Le Parnasse : une démarche qui vise le particulier

Le terme de « Parnasse » fait allusion au Parnasse de la mythologie de la Grèce antique, où Apollon vivait avec les neuf Muses, le terme étant par la suite utilisé en France pour désigner un rassemblement de poètes.

Les auteurs du courant du Parnasse ont pourtant obtenu un nom qu’eux-mêmes réfutaient. Catulle Mendès, dans La légende du Parnasse contemporain, raconte ainsi le processus ayant abouti au regroupement « parnassien » :

« Voulant publier un recueil collectif de vers nouveaux, les jeunes poètes d’alors avaient cherché un titre général qui n’impliquât aucun parti pris, ne put être revendiqué par aucune école, ne génât en rien l’originalité des inspirations diverses.

Ils voulaient que leur livre commun fût à la poésie ce que le Salon annuel est à la peinture. Ils songèrent naturellement aux publications analogues des poètes leurs ancêtres, et ils publièrent Le Parnasse contemporain, comme Théophile de Viau avait publié le Parnasse satyrique, comme d’autres lyriques avaient publié d’autres Parnasses. »

Catulle Mendès, vers 1889.

Il constate de la manière suivante l’offensive menée contre eux, avec des dénominations fantaisistes, des accusations de posséder un style lamentable, etc. :

« Au surplus, Stylistes, Formistes, Fantaisistes, Impassibles ou Parnassiens, il était avéré que nous étions parfaitement grotesques.

Je ne crois pas qu’à aucune époque d’aucun mouvement littéraire, il y ait eu, contre un groupe de nouveaux venus, un pareil emportement de gausseries et d’injures.

Raillés, bafoués, vilipendés, tournés en ridicule dans les nouvelles à la main, mis en scène dans les revues de fin d’année, tout ce que les encriers peuvent contenir de bouffonneries insultantes, on nous l’a jeté ; toutes les opinions stupides, tous les mots bêtes, on nous les a prêtés.

Nous fûmes, pendant un temps, les Jocrisses, les Calinos et les Guibollards de la poésie française.

Il suffisait de prononcer le mot « Impassible » pour que tout le monde pouffât de rire, et quelqu’un m’a affirmé qu’un jour, dans un embarras de voitures, un des cochers qui se querellaient, après avoir épuisé tout le vocabulaire populacier des outrages, avaient enfin jeté à ses adversaires vaincus cette injure suprême à laquelle il n’y avait rien à répondre : « Parnassien, va ! ». »

Cela témoigne de la véritable controverse posée par les « Parnassiens », qui s’ils avaient une posture rebelle typiquement néo-romantique, n’en étaient pas moins des partisans d’une démarche épurée, esthétisante, ayant une valeur spirituelle en soi.

Catulle Mendès, parlant des « Parnassiens » alors moqués, résume l’objectif de la manière suivante :

« C’étaient des impertinents, ces nouveaux venus, absolument ignorés hier, qui prétendaient conquérir le public au respect de l’idéal et du travail persévérant, à l’amour des belles formes, des beaux vers et des belles rimes, à l’enthousiasme pour l’art sacré.

En ces temps d’opérettes et de romans bâclés à la diable, on se souciait peu de la beauté et de la perfection rêvées. »

Ce que montre parfaitement ici Catulle Mendès, c’est que le Parnasse correspond en fait à l’exigence de la bourgeoisie d’avoir sa propre idéologie, sa propre esthétique, ayant comme valeur le travail et l’ostentatoire, le raffiné et l’élitiste, avec un spiritualisme non-religieux.

La poésie n’est plus liée à la sensibilité combinée à la technique d’expression, mais à la technique d’expression liée à un certain regard sur une chose. C’est une démarche qui vise le particulier et non pas l’universel. Et c’est une démarche individuelle de manière assumée.

Quand il parle également de conquérir le public, il témoigne également du fait que si les partisans de l’art pour l’art rejetaient la politique, ils portaient cependant tout à fait un drapeau.

Lorsque Gustave Merlet, professeur de français parmi les plus éminents de la République, représentant des agrégés de Lettres au Conseil supérieur de l’Instruction publique, éminent critique littéraire, etc., fait un recueil sur la poésie du XIXe siècle, il accorde une place essentielle au Parnasse ; lorsque l’inspecteur général Albert Cahen publie en 1908 un recueil de textes, il accorde 15 pages à Sully Prudhomme, 9 à Leconte de Lisle, 8 à François Coppée.


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