Les religions monothéistes parlent de leur prophète comme d’un être à part qui a choisi de vivre à l’écart dans un souci de quête spirituelle.
Du point de vue matérialiste historique, il faut comprendre par là qu’il a choisi de se placer dans une situation de privation, de carences, d’épuisement, de manque de sommeil. C’est là absolument capital pour comprendre toute la question.
Il faut bien voir la chose suivante. Lorsque les premiers chrétiens vont dans le désert, pour vivre en ermites, ils ne le font pas comme le dit une lecture a posteriori afin d’éviter une société pleine de tentation.
En réalité, ils pratiquent une privation d’alimentation et de sommeil tendant à des expériences hallucinatoires, dont la tradition était restée. Cela change absolument tout. Et comme on le sait, par la suite, les religions monothéistes ont procédé à l’extinction de telles démarches hallucinées, de manière inégale naturellement.
Regardons ce qu’il est dit des prophètes. L’évangile selon Luc raconte comment c’est au bout de quarante jours de jeûne – donc dans un état halluciné – que Jésus a assumé sa « vision » :
« Jésus, rempli du Saint Esprit, revint du Jourdain, et il fut conduit par l’Esprit dans le désert,
où il fut tenté par le diable pendant quarante jours. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, après qu’ils furent écoulés, il eut faim.
Le diable lui dit : Si tu es Fils de Dieu, ordonne à cette pierre qu’elle devienne du pain.
Jésus lui répondit : Il est écrit : L’Homme ne vivra pas de pain seulement.
Le diable, l’ayant élevé, lui montra en un instant tous les royaumes de la terre,
et lui dit : Je te donnerai toute cette puissance, et la gloire de ces royaumes ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux.
Si donc tu te prosternes devant moi, elle sera toute à toi.
Jésus lui répondit : Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul.
Le diable le conduisit encore à Jérusalem, le plaça sur le haut du temple, et lui dit : Si tu es Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas ; car il est écrit :
Il donnera des ordres à ses anges à ton sujet, Afin qu’ils te gardent ;
Et : Ils te porteront sur les mains, De peur que ton pied ne heurte contre une pierre.
Jésus lui répondit : Il est dit : Tu ne tenteras point le Seigneur, ton Dieu.
Après l’avoir tenté de toutes ces manières, le diable s’éloigna de lui jusqu’à un moment favorable.
Jésus, revêtu de la puissance de l’Esprit, retourna en Galilée, et sa renommée se répandit dans tout le pays d’alentour.
Il enseignait dans les synagogues, et il était glorifié par tous.
Il se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture,
et on lui remit le livre du prophète Ésaïe. L’ayant déroulé, il trouva l’endroit où il était écrit :
L’Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ; Il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé,
Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés, Pour publier une année de grâce du Seigneur.
Ensuite, il roula le livre, le remit au serviteur, et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue avaient les regards fixés sur lui.
Alors il commença à leur dire : Aujourd’hui cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie. »
On lit également dans le Nouveau Testament, dans l’Evangile selon Matthieu, au sujet de Jean Baptiste qui est celui qui a précédé Jésus :
« En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait : Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche.
Jean est celui qui avait été annoncé par Esaïe, le prophète, lorsqu’il dit : C’est ici la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Les habitants de Jérusalem, de toute la Judée et de tout le pays des environs du Jourdain, se rendaient auprès de lui ; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain. »
On a là tous les critères d’un mode de vie propice aux hallucinations. De la même manière, dans l’Islam, Mahomet est présenté comme hypersensible (par exemple aux sons, transpirant beaucoup, etc.) et il avait coutume d’aller dans une grotte comme le relate sa femme Aïcha dans une tradition relatée par l’une des principales figures de l’Islam sunnite, Mouhammad al-Boukhârî :
« Les premiers signe précurseur de la révélation consistait dans le rêve prémonitoire ; chaque fois qu’il faisait un rêve, le contenu se concrétisait de manière aussi claire que la clarté du matin.
Il aimait à se retirer et se réfugiait dans la grotte du mont Hira. Il s’y livrait à des actes d’adoration pendant des nuits puis il rejoignait sa famille pour s’approvisionner et se rendait auprès de Khadija [sa première épouse].
Il perpétuait cette conduite jusqu’au moment où la vérité lui parvint alors qu’il se trouvait dans la grotte du mont Hira.
A ce moment, l’ange se présente à lui et lui dit : lis – je ne sais pas lire
L’ange me prit, dit-il, et me serra péniblement contre lui puis me relâcha et me dit : lis – je ne sais pas lire
Il me saisit encore et me serra péniblement contre lui puis me relâcha et dit : lis – je ne sais pas lire.
Il se saisit de moi et me serra contre lui une troisième fois puis il me relâcha et dit : Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l’homme d’une adhérence. (Coran, 96 :1-2).
Le Messager d’Allah (bénédiction et salut soient sur lui) retint cela et rentra chez lui, le cœur battant très fort. »
Cette grotte où le jeûne aboutit à l’hallucination se retrouve pareillement chez Moïse, de manière masquée par contre ici. Dans le livre de l’exode, on a un Moïse serein rencontrant un phénomène exceptionnel, mais en réalité il est halluciné justement dans la grotte :
« Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb.
L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer.
Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? »
Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! »
Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! »
Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. »
S’il est parlé de se voiler la face en l’honneur de Dieu, c’est simplement à la base en raison de la situation physiquement délabrée d’un Moïse hallucinant.
De la même manière, le Bouddha est censé avoir prôné l’abandon d’un ascétisme ultra-rigoriste plein de mortifications. Mais il a prôné cela après l’avoir lui-même vécu, et tout en continuant la « méditation » : c’est sous un figuier qu’il atteint ainsi « l’Illumination suprême ».
On a de toutes façons la preuve du caractère halluciné des prophètes avec le fait qu’aucun d’entre eux n’ait jamais rien écrit, qu’ils ont toujours vécu leur illumination sans aucun recul, les religions naissant par la suite sur la base d’une tradition fondée de manière arbitraire par d’autres figures.
Une autre preuve est que les monothéismes ont été prétextes à des phénomènes irrationnels de masse, montrant à quel point ils sont substantiellement en phase avec le désarroi psycho-physiologique des êtres humains.
Et cela est vrai jusqu’à aujourd’hui, car le monothéisme ne dépend pas tant d’un mode de production que d’un niveau des forces productives et concrètement du rapport entre agriculture et domestication des animaux.
Tant qu’un cap n’a pas été passé, les faiblesses des situations historiques peuvent provoquer des mouvements profonds où un vaste nombre de gens frappés par la famine ou des formes de carences basculent dans un irrationalisme à tendance hallucinée.
L’Inde, par exemple, a jusqu’au 20e siècle connu des épisodes de dépression de masse particulièrement marquants, avec une prévalence significative de la religion sur un mode halluciné. Mais des phénomènes d’hallucinations même « encadrées » se retrouvent dans la religiosité catholique à Naples ou lors des pèlerinages à La Mecque.
C’est littéralement le matériau humain qui n’est ici pas à la hauteur du matérialisme dialectique.
Et ce matériau humain se forge dans le rapport aux forces productives, les transformant et se transformant.
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