieur naturel, la vie humaine a eu son propre parcours, jusqu’à s’autonomiser de la matière vivante pour mieux l’exploiter (agriculture, domestication des animaux, puis transformation complexe des éléments naturels en éléments propres à satisfaire des besoins ou des moyens de les reproduire, tels le métal, le bronze, l’argile, etc.).
Lorsque l’être humain apparaît, il est un être vivant intégré et soumis à la chaîne de la matière vivante toute entière.
Pour satisfaire ses besoins primaires, il se fonde d’abord sur des clans fondés sur la mise en commun des ressources, étape historique obligée face à un environnement naturel incompris et difficilement maîtrisable.
Puis, progressivement, avec un mouvement en spirale, l’être humain établit des rapports de plus inter-dépendants, dépassant la logique des clans pour aller vers ce qui a été appelé une « société ».
Le matérialisme historique, comme expression spécifique du matérialisme dialectique, est là pour analyser la dimension particulière de cet écho, mais il ne faut jamais perdre de vue qu’il n’y a pas une séparation absolue d’avec le développement de la matière en général.
Le concept développé par Karl Marx de « mode de production » est précisément là pour rappeler cette dimension tout à la fois spécifique de l’être humain (les animaux n’ont pas de mode de production) et son caractère universellement animal du fait qu’il a un rapport de transformation de la nature pour satisfaire sa propre nature. Les forces de la production représentent l’essence de l’Humanité, nous disent Karl Marx et Friedrich Engels :
« Cette somme de forces de production, de capitaux, de formes de relations sociales, que chaque individu et chaque génération trouvent comme des données existantes, est la base concrète de ce que les philosophes se sont représenté comme «substance» et « essence de l’homme ». »
La nature, première des forces productives
La nature est la première des forces productives données à l’être humain pour lui permettre de satisfaire ses besoins. C’est la raison pour laquelle les religions, polythéistes, mais aussi ensuite monothéistes, y ont attaché une si grande importance en l’« objectifiant ».
La pluie, le soleil, les cycles saisonniers, etc., sont autant d’éléments qui concourent à réaliser la production des moyens de satisfaire les besoins humains.
Ne pas en tenir compte, c’est se couper d’un des moyens de réalisation de la production. Cela vaut pour l’agriculture, mais aussi pour le reste des branches industrielles, comme par exemple le rôle de la lumière, des températures, de l’eau etc., qui entrent en ligne de compte.
Dans le livre II du Capital, Karl Marx établit une différence entre procès de travail et procès de production, afin de mieux révéler la différence entre la force productive naturelle et celle issue de la médiation par le travail humain, conscient.
C’est par exemple la question de la fermentation, et plus généralement du mûrissement des aliments, mais aussi du refroidissement de l’acier. Cela relève du temps long de la production et non directement du processus du travail transformateur.
Or, si la matière naturelle est l’une des premières forces productives, alors l’être humain lui-même, comme bloc spécifique de la matière vivante, est également une de ses propres forces productives.
On parle là de la force physique élémentaire évidemment, mais aussi de la force cérébrale transformatrice issue de la capacité de réflexion et de synthèse des lois naturelles qui président au mouvement de la matière universelle.
C’est ce que rappelle bien Karl Marx par la comparaison entre l’œuvre de l’abeille et celle du travail de l’architecte :
« Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature.
L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle. Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie.
En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent.
Nous ne nous arrêterons pas à cet état primordial du travail où il n’a pas encore dépouillé son mode purement instinctif.
Notre point de départ c’est le travail sous une forme qui appartient exclusivement à l’homme.
Une araignée fait des opérations qui ressemblent à celles du tisserand, et l’abeille confond par la structure de ses cellules de cire l’habileté de plus d’un architecte.
Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
Le résultat auquel le travail aboutit, préexiste idéalement dans l’imagination du travailleur. Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté. »
Là est la clef de différenciation entre l’être humain naturel et le reste de la matière vivante : l’Humanité possède une capacité de synthèse de la réalité, au départ à travers de l’expérience collective accumulée de générations en générations, puis synthétisée dans une approche générale et conceptuelleL
L’être humain est alors en capacité de projeter ses besoins et les moyens de les satisfaire. Il est donc en mesure de produire des outils mais aussi et surtout de produire les moyens, de reproduire ces mêmes outils, ce qu’aucun autre bloc de la matière vivante n’est en mesure de faire de part l’absence de synthèse du réel. Les orangs-outans ou les dauphins n’ont jamais construit d’ateliers ou d’usines, car cela nécessite la capacité cérébrale de synthèse des lois objectifs du monde naturel.
La production consciente de la reproduction sociale, au sens de la transmission productive, sociale et culturelle des moyens de satisfaire les besoins, est l’élément déterminant d’un mode de production, l’élément central de la nature de l’Humanité elle-même.
Cela signifie que dans le processus de son développement naturel dialectique – élargissement de ses besoins / approfondissement des moyens de les produire et les reproduire – l’être humain voit son travail être toujours plus efficace, efficient, tout autant qu’il voit se capacité de synthèse du réel, autrement dit sa conscience – s’approfondir.
