Qu’est-ce qu’un Parti Communiste ? Ce sont des gens qui incarnent la volonté de la révolution, qui portent les valeurs de la révolution, qui font de l’agitation et de la propagande, qui organisent. C’est une vérité bien connue dans notre pays, qui grâce à sa longue histoire de lutte des classes a su porter génération après génération des éléments se tournant vers le Communisme.
Il est bien connu toutefois que, malheureusement, notre pays résume la politique au tempérament ; à cela s’ajoute que les Français ne sont bons que dans l’adversité. Lorsque le Parti Communiste fut fondé en 1920, il s’appuyait sur la majorité du Parti socialiste SFIO et pourtant il sombra immédiatement dans le sectarisme et la marginalité.
Il fallut la tentative de coup d’État fasciste du 12 février 1934 pour que, le dos au mur, les révolutionnaires prennent l’initiative, portant une nouvelle dynamique qui fut celle du Front populaire. Livré à lui-même, le Front populaire s’enlisa toutefois et il fallut le drame de l’Occupation et du régime de Vichy pour que les révolutionnaires, une nouvelle fois le dos au mur, soient en mesure de se transcender, pour mener la Résistance.
Ce n’est pareillement que le dos au mur, après dix années de régime gaulliste né du coup d’État de 1958, que les révolutionnaires furent en mesure de provoquer l’étincelle donnant naissance à Mai 1968, qui fut un véritable mouvement populaire. Puis, pareillement, les révolutionnaires sombrèrent dans le sectarisme et la marginalité après Mai 1968.
Nous avons compris cette incapacité des révolutionnaires de France à agir de manière autonome, cette dépendance vis-à-vis des situations sans issue. Elle provient d’une démarche très française, s’appuyant sur un esprit rationaliste toujours prompt à relativiser et a ainsi se retrouver piégé par les situations.
Cela, on n’y peut pas grand-chose : telle est la nature culturelle de notre peuple, de par son parcours historique. Si l’on ne discute pas de tout, ce n’est pas français. C’est une très bonne chose pour après la révolution, car c’est source de démocratie populaire. Cela n’aide toutefois pas pour aller à la révolution, car cela amène à repousser les échéances, à retarder les prises de décision, voire à ne jamais décider de rien.
Il y a cependant un autre aspect, qu’on peut et qu’on doit travailler. C’est le fait qu’en France on réduise la question de la révolution au tempérament, à la volonté. C’est là un grave travers qui provient du syndicalisme révolutionnaire et de l’anarchisme ; être révolutionnaire, ce serait ruer dans les brancards, tout le reste ne serait que réformisme.
Nous affirmons que, justement, le bolchevisme développé par Lénine permet de ne pas sombrer ni dans l’anarchisme et sa vaine fascination pour le spectaculaire, ni dans le réformisme et son pragmatisme toujours prompt à la corruption. Ce fut également ce qu’avait senti la majorité des socialistes en France en 1920, lorsqu’il y eut la décision au Congrès socialiste de Tours de former la Section Française de l’Internationale Communiste, le Parti Communiste.
Pourquoi le Parti Communiste a-t-il échoué dans les années 1920-1930 ?
Les socialistes ont assumé, en 1920, de changer leurs méthodes de travail, leur conception de l’organisation, leur perception des questions théoriques. Cela a été très laborieux toutefois et il fallut attendre 1931 pour que le Parti Communiste se mette « à l’heure de Moscou ». Ce fut d’ailleurs le Slovaque Eugen Fried qui fut nommé en 1930 comme référent pour la France par l’Internationale Communiste ; c’est lui qui réorganisa le Parti Communiste, alors que Maurice Thorez en prit la direction.
C’est ainsi sous la direction directe de l’Internationale Communiste que le Parti Communiste put réellement s’affirmer dans les années 1930, mais on sait bien qu’il y avait le besoin que soient générées des forces vives de l’intérieur pour que cela fonctionne vraiment. Or, avec l’Occupation, livrés à eux-mêmes, les militants du Parti Communiste ont montré qu’ils étaient comme Maurice Thorez.
Les militants du Parti Communiste étaient plein d’abnégation, de tempérament sincèrement communiste. Mais ils ne comprenaient rien au matérialisme dialectique, ni à ce qui se passait en URSS. Ils suivaient l’URSS par intuition, par passion ; ils restaient incapables d’assimiler les bases du Communisme et ne produisirent aucune analyse matérialiste historique de leur propre pays.
Les militants du Parti Communiste considéraient qu’ils représentaient le Parti du syndicalisme, que la révolution viendrait du syndicat, la CGT, qu’eux étaient des agitateurs politiques préparant le terrain pour cela. Lorsque le révisionnisme triompha en URSS en 1953, strictement rien ne changea pour le Parti Communiste : il continua tout comme avant.
Pourquoi le Parti Communiste a-t-il échoué dans les années 1940-1960 ?
