En 1947 naissait le Pakistan, en 1948 Israël. Dans les deux cas, on a deux États qui sont nés d’un processus artificiel : ils prétendent rassembler, à partir de rien, des populations culturellement très variées, parlant des langues différentes.
Mais tous deux prétendaient que la religion était un moteur transcendant les nuances et les différences, et que l’État nouveau servirait de force unificatrice. Une langue, nouvelle pour la grande majorité des populations, fut imposée ; l’idéologie de l’État imposait une lecture de l’Histoire aboutissant à cet État lui-même, comme expression mystico-religieuse de l’action de Dieu lui-même.

On ne peut pas comprendre ni le Pakistan ni Israël sans voir que ces pays s’assignent un rôle historique particulier ; s’ils sont nés d’une vraie souffrance de la part des populations qui ont senti le besoin de se réunir, il y a en ces États une dimension à la fois catastrophiste et démesurée.
C’est que, tout comme l’État d’Israël est indéniablement né de la Shoah même si le sionisme apparaît plusieurs décennies auparavant, l’État pakistanais naît des grands massacres de masse de 1947.
Au-delà de toutes les considérations sur le caractère artificiel de leur fondation, sur la dimension fictive de leur idéologie, sur la non-unification concrète de leurs populations si on observe bien les choses, ce n’est pas pour rien qu’ils existent : ils s’imaginent être des forteresses assiégées, ce qu’ils sont également d’une certaine manière.

Autrement dit, les sociétés pakistanaise et israélienne existent ; leurs existences sont regrettables, car elles sont nées d’une séparation d’autres populations dont elles faisaient partie. Elles n’en sont pas moins un fait historique bien déterminé.
Tant le Pakistan qu’Israël sont nés des activités des impérialismes britannique et américain ; ils n’auraient pu ni apparaître ni se maintenir sans cet arrière-plan.
Et leur fondation possède une dimension « assiégée » en faisant des acteurs virulents, empoisonneurs des régions où ils vivent, là encore au service des impérialistes, principalement la superpuissance américaine.
Et en même temps, leur existence a été le produit d’événements réels, puissants, produisant le Pakistan et Israël de manière quasi inévitable. Impossible de les comprendre donc sans saisir le processus amenant à leur naissance.
Mais il est possible de dire de manière extrêmement simple les choses, pour comprendre de quoi il en retourne finalement. Le Pakistan et Israël sont nés comme des États laïcs, et en même temps leur idéologie est religieuse.
Ils sont nés pour permettre à des populations d’avoir un État « normal » à eux, et leur État est tout sauf normal. Ils se sont construits pour permettre la « paix » et pourtant ce sont les militaires qui y jouent un rôle central permanent.


Le Pakistan et Israël sont des tentatives d’atteindre le particulier – une identité nationale – à travers l’universel – un État comme tous les autres États. Et en même temps, ce sont des tentatives d’atteindre l’universel – la vérité religieuse de l’Islam ou du judaïsme – à travers le particulier – un État unique en son genre.
Le Pakistan et Israël sont très clairement des accidents historiques, et ils existent en même temps réellement comme produits de l’Histoire. Leurs contradictions internes les relient à ce titre immanquablement à l’Histoire de la région où ils sont nés.
Le Pakistan ne changera jamais sans changement régional, il en va de même pour Israël.
Ils sont artificiels, mais expriment le besoin de forteresse anti-génocidaire, et pour cette raison basculent eux-mêmes dans des logiques de destruction de l’ennemi, de tendance au génocide pour parer à leur propre génocide.
Le Pakistan et Israël, deux choses réelles nées artificiellement, sont le produit des tourments de l’Histoire, du caractère sinueux de l’Histoire. Rien ne serait plus faux que d’avoir un avis unilatéral à leur sujet.
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les exemples du Pakistan et du Bangladesh