Comme nous l’enseigne Friedrich Engels :
« Le développement du cerveau et des sens qui lui sont subordonnés, la clarté croissante de la conscience, le perfectionnement de la faculté d’abstraction et de raisonnement ont réagi sur le travail et le langage et n’ont cessé de leur donner, à l’un et à l’autre, des impulsions sans cesse nouvelles pour continuer à se perfectionner. »
Historiquement, cette élévation de la productivité du travail débouche sur une division sociale des tâches, avec certaines parties de la société toujours plus affectées à des tâches manuelles productives, et d’autres à des tâches générales d’organisation et de synthèse du réel. L’élévation de la productivité du travail passe par une mise en commun des forces physiques humaines, au départ par la communauté clanique, puis ensuite par la mise en coopération hiérarchisée et dominatrice d’une classe sociale par une autre.
La nature même de l’être humain ne peut en faire autrement, puisqu’il est contraint de produire et de reproduire ses moyens de satisfactions des besoins sans cesses élargis, et dans le même temps d’avoir le temps de synthétiser l’expérience collective accumulée pour mieux maîtriser ces mêmes processus de satisfaction.
Ce processus dialectique s’opère à des moments historiques, des nexus, dans lesquels l’Humanité a été contrainte de se diviser en classe sociales antagonistes.
On ne pouvait satisfaire l’élargissement des besoins sociaux et culturels sans l’esclavage, exigeant la mise en coopération immédiate d’une abondante force physique collective.
C’est dans ce cadre qu’apparaissent les modes de production fondés sur l’exploitation de la matière vivante, avec l’agriculture et la domestication des animaux, et de la force productive naturelle de l’être humain, avec le mode de production esclavagiste.
Les révoltes d’esclaves apparaissent déjà comme un cri du cœur contre l’exploitation et les débuts de l’aliénation humaine intolérable avec une classe sociale exploiteuse, s’appropriant les fruits de la nature humaine au détriment de l’Humanité toute entière.
Toutefois, cela ne pouvait aboutir à l’abolition du mode de production fondé sur l’exploitation humaine, mais, au mieux, sur sa transformation dans une exploitation « améliorée », celle du servage féodal, car le serf devient maître d’un lopin de terre.
« Si » l’Humanité avait été consciente de tout ce processus, jamais la division en classes n’aurait eu lieu.
Évidemment, cette conscience des choses était impossible dans les circonstances de l’époque marquée par une trop faible productivité sociale, obligeant l’Humanité au passage forcé, nécessaire, dans des formes d’exploitation et de domination de la propre nature et de la nature elle-même. En quelque sorte, l’être humain a du se cannibaliser pour se développer et se permettre les conditions futures d’un développement apaisé, harmonieux.
Le mode de production, la clef du processus historique de formation des sociétés humaines
Dans les traditions empiriste/libérale et démocratique issues des Lumières, ou bien il y a l’individu isolé doué de raison qui entreprend des choses et transforme le réel à son échelle, ou bien il y a des individus doués de raison qui, un beau jour, on ne sait trop comment, décident de s’associer ensemble, pour survenir à leurs besoins et ainsi satisfaire à leur sécurité face aux affres de la nature.
Karl Marx naît dans l’époque qui suit ces errements idéologiques. C’est en posant le concept même de mode de production que naît véritablement, tel un coup de massue idéologique, le matérialisme dialectique.
Il faut ici saluer l’expérience de l’Union Soviétique de Staline qui a publié en 1932 le manuscrit de l’« Idéologie allemande » écrit conjointement par Marx et Engels aux alentours de 1845.
Ce texte fournit les éléments d’analyse les plus approfondis sur le concept de « mode de production ».
Dans ce texte, Marx et Engels règlent leurs compte avec la mystification de l’individu isolé et de la raison amenant un « contrat social ».
Le marxisme reflète le parcours de l’Humanité comme relevant d’une nécessité historique, ayant amené les êtres humains à coopérer ensemble pour satisfaire leurs besoins et les reproduire, tout en élevant et perfectionnant à chaque génération qui s’empile les moyens de satisfaction de ses besoins.
Des besoins qui, au fur et à mesure que se sophistiquent leurs moyens de production et de reproduction, s’élargissent, s’approfondissent tant le domaine « organique » que dans les domaines culturels. C’est donc une sorte de mouvement en spirale infinie, inarrêtable, progressant ensemble vers toujours plus de complexité, écho indirect de l’Univers en développement toujours plus complexe.
Historiquement, le problème a été que ce processus a vu le processus de division sociale du travail, avec notamment l’opposition entre travail manuel et travail intellectuel, faire que l’Histoire apparaît comme le résultat de l’action des « grands hommes », des « grandes idées », des religions, des empires, etc.
S’il est difficile pour les gens de saisir le concept même de mode de production, c’est parce qu’il véhicule en son sein le principe de relations historiques et sociales entre les gens sans qu’ils ne semble les contrôler.
Partir de l’idée du mode de production, c’est reconnaître qu’il y a « quelque chose » au-dessus des gens, de leur stricte individualité. Par conséquent, il y a une nécessité historique qui s’impose à eux, à travers eux et, bien souvent, malgré eux.
C’est ce qu’a expliqué Karl Marx dans la fameuse Préface à la contribution de la critique de l’économie politique de 1859, qui est le second texte majeur posant les bases du concept de « mode de production » :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles. »
Le mode de production conditionne tout
Historiquement, le matérialisme dialectique a posé le concept de « mode de production » dans le cadre de la naissance du marxisme au milieu du XIXe siècle. Il faut attendre la stabilisation de la première expérience d’État ouvrier et paysan avec l’URSS dans les années 1930 pour avoir une première synthèse de ce concept. Une synthèse d’autant plus précieuse qu’elle se fonde sur le renversement du mode de production capitaliste et sa transformation en un nouveau mode de production, le Socialisme.
