Aristote considérant que les choses naturelles sont des sujets dont la forme change, que c’est la nature qui est principe de mouvement et que ce sont les physiciens qui l’étudient, il lui faut fournir une définition adéquate du dit mouvement.
Voici ce qu’il dit dans La physique, de manière en apparence extrêmement obscure :
« Étant donnée la distinction, en chaque genre, de ce qui est en entéléchie, et de ce qui est en puissance, l’entéléchie de ce qui est en puissance, en tant que tel, voilà le mouvement ; par exemple de l’altéré, en tant qu’altérable, l’entéléchie est altération ; de ce qui est susceptible d’accroissement et de son contraire ce qui est susceptible de décroissement (il n’y a pas de nom commun pour tous les deux), accroissement et diminution; du générable et du corruptible, génération et corruption ; de ce qui est mobile quant au lieu, mouvement local. »
Traduit de manière simple, cela donne la chose suivante. Il existe une chose naturelle. Cette chose naturelle peut être amenée à changée. Elle est donc changeable. Le processus qui amène une chose changeable (en puissance) à être changée (en acte) s’appelle entéléchie. L’entéléchie est le processus faisant qu’une chose se modifie.
Bien évidemment, il y a de nombreuses modifications possibles. Mais le principe est le même : le mouvement est une actualisation d’un potentiel. C’est pourquoi Aristote formule la définition du mouvement de manière bien plus synthétique en disant :
« Le mouvement est l’entéléchie du mobile comme mobile. Mais cela arrive par le contact du moteur, de sorte qu’en même temps il pâtit.
Quoi qu’il en soit, le moteur toujours apportera une forme, soit substance particulière, soit qualité, soit quantité, laquelle sera principe et cause du mouvement, quand le moteur produira le mouvement ; par exemple l’homme en entéléchie fait de l’homme en puissance un homme. »
Cela aboutit à une théorie particulière de l’espace. Puisque les choses changent parce qu’elles sont mues, puisque la mobilité est la caractéristique des choses mues (qu’elles le soient en acte ou qu’elles le soient potentiellement, « en puissance »), alors l’espace est constitué de ces choses potentiellement mobiles dans leur rapport au mouvement.
Aristote ne fait pas de l’espace quelque chose à part, une entité indépendante. Il dit qu’il est constitué des frontières des choses mobiles, qu’il est façonné par la séparation des choses mobiles :
« La limite immobile immédiate de l’enveloppe, tel est le lieu (…) Le lieu paraît être une surface et comme un vase ; une enveloppe. En outre le lieu est avec la chose, car avec le limité, la limite. »
L’espace est constitué des formes, celles-ci évoluent en fonction de leur mobilité qui a comme origine un moteur et leurs frontières qui marquent leur séparation, leur différence, est la nature de l’espace :
« Le tout n’est pas quelque part.
En effet la chose qui est quelque part est d’abord par elle-même une chose, ensuite en suppose une autre à côté, en laquelle consiste l’enveloppe ; or à côté du tout de l’Univers il n’y a rien eu dehors du tout et par suite tout est dans le ciel, car le ciel est le tout, c’est bien entendu (…). Tout n’est pas dans le lieu, mais seulement le corps mobile. »
Le temps n’est par conséquent que la mesure des mouvement des choses, tout comme l’espace est l’endroit où se situent les formes de ces choses. Aristote formule cela ainsi :
« Puisque le temps est mesure du mouvement et du mouvement en train de se faire, et qu’il mesure le mouvement par la détermination d’un certain mouvement qui sera l’unité de mesure pour le total, de même que la coudée mesure la grandeur en déterminant une certaine grandeur qui est l’unité de mesure pour le tout, ainsi pour le mouvement, être dans le temps c’est être mesuré par le temps, en soi-même et dans son existence, car simultanément le temps mesure le mouvement et son essence, et, pour le mouvement, le fait d’être dans le temps est le fait d’être mesuré dans son existence. »
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