L’idée de Lénine était en 1919 la suivante : la révolution russe a réussi, il y a une effervescence en Allemagne, la gauche de la social-démocratie devient souvent communiste et le principe des « soviets » se répand comme méthode universelle d’organisation prolétarienne. Il faut donc battre le fer quand il est chaud.
Tel n’était pas le point de vue du KPD. Le délégué du Parti Communiste d’Allemagne prit ainsi le premier la parole lors de ce qui a suivi les rapports : le débat sur la ligne de l’Internationale Communiste. Il souligna que le communistes allemands n’étaient nullement contre la fondation de celle-ci, mais que contrairement aux communistes russes et finlandais, ils pensaient qu’il fallait de la prudence et y aller par étapes.
Le délégua allemand expliqua qu’il y avait la crainte d’une cérémonie pompeuse de fondation, pour des résolutions finalement de papier ; les travailleurs appréhendaient selon lui une telle démarche dans les pays occidentaux. On reconnaît bien entendu ici le traumatisme de l’échec de la seconde Internationale, qui s’est brisée sur le déclenchement de la première guerre mondiale.
De plus, il insista sur les tâches pratiques, demandant un haut niveau de structuration encore impossible à atteindre, et liées à l’objectif de la prise du pouvoir. Or, selon lui, c’est incompatible avec la présence au congrès de gauches de la social-démocratie n’ayant somme toute pas encore fait une réelle rupture avec l’esprit de conciliation avec la bourgeoisie.
Ce n’était pas l’approche des communistes russes, qui envisageaient les choses de manière particulièrement dynamique.
Pour cette raison, les voix des délégués ne dépendaient pas de la taille de leur parti, mais de l’importance de leur pays. Ils étaient considérés comme les représentants de leur prolétariat et on voit bien qu’il est considéré que, rapidement, les communistes feraient la conquête des masses.
Ainsi, au premier congrès, où il y a 35 délégués avec une voix décisionnelle, on a le Parti Communiste de Russie qui dispose de 5 voix, tout comme le Parti Communiste d’Allemagne, la Gauche française dite de Zimmerwald et le SLP américain. Or, si les communistes russes ont pris en charge un État, si les communistes allemands ont une base de masse et une longue expérience historiquement, ni les Français ni les Américains ne disposent de quelque chose de réellement ancré.
Leur importance est déterminée par leur situation historique dans le capitalisme et par le potentiel historique en résultant.
Ont trois voix les délégués de pays de taille moyenne : le Parti Communiste de l’Autriche allemande, le Parti Communiste de Hongrie, la gauche de la social-démocratie suédoise, le Parti social-démocrate de Norvège, le Parti social-démocrate de Suisse, la Fédération révolutionnaire balkanique (les Tesnjaki bulgares et le Parti Communiste roumain), le Parti Communiste de Pologne, le Parti Communiste de Finlande, le Parti Communiste d’Ukraine.
Ce sont là des organisations motivées, déterminées, avec un véritable engagement, une réelle conscience de l’enjeu historique.
Disposent d’une voix le Parti Communiste de Lettonie, celui de Lituanie et de Biélorussie, celui d’Estonie, celui d’Arménie, celui des colonies allemandes (en Russie), ainsi que le groupe unifié des peuples orientaux de Russie.
De manière consultative sont présentes plusieurs organisations, comme le groupe communiste français, le groupe communiste tchèque, le SDP de Hollande, le groupe communiste des Slaves du sud, etc.
En pratique, tout cela ne représente pas grand-chose, voire rien du tout à part les Russes et les Allemands, ainsi que les Finlandais et les Hongrois, mais aussi les Bulgares et les Norvégiens. Toutefois, c’était une initiative marquante dans un contexte explosif. Rien que la tenue d’une telle conférence, alors que la Russie était entièrement coupée du reste de l’Europe et pratiquement inaccessible en transports, était un grand marqueur politique.
Les participants au congrès en avaient tout à fait conscience.
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