C’est dans ce cadre que le grand dirigeant Joseph Staline a synthétisé une première étape du matérialisme dialectique dans le classique du communisme, Matérialisme dialectique et matérialisme historique, publié en 1938.
Véritable livre de chevet de nombreux cadres de l’Internationale communiste, ce texte a apporté une lecture pédagogique des plus accessibles pour saisir le concept de « mode de production ».
Forcément, Joseph Staline se fonde tout entier sur la Préface à la contribution de la critique de l’économie politique de Karl Marx, source fondamentale du concept de « mode de production ». C’est avec la première systématisation du matérialisme dialectique dans le cadre de la stabilisation de l’URSS qu’est diffusé massivement cette approche du mode de production en termes d’infrastructure / superstructure.
L’idée c’est de bien faire comprendre les choses avec la métaphore d’une maison : si l’on veut comprendre une société, il faut partir de ses fondements, que sont les manières de produire, d’échanger entre les êtres humains.
On peut alors comprendre leurs manières de voir les choses, de se comporter, de régler leurs attitudes par des lois, une morale, etc.
Malheureusement, cette métaphore qui se voulait d’ordre pédagogique pour faire pénétrer le concept dans les plus larges masses a très vite été dévoyé par le révisionnisme.
Il faut avoir en tête que le texte est publié en 1938, soit un an avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, qui a vu l’activité idéologique des Partis Communistes être réduite par les circonstances, avant qu’un nouvel élan naisse de la victoire sur l’Allemagne hitlérienne.
Le révisionnisme arrivé au pouvoir en 1953, mais déjà présent, n’a pas laissé suffisamment de temps pour que cette métaphore soit bien appropriée et digérée par la masse des militants communistes.
Elle a finalement laissé très vite la place à une interprétation mécanique, non dialectique, dans le cadre de l’interprétation universitaire, bourgeoise, révisée du marxisme.
Cette révision présente le mode de production comme la base matérielle de l’être humain, séparé de la nature. Il y aurait d’un côté la nature, de l’autre l’être humain et ses capacités productives.
Il n’y a alors pas de mode de production comme reflet dans l’Humanité du développement de la matière vivante.
Cette révision a été rendu possible par l’arrivée au pouvoir en URSS d’une nouvelle bourgeoisie, transformant celle-ci en social-impérialisme.
Au-delà d’une incompréhension de la lutte toujours nécessaire entre la ligne rouge et la ligne noire, il y a que le matérialisme dialectique n’avait pas eu le temps de présenter le mode de production comme un écho du développement de la matière vivante dans le cadre du développement de l’être humain.
Du fait de l’arriération des pays du socialisme, entre 1917 et 1953 pour l’URSS, et 1949-1976 pour la Chine populaire, l’étendue du concept de mode de production n’a pu être correctement synthétisé et présenté dans le cadre du matérialisme dialectique.
Il faut attendre la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne lancée par Mao Zedongpour avoir le commencement de cette systématisation.
Il faut ici citer l’éditorial du Quotidien du peuple du 2 juin 1966, Une Grande Révolution qui touche l’homme dans ce qu’il a de plus profond.
« Il est faux d’affirmer qu’il n’existe pas de contradictions dans la société socialiste ; cela va à rencontre du marxisme-léninisme et est en désaccord avec la dialectique.
Comment pourrait-il ne pas y avoir de contradictions ?
Il y en aura toujours, dans mille ans, dix mille ans, voire cent millions d’années.
La terre serait-elle détruite et le soleil se serait-il éteint qu’il en existerait encore dans l’univers.
Chaque chose est en contradiction, lutte et changement. C’est cela le point de vue marxiste-léniniste.
L’essence même du marxisme est critique et révolutionnaire. Il a pour base la critique, la lutte et la révolution.
Et c’est cela seul qui fait progresser continuellement notre cause socialiste.
Le président Mao nous a souvent rappelé, par le dicton : « L’arbre préfère le calme, mais le vent continue de souffler », que la lutte des classes est un fait objectif, indépendant de la volonté de l’homme. »
La lutte de classe comme fait objectif, indépendant de la volonté de l’humanité, est ce qui est à difficile à appréhender. Selon le matérialisme dialectique, un mode de production, c’est l’essence même des formations sociales, des sociétés.
En même temps, comme c’est un concept, il n’est pas « visible » dans le réel. Il faut un saut qualitatif historique pour le retrouver et le comprendre dans tous ses aspects.
C’est aspects sont innombrables.
On a les idées, la morale, les normes éthiques du moment, les manières de se comporter, les manières de consommer les produits, le rapport à la vie naturelle mais aussi aux autres, le psychisme des gens à un moment donné, etc.
Des aspects qui sont inter-connectés bien sûr, avec les manières de produire et de reproduire la vie réelle, avec par conséquent un rôle parfois moteur dans les transformations.
Rien n’évolue de manière séparé, tout est relié. Il serait résolument faux que de considérer un mode de production comme un simple équivalent de « société » ou d’une « économie » ou même d’un mode de gouvernement : le mode de production c’est le fondement historique de l’organisation de l’Humanité à des stades de son développement.
