Le PCF en 1936 : le succès électoral

Le Parti Communiste Français éprouve une immense satisfaction des résultats du premier tour des élections législatives du 25 avril 1936. 1 492 020 voix se sont portées sur lui, contre 790 000 en 1932.

À Paris, les candidats du Parti Communiste Français ont obtenu 162 000 voix (contre 92 000 en 1932) ; dans les arrondissements de Sceaux et de Saint-Denis ils en obtiennent 200 000 (contre 122 000 en 1932). 

Paris et la banlieue rouge restent des bastions puissants, désormais élargis. Les reports ont fonctionné et, qui plus est, le Parti Communiste Français fait partie d’un bloc qui a largement les moyens de l’emporter.

Voici le communiqué du Parti Communiste Français une fois les résultats définitifs connus. Ce qu’on lit est d’un opportunisme sans limites ; on chercherait en vain une dynamique qui aille au-delà de la soumission au Front populaire dans le cadre étroit soumis à l’alliance aux radicaux.

« Pour une France libre, forte et heureuse

Le peuple de France a parlé. Il a manifesté avec force sa volonté de contrecarrer la malfaisance des 200 familles qui pillent notre beau pays.

Il s’est prononcé pour la défense de la liberté si chèrement conquise par nos pères au cours des luttes du passé.

Il a condamné les fauteurs de guerre qui, de connivence avec Hitler, menacent la paix du monde.

La grande voix du peuple français a clamé l’amour de la paix et de la liberté.

Bravo !

Le Parti communiste se réjouit des magnifiques succès remportés par le Front populaire et il se félicite que le peuple français lui ait avec tant de chaleur témoigné
sa sympathie pour les efforts déployés en vue de réaliser l’union de la nation française.

Déjà, des chefs parmi les plus marquants de la réaction et du fascisme sont en ballottage Taittinger, Paul Reynaud, Jean Fabry, Jean Goy, Franklin-Bouillon, Cathala, Foulon, de Castellane, etc..

Maintenant, il faut pousser plus loin l’avantage et battre les agents des 200 familles.

Tous unis pour le deuxième tour de scrutin communistes, socialistes, radicaux,
républicains, démocrates de toutes tendances, rassemblement pour faire triompher au
deuxième tour les candidats du Front populaire du pain, de la paix et de la liberté.

Vive la France libre, forte et heureuse que veulent et que feront les communistes

LE PARTI COMMUNISTE. »

Heureusement, les masses commencent à gronder. Le 1er mai 1936, la grève et les manifestations sont puissantes. Pour la première fois en vingt ans, les usines Renault ont dû fermer, alors qu’il y a 120 000 métallurgistes en grève dans la région parisienne.

Les manifestants sont 80 000 à Marseille, 4 000 à Amiens, 10 000 à Strasbourg, 25 000 à Lille, 10 000 à Toulouse, 15 000 à Toulon, 2 500 à La Rochelle, 2 000 à Cherbourg… Et du côté communiste, à Paris, il y a 30 000 personnes au meeting au Buffalo, pour 15 000 à celui de Clichy et quelques autres dizaines de milliers répartis dans différents meetings de la région parisienne.

Il y a une agitation, mais son contenu est faible. Pour preuve, ce qu’on peut lire dans L’Humanité du 2 mai 1936, dès la première page. C’est un petit encart, qu’on retrouve de manière étrange aux côtés des comptes-rendus de manifestation et des appels à la mobilisation, à voter pour le second tour.

Il est raconté la mésaventure d’un dompteur victime de son activité et dont il fait l’éloge, alors que le pauvre lion emprisonné et torturé est présenté comme un animal « malfaisant » qui en plus a osé essayer de lutter pour sa survie lorsqu’on a voulu le tuer.

Le caractère absurde d’un tel compte-rendu en première page s’associe au caractère clairement contre-révolutionnaire de la présentation des faits. Ce que cela révèle, c’est que l’horizon du Parti Communiste Français est faible ; on ne dépasse pas les revendications sociales, même si généralisées.

Et tant la presse socialiste que la presse communiste s’aligne régulièrement sur le culte du fait divers, acceptant la fascination morbide. Les socialistes et les communistes ont, en fait, relativement peur des masses, et ils ont toujours peur d’aller trop loin ou pas assez, dans une inquiétude militante typique. C’est justement la légitimité des élections (parlementaires, communales, syndicales) qui seule atténue cette inquiétude chez eux.

Il y a donc une contradiction entre la victoire électorale et l’agitation des masses. Ce n’est qu’un début : tout va s’amplifier.

Déjà, la victoire électorale est là. Le Front populaire l’emporte, avec 378 députés : il y a 72 communistes, 146 socialistes, 116 radicaux, 44 des socialistes et radicaux indépendants.