Le Parti Communiste avait mené la Résistance, mais il se mit à la remorque de de Gaulle, tout comme il suivait en réalité le syndicat CGT dans tous les domaines. Devenu un mouvement de masse en 1945, et même le premier parti politique du pays, il ne prit jamais l’initiative, se plaçant toujours dans cette position de suivisme.
Lors du coup d’État gaulliste de 1958, il ne fut donc pas en mesure de prendre l’initiative et après avoir rejeté le régime de la Ve République, il finit par s’en accommoder et même par le suivre. Cette logique de suivisme fut tellement forte que le Parti Communiste Français fut le grand opposant à Mai 1968, jetant avec la CGT toutes ses forces pour étouffer la protestation et casser les « gauchistes ».
Comme on était alors déjà loin des principes du bolchevisme, de l’affirmation de la clandestinité, du soulèvement, de l’insurrection armée ! Et il est marquant que cette incohérence ne fut pas remarquée dans les rangs du PCF. Il y a une continuité profonde dans l’histoire du PCF, il n’y a jamais eu d’opposition interne, de protestation contre la décadence des orientations, de refus du révisionnisme à l’encontre des principes.
C’est que le Parti Communiste, malgré les efforts de l’Internationale Communiste, ne fut jamais en France qu’un parti de type social-démocrate comme il existait en Allemagne et en Autriche avant 1914.
Il était de masse, il exigeait les réformes, il en menait à grande échelle dans les municipalités ; il organisait de très nombreuses structures populaires, à grande échelle, comme le Secours Populaire, la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), l’Union des femmes françaises, l’UNEF, la Fête de l’Humanité, etc.
Il était un lieu de socialisation, pas de révolution.
Pourquoi le Parti Communiste a-t-il échoué dans les années 1970-1980 ?
Mouvement de masse, Parti du syndicat, suiviste, le Parti Communiste a 440 000 membres au début des années 1970, mais il est incapable de prendre des initiatives, il ne peut que suivre. Il se mit logiquement à la remorque des socialistes, avec qui un programme commun est établi en 1972.
De manière cohérente avec ce positionnement toujours accompagnateur, il avait naturellement balancé par-dessus bord tous les encombrants restes de principes idéologiques. Quelques jours avant son 22e congrès, son secrétaire général Georges Marchais annonça à la télévision que le concept de « dictature du prolétariat » était abandonné, sans que personne n’en soit offusqué par la suite parmi les 1500 délégués, qui avaient 32 ans de moyenne d’âge et dont 60 % avaient adhéré après 1968.
Le Parti Communiste Français, parti gouvernemental dans les années 1980-2020
Au début des années 1980, le Parti Communiste Français est un mouvement de masse et il le restera jusqu’au début des années 1990 encore. Cependant, il est hostile à l’idée de révolution ; il est ouvertement un parti d’orientation gouvernementale, étant d’ailleurs au gouvernement (1981-1984). Il choisit par la suite de rester entièrement un parti visant à une participation gouvernementale, ce qu’il réussit dans le cadre de la « gauche plurielle » (1997-2002).
Il n’est plus que l’ombre de lui-même, il professe un « communisme » qui n’a plus rien à voir ni de près ni de loin avec son origine, ni même avec son propre parcours. Il a échappé à son rôle historique, qu’il n’a pas voulu assumer.
Le sens de la reconstitution du Parti Communiste en France
Puisque le Parti Communiste Français a trahi, il y a lieu de le reconstituer. Il ne s’agit pas de le « reconstruire ». Il y a eu des tendances qui sont apparues dans le Parti Communiste Français dans les années 1990, exprimant la nostalgie des années 1980, 1970, 1960. Cela n’a aucun sens, car le Parti Communiste Français était déjà corrompu.
Il ne voulait déjà plus la révolution, le renversement du capitalisme et de son État par les masses en armes. Il n’assumait déjà plus le marxisme-léninisme et soutenait ouvertement le révisionnisme soviétique, auquel il contribuait avec la thèse développée par son économiste Paul Boccara, le « capitalisme monopoliste d’Etat », qui prolongeait celle du soviétique Eugen Varga.
Aucune « reconstruction » n’est possible. Seule une reconstitution est possible et cela sur la base de deux éléments : l’affirmation de la prise du pouvoir par la violence et l’incarnation de l’antagonisme dans la société française. Le Parti Communiste se reconstitue en assumant la violence révolutionnaire et en étant porté par des gens assumant de rompre avec l’idéologie dominante, de ne pas céder aux valeurs proposées par le capitalisme.
C’est cela qui forme le terrain pour l’expression du matérialisme historique permettant d’analyser la société française, du matérialisme dialectique comme vision du monde des communistes. C’est cela qui établit la substance du Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste), comme avant-garde portant l’antagonisme et le diffusant aux masses populaires, pour enclencher le processus révolutionnaire.