Comme le souligne Karl Marx de manière synthétique :
« Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté ; ces rapports de production qui correspondent à un degré de développement donné de leurs forces productives matérielles.
L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base réelle sur quoi s’élève une superstructure juridique et politique, et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel, en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence ; c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. »
Cela signifie que les mœurs, les idées d’une époque, la morale, le code juridique, etc., relèvent du mode de production. Il n’y a rien en dehors ou à côté du mode de production.
Les forces productives, le nexus de l’expérience humaine invisible à l’œil nu
Les forces productives, c’est le rapport central de l’Humanité avec la Nature et avec elle-même, ce qui revient dialectiquement au même.
En effet, les forces productives, c’est avant tout la capacité de travail humaine puis, au fil des générations, un empilement d’expériences qui, passées au prisme de l’analyse scientifique, se cristallise en une technique ainsi qu’une technologie. Le fil conducteur de l’Histoire humaine, c’est finalement l’archéologie des moyens d’élévation de la productivité du travail.
Les forces productives ne sont nullement un démiurge qui sortent ex nihilo pour « aider » l’humanité à produire et reproduire ses besoins. Elles représentent au contraire l’Humanité elle-même qui se saisit de son rapport à elle-même et à la Nature dans son processus de reproduction de sa vie réelle.
C’est l’expression de sa propre vie en train de se faire et de se léguer aux générations suivantes, dans des moments particuliers de son développement général, donc de sa capacité de synthèse du réel lui-même.
Si Karl Marx a insisté sur la dialectique entre les forces productives et les rapports de production, ce fut précisément pour insister sur ce caractère proprement humain, vivant du processus.
Cependant, il n’y a pas d’un côté les forces productives, et de l’autre les rapports de production, deux entités qui seraient séparées et cloisonnées. Il n’y a pas une « rencontre » entre les deux, comme si l’un étant « naturel » et l’autre « culturel ».
C’est simplement our avoir une approche claire du développement qu’l y a eut nécessité de découper ces deux entités. Il faut considérer ce découpage de l’analyse comme une nécessité conceptuelle pour saisir l’Humanité dans son développement historique.
Dans les faits matériels, toutefois, les forces productives ce sont les rapports de production et inversement.
C’est exactement ce que souligne Karl Marx dans la « Préface » de 1859 :
« À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors.
De formes de développement des forces productives qu’ils étaient ces rapports en deviennent des entraves.
Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. »
Dans le développement de l’Humanité, on a les forces productives et on a les rapports de production. Les deux sont liés, inter-connectés, en contradiction dans le cadre des modes de production fondés sur l’extraction d’un sur-produit, puis d’une plus-value dans le cadre du capitalisme.
Au cœur de la contradiction, il y a toujours la capacité de synthèse du réel par l’Humanité, donnant lieu à de nouvelles techniques et technologies, et donc à de nouveaux besoins.
Il est très important de saisir cet aspect des choses car, comme on le sait, séparation et cloisonnement ne sont pas des catégories dialectiques.
Cela ne peut donc pas être le reflet du processus réel. Dans les faits, ce type de raisonnement a été celui du révisionnisme, d’abord social-démocrate, puis soviétique et enfin chinois.
À chaque fois, il a été avancé la fausse thèse du « développement neutre des forces productives », développement dont le moteur sortirait d’on ne sait trop où.
Il n’y a pas de développement « objectif », « neutre » ; il y a implication, participation, coopération, expérimentation d’une masse infinie de travailleurs sur des décennies et des décennies, des siècles et des siècles.
Il n’y avait pas de recul sur ce processus, et si les forces productives ont trop souvent été considérés comme sorties d’on ne sait trop où, c’est justement du fait de l’absence d’une vision du monde totalisante telle que le matérialisme-dialectique l’offre.
Le développement des forces de la production est longtemps apparu comme quelque chose de mystique, pratiquement divin, d’autant plus qu’elles se sont ensuite enveloppées dans la forme marchande et ont vu l’orientation de leur progrès être séparé de la société toute entière, du fait d’une couche d’intellectuels et de scientifiques placés au service de la classe sociale exploiteuse et dominante.
Il faut ajouter à cela le fait que ce développement relève d’un coopération de millions et de millions d’êtres humains, en fait de toute l’Humanité, et que la synthèse n’arrive bien souvent qu’après des décennies de reproduction besogneuse de la vie réelle, qui plus est dans un cadre déformé par l’exploitation de l’homme par l’homme.
Forcément il y a comme l’impression que tout cela tombe du ciel, après coup, que cela relève d’une « force » au-dessus de la masse des producteurs coopérants.
Par conséquent, le développement des forces productives relève d’un processus humain invisible à « l’œil nu », qui exige un effort d’abstraction dans l’analyse.
Seul le matérialisme dialectique a offert le microscope historique capable de dévoiler « le mystère » de l’histoire de l’Humanité en proposant le concept anthropologique de « mode de production ».
C’est pour cela que le socialisme est scientifique et exige une avant-garde qui formule cette synthèse, pour proposer un filtre, une vision du monde qui oriente le cours des choses en rapport avec le mouvement dialectique.
Le matérialisme dialectique offre une capacité de synthèse et d’abstraction permettant de retrouver le fil de l’Humanité concrète.