Dans le camp adverse, la droite et les radicaux qui lui sont alliés ont 240 députés : 31 radicaux indépendants, 83 républicains de gauche, 23 démocrates populaires, 92 de l’Union républicaine et démocratique, 11 conservateurs.

La question de la participation se pose. Le Parti Socialiste-SFIO demande en effet tant au Parti Communiste Français qu’à la CGT d’être partie prenante. Cette dernière propose de conseiller dans certains aspects dans des organismes spécifiques, elle se maintient à l’écart tout en soutenant. Les radicaux, qui ont naturellement eu la même demande formelle, ont accepté.

Maurice Thorez veut suivre, il est pour la participation gouvernementale, mais personne au Bureau politique n’est avec lui. Il recule donc et le Parti Communiste Français reste à l’extérieur du gouvernement, tout en affirmant qu’il le soutiendra entièrement dans son application du programme prévu.

Il y a là une contradiction, dont le Parti Communiste Français ne sortira plus, au fur et à mesure des problèmes qu’affronte le gouvernement du Front populaire. Au départ, toutefois, l’optimisme est unilatéralement de rigueur.

Voici la réponse communiste à la proposition socialiste. Elle dit simplement que le refus se fonde sur le principe de vouloir éviter de donner un prétexte aux attaques politiques bourgeoises.

« Chers Camarades,

Le Bureau Politique a étudié très attentivement votre dernière lettre demandant à notre Parti Communiste de participer au prochain gouvernement.

Le Bureau Politique a estimé unanimement que dans l’intérêt même de notre cause commune la cause du Front Populaire il n’y avait pas lieu de modifier la politique fixée par nos plus récents Congrès.

Nous avons tenu très loyalement à indiquer au cours de la campagne électorale que notre Parti ne participerait pas au gouvernement. C’est dans des conditions exemptes de toute équivoque que notre Parti Communiste a remporté un grand succès et contribué efficacement à la victoire de l’ensemble des Partis du Front Populaire.

Nous ne sommes guidés que par un souci exclusif assurer à tout prix la réussite de t’entreprise de rénovation économique et sociale, de sauvegarde de la liberté et de la paix voulue par le peuple de France.

Nous sommes convaincus que les Communistes serviront mieux la cause du peuple en soutenant loyalement, sans réserves et sans éclipses, le gouvernement à direction socialiste, plutôt qu’en offrant, par leur présence dans le cabinet, le prétexte aux campagnes de panique et d’affolement des ennemis du peuple.

L’unité d’action a été réalisée grâce à de longs et patients efforts de notre Parti et dans le développement de l’action des masses laborieuses. Le Front Populaire, dont nous nous honorons d’avoir été les initiateurs, n’a de même triomphé que par la volonté des masses.

Aujourd’hui comme hier, nous estimons que la garantie du succès réside avant tout dans l’action des masses, dans leur cohésion et leur organisation.

Or, déjà, la presse réactionnaire tenté de présenter notre ferme volonté d’assurer au prochain gouvernement l’appui effectif, des masses laborieuses, par le moyen des Comités du Front Populaire, comme une tactique de bouleversement révolutionnaire.

Cependant, comme vous le savez, il s’agit simplement d’améliorer ce qui existe les organes de liaison du Rassemblement populaire qui ont joué un si grand rôle dans la préparation de notre victoire électorale. Ces Comités ne sauraient d’ailleurs prétendre à se substituer aux Partis, politiques unis dans le Front Populaire.

En vous exposant ainsi très franchement les raisons qui nous font décliner votre offre de participation ministérielle, nous vous renouvelons solennellement. les, déclarations faites par Maurice Thorez et Jacques Duclos à notre camarade Léon Blum Nous vous assurons de notre collaboration la plus étroite et la plus fraternelle.

Avec tous nos amis et alliés du Front Populaire, nous réaliserons pleinement l’effort vigoureux qui s’impose afin de faire, payer les riches et de soulager la misère des pauvres et des malheureux, afin de rétablir la prospérité du pays, et conduire à une France libre, forte et heureuse.

Croyez, chers Camarades, à nos sentiments fraternels et communistes.

Pour le bureau politique du Parti communiste

Le secrétaire général, Maurice THOREZ. »

20 000 personnes se rassemblent salle Wagram à Paris, à l’appel des communistes pour saluer le nouveau gouvernement. Et le 24 mai 1936, 600 000 personnes manifestent pour célébrer la Commune de Paris, dans une grande affirmation socialiste et communiste. Début juin, c’est au vélodrome d’Hiver que Maurice Thorez fait acclamer le soutien du Parti Communiste Français au nouveau gouvernement.

Le 14 juin, 120 000 travailleurs célèbrent ensemble, à Paris au Buffalo, le meeting commun socialiste-communiste.

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