C’est ce qui a été bien expliqué par Karl Marx :
« Le concret est concret parce qu’il est la synthèse de multiples déterminations, donc unité de la diversité.
C’est pourquoi il apparaît dans la pensée comme procès de synthèse, comme résultat, non comme point de départ, bien qu’il soit le véritable point de départ et par suite également le point de départ de la vue immédiate et de la représentation.
La première démarche [du « concret » à l’ « abstrait »] a réduit la plénitude de la représentation à une détermination abstraite ; avec la seconde, les déterminations abstraites conduisent à la reproduction du concret par la voie de la pensée. »
Cela a été approfondi et synthétisé par Mao Zedong :
« Le premier pas dans le processus de la connaissance, c’est le contact avec le monde extérieur : le degré des sensations.
Le second, c’est la synthèse des données fournies par les sensations, leur mise en ordre et leur élaboration : le degré des concepts, des jugements et des déductions.
C’est seulement lorsque les données sensibles sont en grand nombre (et non pas fragmentaires, incomplètes), conformes à la réalité (et non pas illusoires), qu’il est possible, sur la base de ces données, d’élaborer des concepts corrects, une logique juste. »
Le « mode de production », c’est l’abstraction qui permet de penser l’Humanité en chair et en os, de manière concrète, dans son développement concret d’avec le reste de la complexification de la matière en général.
Comme toute chose, le mode de production
est soumis à la loi du développement inégal
Voilà les choses claires et posées : le mode de production relève de la nature humaine en lien avec le développement universel de la matière et dans ce cadre, il n’est pas « visible » à l’œil nu. Comme tant d’autres phénomènes de la nature, il y a besoin d’outils et de concepts pour saisir correctement ce processus.
Le mode de production est le concept qui saisit la nature même de l’être humain en transformation, dans le cadre général de transformation de l’univers, de la planète.
On a ici quelque chose d’essentiel, car une incompréhension sur ce plan produit le volontarisme vitaliste, le subjectivisme dans l’approche de l’Histoire.
Sans le concept de mode de production, on ne peut pas avoir une approche scientifique du réel et sans une telle approche, on cherche à « forcer les choses ».
C’est ce qu’on appelle le gauchisme, qui se transforme en tendance droitière ouverte une fois l’échec de ses prétentions.
Et le gauchisme se nourrit, aussi, de l’incompréhension du développement inégal.
Dans les faits, il y a le développement inégal comme loi du matérialisme dialectique. Cela veut dire qu’il y a donc toujours différents modes de production qui subsistent lors d’une époque donnée, avec même l’existence de tous les mode de production passés de l’Humanité à l’échelle du globe.
On sait par exemple qu’il subsiste de manière très limité » des tribus isolés de situant en quelque sorte entre le matriarcat et l’esclavagisme. Il y a les pays semi-féodaux, semi-coloniaux qui ont un développement bancal avec l’imbrication d’un capitalisme déformé fondé sur un féodalisme lui-même déformé.
Si l’on regarde les débuts du lancement du mode de production capitaliste au 15e siècle, on remarque qu’il y a l’imbrication de ce mode de production avec le féodalisme, puis le retour de l’esclavagisme avec les grandes plantations d’Amérique.
C’est la raison pour laquelle les critiques du matérialisme dialectique se sont frayés un chemin dans les interstices du réel pour mieux contester ses prétentions scientifiques.
C’est en considérant cette critique que Mao Zedong intervient comme un apport monumental avec son texte De la contradiction publié en 1937.
En lien avec la thèse scientifique du développement inégal, Mao Zedong rappelle que le réel se développe de manières « multi-couches », avec des inter-connexions qui, en apparence, partent dans tous les sens.
De la même manière que cohabitent des manières de voir, de penser, mais aussi de produire, très différentes à l’échelle du globe.
Pourtant, dans les faits, la tendance qui anime de manière principale le cours de l’évolution historique, c’est la dynamique du mode de production de type capitaliste.
Sa dynamique est telle qu’il s’est précisément imbriqué dans d’autres mode de production antérieurs à son existence, pour mieux s’appuyer dessus et le renforcer. C’est l’aspect principal.
Ce qui ne signifie pas qu’il en soit de même partout : dans les pays semi-féodaux, semi-coloniaux, le maintien d’une production agraire régie par des rapports féodaux forme l’aspect principal du mode de production.
Les exploiteurs se font une illusion
sur la réalité du mode de production
Si l’on résume donc à grands traits un mode de production, c’est la mise en forme déterminée par la luttes des classes de forces productives « disponibles » à un moment donné de l’Histoire.
La « disponibilité » des forces productives relève en fait de la complexification humaine dans le cadre de la complexification de la matière universelle en développement infini.
C’est pourquoi la classe sociale qui voit sa force physiologique et psychique être exploitée résiste et cherche à réorienter les choses. Le degré de complexification atteint à un moment donné ne correspond pas à l’état de ses propres conditions d’existence qui restent le plus souvent bornées, mutilées, vidées de ses potentialités historiques.
À l’inverse, les classes possédantes cherchent à se maintenir en laissant penser que le mode de production qui les porte est immuable, éternel. Pour cela, elle diffuse des conceptions idéalistes ou semi-matérialistes qui visent à masquer le mode de production lui-même et le caractère naturel, donc historique car dialectique, des forces productives.
Karl Marx indique ici que :
« Les pensées de la classe dominante sont aussi, à toutes les époques, les pensées dominantes, autrement dit la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est aussi la puissance dominante spirituelle.
La classe qui dispose des moyens de la production matérielle dispose, du même coup, des moyens de la production intellectuelle, si bien que, l’un dans l’autre, les pensées de ceux à qui sont refusés les moyens de production intellectuelle sont soumises du même coup à cette classe dominante.
Les pensées dominantes ne sont pas autre chose que l’expression idéale des rapports matériels dominants, elles sont ces rapports matériels dominants saisis sous forme d’idées, donc l’expression des rapports qui font d’une classe la classe dominante; autrement dit, ce sont les idées de sa domination. »
Dans le mode de production pré-esclavagiste, les forces productives sont tellement peu développées que la communauté primitive triomphe, ne nécessitant pas de masquer les choses.
Dans les modes de production fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme, la nature des forces productives est continuellement présentée comme relevant d’un supposé pouvoir « magique », « divin », « entreprenant » des classes possédantes.
Les exploiteurs dominent la couche des intellectuels pour mieux tromper les travailleurs sur leur force.
La mystification historique fait partie de la stratégie non consciente des classes possédantes pour neutraliser la révolution.
Dans les modes de production pré-capitalistes, il n’y a pas de classe sociale parvenue à un tel stade de coopération inter-humaine et de rapport à la synthèse du réel qu’elle puisse avoir les moyens idéologiques adéquates pour démystifier l’Histoire.
La classe opprimée reste ballottée par le grand moteur historique, la lutte des classes comme reflet de la hausse de la productivité du travail. Les révoltes d’opprimés ne prennent pas la voie de la synthèse générale, mais de synthèses particulières dans le langage des idées dominantes.
Friedrich Engels nous explique à ce sujet que :
« Depuis l’apparition historique du mode de production capitaliste, la prise de possession de l’ensemble des moyens de production par la société a bien souvent flotté plus ou moins vaguement devant les yeux tant d’individus que de sectes entières, comme idéal d’avenir.
Mais elle ne pouvait devenir possible, devenir une nécessité historique qu’une fois données les conditions matérielles de sa réalisation.
Comme tout autre progrès social, elle devient praticable non par la compréhension acquise du fait que l’existence des classes contredit à la justice, à l’égalité, etc., non par la simple volonté d’abolir ces classes, mais par certaines conditions économiques nouvelles. »
Sur cet aspect, le mode de production capitaliste pleinement développé fait atteindre un niveau inégalé de tromperie.
En même temps, ce n’est que dans ce mode de production, avec un prolétariat mature, que l’être humain peut enfin mettre fin à son parcours torturé, bénéficiant d’une la synthèse générale, le matérialisme dialectique.
Le fétichisme de la marchandise et le mode de production capitaliste pleinement développé
Dans les modes de production pré-capitalistes, le processus de socialisation des travailleurs n’est pas encore très approfondi.
Il y a des grandes plantations dans le féodalisme, des vastes chantiers dans l’esclavage, mais cela se réduit à des secteurs précis de la production matérielle, qui plus est dans des secteurs tournés vers des produits pour les plus riches (palais, édifices religieux, produits de luxe, etc). Il n’y a pas le marché mondial pour tout faire inter-pénétrer et coopérer sur une échelle immense.
Avec le mode de production capitaliste, l’inter-connexion de dizaines, de centaines de milliers de travailleurs, de millions, de milliards de travailleurs est toujours plus approfondie. Au départ à l’échelle d’une région, puis d’un pays tout entier donnant justement lieu à la formation des nations, puis à l’échelle du monde lui-même avec le processus de la « mondialisation. »
Or, le mode de production capitaliste reste un mode de production fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme avec par conséquent une classe exploiteuse qui domine et empêche d’avoir une lecture scientifique des choses.
Qui plus est, le développement du mode de production capitaliste, qui repose sur l’inter-connexion immense de travailleurs dans un contexte sans précédent d’élévation de leur force productive, prend forme dans une enveloppe marchande.
Si dans les modes de production pré-capitalistes, il est aisé de constater que les hommes travaillent pour satisfaire à leurs besoins, les niveaux et degrés d’inter-connexion dans le capitalisme rendent les choses opaques, invisibles d’un coup d’un seul, car la coopération humaine universelle disparaît au profit du seul échange entre des « marchands » isolés les uns des autres.
La production et la reproduction de la vie réelle apparaît dans le mode de production capitaliste comme quelque chose qui tombe du ciel. Cela est renforcé ensuite par les dispositifs publicitaires qui cherchent précisément à masquer les choses pour mieux le rendre « magiques ».
Avec le capitalisme développé, marqué par une société de consommation, il y a une obscurcissement tel des conditions de la production sociale que les individus eux-mêmes atomisés perdent le fil de l’Histoire.
Non pas seulement des conditions de production des biens qu’ils consomment, mais aussi de leur propre histoire en tant qu’être humain.
En ce sens le mode de production capitaliste est le dernier mode de production qui voit l’apogée de l’être humain atteindre le stade ultime de son aliénation.
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’il n’y a rien là qui soit l’œuvre de forces maléfiques comme le diffusent, volontairement ou non, les critiques romantiques du capitalisme.
Si le mode de production capitaliste parvient à un tel stade de mystification, c’est qu’il est l’expression d’un développement sans précédent de la productivité du travail social.
Ce développement débouche sur l’abondance des biens dans une forme complexe, la marchandise, car elle constitue la forme la plus avancée du mode de connexion entre les gens.
Ce développement est donc le reflet d’une Humanité, partie spécifique de la matière vivante, parvenue à un point d’interconnexion et d’interpénétration sans précédent.
L’être humain est parvenu à développer massivement sa force productive, donc sa propre nature d’être transformateur du réel, qu’il peut enfin se retrouver lui-même, dans le grand tout de la Biosphère.
Mais comme il n’y a pas l’intelligence collective qui met à jour consciemment ce niveau de force de productive, le fétichisme de la marchandise couplé à l’idéologie libérale-individualiste de la bourgeoisie produit des ténèbres. C’est le retour d’un obscurantisme dans des conditions modernes.
On ne peut comprendre l’état d’esprit général, la déformation et la mutilation des personnalités en ce début de 21e siècle, sans saisir tout ce parcours historique débouchant sur le mode de production capitaliste pleinement développé.
Les personnalités sont littéralement comprimées dans leur psyché et cela débouche sur des retours en arrière barbares, dans la quête torturée d’un retour à la Nature, une quête d’autant plus intense qu’elle est appelée nécessairement par le mode de production capitaliste pleinement développé.
Les différents modes de production comme conscience de l’interconnexion humaine dans le cadre de la matière vivante
L’histoire de l’Humanité est donc l’histoire des manières de produire et de reproduire sa vie réelle qu’elle a mise en place spontanément et inconsciemment et de manière toujours plus différenciées.
Mais qu’y a t-il qui gît au fond même de l’évolution des modes de production ? La productivité sans cesse approfondie du travail social.
Comment cette productivité s’approfondit-elle sans cesse ? Par la synthèse de l’expérience et du rapport transformateur au réel que l’on nomme « conscience ».
Par conséquent, si l’on suit la tendance de fond du parcours de l’Humanité, on suit en réalité le parcours du développement de sa propre conscience.
Comme l’a toujours rappelé le matérialisme, il ne faut jamais perdre de vue que cette conscience est le fruit, le résultat, de la Nature. Avec le matérialisme dialectique, on sait maintenant que cette nature, c’est la capacité productive humaine elle-même imbriquée dans le grand tout de la matière en développement.
Reste que le progrès de l’Humanité en tant que succession des modes de production traduit le progrès de la clarté de l’Homme avec lui-même et avec la Nature.
Il progresse toujours plus vers la voie de la compréhension de son environnement et donc dans les moyens de mettre en place les capacités de rendre sa vie meilleure, plus douce, plus calme, plus simple, plus pacifiée.
Dans le développement historique de l’Humanité, les modes de production voient les producteurs entrer en coopération pour la satisfaction de leurs besoins.
Ils ne choisissent rien de tout cela, ce sont les conditions qui se trouvent toutes prêtes.
Et lorsque l’état de développement des forces productives atteint un seuil, il y a la nécessité de déchirer l’unité de ces forces avec leur mise en forme sociale et historique (les rapports de production). C’est dans ce moment que l’on passe de la reproduction spontanée, inconsciente de la masse des hommes à un processus de conscience, de l’évolution à la Révolution.
Comme le note Staline :
« Le conflit entre les forces productives nouvelles et les rapports de production anciens, les besoins économiques nouveaux de la société donnent naissance à de nouvelles idées sociales ; ces nouvelles idées organisent et mobilisent les masses, celles-ci s’unissent dans une nouvelle armée politique, créent un nouveau pouvoir révolutionnaire et s’en servent pour supprimer par la force l’ancien ordre de choses dans le domaine des rapports de production, pour y instituer un régime nouveau.
Le processus spontané de développement cède la place à l’activité consciente des hommes ; le développement pacifique, à un bouleversement violent ; l’évolution, à la révolution. »
En ce sens, en filiation avec la thèse léniniste de l’avant-garde, le Parti de la Révolution, c’est le Parti de la science et de la conscience historique.
Ce n’est pas un prétexte pour le rassemblement d’individus « combatifs », « mieux organisés », etc., comme le veut la tradition gauchiste. C’est bien plus que cela, bien mieux que cela : c’est le parti de la civilisation, incarnant la clarté des choses devant l’être humain lui-même.
Par conséquent, dans le fond du développement de mode de production que l’Humanité se donne et se lègue de générations en générations, il y a une tendance qui est celle de la civilisation, qui veut que l’être humain approfondisse toujours plus sa conscience de lui-même et de son rapport à la nature grâce à l’élévation de ses capacités productives.
La succession des modes de production en tant qu’élévation contradictoire du niveau des forces productives relève en fait du parcours de l’Humanité progressant sur le chemin de la conscience d’elle-même, comme expression de la Biosphère ayant la capacité de synthèse du réel.
Avant les modes de production fondés sur l’exploitation anthropocentriste de l’homme par l’homme, les hommes se reproduisaient par « générations spontanées » c’est-à-dire sans aucun maîtrise de leurs destinées collectives.
L’apparition des modes de production pré-cités sonnent comme le début de l’Histoire humaine en tant que processus allant vers la pleine conscience de sa propre naturalité.
On sait combien la religion est apparue comme l’apogée même de la mystification de la nature humaine, obstruée par un grand être au-dessus de tout, impulsant tout, etc.
Karl Marx rappelle que l’illusion humaine de sa propre nature doit s’achever avec le mode de production socialiste :
« En général, le reflet religieux du monde réel ne pourra disparaître que lorsque les conditions du travail et de la vie pratique présenteront à l’homme des rapports transparents et rationnels avec ses semblables et avec la nature.
La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu’elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l’aspect, que le jour où s’y manifestera l’œuvre d’hommes librement associés, agissant consciemment et maîtres de leur propre mouvement social.
Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d’existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d’un long et douloureux développement. »
Dans cette évolution, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne commencée en 1966 en Chine a été le point d’orgue du processus d’approfondissement de la conscience par la mise au poste de commande du matérialisme dialectique dans l’ensemble des domaines de la vie.
Avec la Révolution culturelle, il a été compris la dimension matérialiste dialectique d’un mode de production contre le subjectivisme le réduisant en instrument volontariste d’une classe sociale.
Le mode de production socialiste apparaît ici comme le début de la fin de l’Histoire, car il est le point d’aboutissement du parcours de l’Humanité. On a ici en tête la clef essentielle du basculement du mode de production en capitaliste en mode de production socialiste : l’appropriation privée des fruits de la production sociale.
Cette contradiction entre l’intérêt social, collectif, et celui privé, de la propriété privée, relève en fait de la contradiction entre barbarie et civilisation, entre obscurantisme et Lumières, entre spontanéisme et conscience.
En faisant triompher la conscience générale des lois qui régissent le réel grâce à la planification démocratique des besoins et des moyens de les reproduire, le Socialisme permet à l’Humanité d’aller vers l’ère du Communisme.
C’est le triomphe d’un être humain redevenu maître de lui-même, mais avec un haut degré d’intelligence collective et de maîtrise de son processus de développement dans le cadre de la matière vivante.
Avec l’élévation des forces de productives et la succession des modes de production fondés sur l’exploitation de l’homme par l’homme et l’anthropocentrisme, l’être humain a perdu le fil de sa propre nature.
Dans de telles conditions, il ne parvient plus à comprendre le caractère de son propre développement, il s’emmêle les pinceaux et fait du produit de sa conscience un fétiche à la source même de sa propre nature.
La force du matérialisme dialectique qui met en avant la thèse du reflet dans le cadre d’un mode de production est de retrouver ce fil perdu par le prisme de la conscience.
Voici comment Karl Marx présente admirablement bien les choses :
« Voici donc les faits : des individus déterminés qui ont une activité productive selon un mode déterminé entrent dans des rapports sociaux et politiques déterminés.
Il faut que dans chaque cas isolé, l’observation empirique montre dans les faits, et sans aucune spéculation ni mystification, le lien entre la structure sociale et politique et la production.
La structure sociale et l’État résultent constamment du processus vital d’individus déterminés ; mais de ces individus non point tels qu’ils peuvent s’apparaître dans leur propre représentation ou apparaître dans celle d’autrui, mais tels qu’ils sont en réalité, c’est-à-dire, tels qu’ils œuvrent et produisent matériellement ; donc tels qu’ils agissent sur des bases et dans des conditions et limites matérielles déterminées et indépendantes de leur volonté.
Les représentations que se font ces individus sont des idées soit sur leurs rapports avec la nature, soit sur leurs rapports entre eux, soit sur leur propre nature.
Il est évident que, dans tous ces cas, ces représentations sont l’expression consciente réelle ou imaginaire de leurs rapports et de leur activité réels, de leur production, de leur commerce, de leur organisation politique et sociale.
Il n’est possible d’émettre l’hypothèse inverse que si l’on suppose en dehors de l’esprit des individus réels, conditionnés matériellement, un autre esprit encore, un esprit particulier.
Si l’expression consciente des conditions de vie réelles de ces individus est imaginaire, si, dans leurs représentations, ils mettent la réalité la tête en bas, ce phénomène est encore une conséquence de leur mode d’activité matériel borné et des rapports sociaux étriqués qui en résultent. »
Le mode de production socialiste comme étape visant la généralisation de la conscience civilisée à l’ensemble des domaines de la société grâce au matérialisme dialectique permet à l’Humanité de s’émanciper de l’obscurité nouvelle et passée, d’aller vers le chemin de sa rédemption : le communisme.
Le communisme, c’est le retour de l’Humanité à elle-même, en faisant en sorte que sa nature et son produit, les forces productives, soit comprises comme relevant de sa capacité de synthèse du réel, devant par conséquent être maîtrisées et orientées correctement dans le cadre de la Biosphère dans son ensemble.
On comprend désormais ce que Karl Marx veut dire quand il explique que :
« La dépendance universelle, cette forme naturelle de la coopération des individus à l’échelle de l’histoire mondiale, sera transformée par cette révolution communiste en contrôle et domination consciente de ces puissances qui, engendrées par l’action réciproque des hommes les uns sur les autres, leur en ont imposé jusqu’ici, comme si elles étaient des puissances foncièrement étrangères, et les ont dominés. »
L’humanité marche au communisme, sa voie est celle de la guerre populaire, théorie militaire du prolétariat, car chaque classe a sa propre théorie.
Les masses, qui attendant depuis des centaines d’années, des milliers d’années leur libération, se précipiteront dans le combat révolutionnaire, érigeant leur nouveau pouvoir, établissant le mode de production socialiste.